Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 29 juin 2018 et un mémoire complémentaire enregistré le 19 novembre 2018, M.D..., représenté par la SELARL Interbarreaux Monconduit associés, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
- l'autorité compétente est le préfet du département dans lequel a été constatée l'irrégularité et non celui du département où a eu lieu la retenue pour vérification du droit de circulation ; or la décision ne comporte aucune précision sur les conditions d'interpellation ni sur les circonstances de la vérification d'identité ;
- la décision a été prise par une autorité incompétente en ce que la décision n'a pas été signée par le préfet alors qu'aucune délégation de signature n'a été régulièrement publiée ;
- il est impossible à la lecture de la décision de connaître son signataire car le nom et la qualité de l'autorité sont illisibles ;
- la décision est illégale car à sa lecture, il ne peut pas connaitre le nom et la qualité de l'agent ayant procédé à la notification de la décision et vérifier s'il était compétent pour effectuer cette notification ;
- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ;
- il a commis une erreur sur l'exactitude matérielle de sa situation en considérant qu'il n'apportait pas la preuve qu'il demeurait en France de manière stable et habituelle ;
- il a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et a commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur sa vie privée et familiale.
Sur la décision de ne pas accorder au requérant de délai pour quitter le territoire français :
- la décision précitée a méconnu les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Sur l'interdiction de retour sur le territoire français :
- la décision est insuffisamment motivée au regard des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur sa vie privée et familiale.
La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Heers a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.D..., ressortissant tunisien né le 3 août 1983, est entré en France le
17 mars 2013 selon ses dires. Par un arrêté du 23 mars 2018, le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a fait obligation de quitter le territoire sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son égard une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. M. D... relève appel du jugement du 15 mai 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, si le requérant, après avoir rappelé que l'autorité compétente est le préfet du département dans lequel a été constatée l'irrégularité et non celui du département où a eu lieu la retenue pour vérification du droit de circulation, soutient que la décision ne comporte aucune précision sur les conditions d'interpellation ni sur les circonstances de la vérification d'identité, il ressort en tout état de cause des pièces du dossier qu'il a été interpellé dans le ressort du préfet qui a adopté l'arrêté contesté.
3. En deuxième lieu, M. D...ne peut utilement soutenir, sans produire l'original de la décision dont il a reçu notification, qu'il est impossible à sa lecture d'en connaître le signataire dès lors que le nom et la qualité de l'auteur sont illisibles. En tout état de cause, il ressort de l'examen de la copie figurant au dossier que le signataire est M. C... E..., adjoint au chef du bureau de l'éloignement et du contentieux, sous le timbre de la direction des migrations et de l'intégration de la préfecture de Seine-Saint-Denis. Par ailleurs, en vertu de l'article 1 de l'arrêté n° 18-0110 du 12 janvier 2018, publié le même jour, donnant délégation de signature à certains collaborateurs de Mme F...B..., directrice des migrations et de l'intégration, le préfet de Seine-Saint-Denis a donné délégation à M. C... E...pour signer tous les actes dans la limite de ses attributions en cas d'absence ou d'empêchement de diverses autorités. Il ne ressort pas des pièces du dossier que ces autorités n'étaient pas absentes ou empêchées lors de la signature de l'acte contesté. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte en ce qu'il n'est pas justifié d'une délégation de signature doit être écarté, de même que le moyen tiré de ce que les noms et qualités du signataire de l'acte ne seraient pas indiqués de façon lisible, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration.
4. Il résulte des dispositions précitées que l'obligation d'identification qu'elles prescrivent ne s'applique qu'au seul auteur d'un acte ou d'une décision et non à l'agent qui procède à la notification de l'acte ou de la décision. Le fait que l'identité de l'agent ayant procédé à la notification de la décision contestée ne soit pas connue est sans incidence sur la légalité de la décision elle-même. De même, s'il n'est pas justifié que l'agent qui a procédé à la notification de l'arrêté attaqué ait reçu délégation pour ce faire, une telle circonstance est sans incidence sur la légalité de l'arrêté en litige. Par suite, le moyen, tiré de ce que la notification de la décision est irrégulière ne peut qu'être écarté.
5. Le requérant reprend en appel, sans apporter d'éléments nouveaux, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation de l'arrêté contesté, en méconnaissance de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Il y a donc lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par les premiers juges.
6. Si M. D...soutient que le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à cet examen avant de prendre la décision contestée. Par suite, le moyen doit être écarté.
7. Par ailleurs, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
8. Le requérant soutient être arrivé en France le 17 mars 2013 pour y recevoir un traitement médical et qu'il a pu y retrouver sa mère, sa soeur et sa nièce de nationalité française. S'il soutient par ailleurs qu'il vit en couple avec une Française depuis plusieurs années, il ne le démontre pas en se bornant à produire un avis d'échéance de loyer adressé à la personne présentée comme sa compagne et une attestation d'hébergement d'une personne présentée comme sa compagne d'après les énonciations du mémoire complémentaire, sans autre attestation de quiconque sur l'ancienneté et la réalité de cette vie commune alléguée. Par ailleurs, à supposer établi qu'il vive en France depuis 2013 soit depuis cinq ans à la date de la décision contestée, M. D...n'a jamais demandé de la régularisation de sa situation. Par ailleurs, il a vécu jusqu'à l'âge de trente ans dans son pays d'origine, où il ne soutient pas être isolé, et ne démontre pas d'intégration particulière en France dès lors que s'il produit 26 bulletins de paie au titre des cinq dernières années, ceci ne témoigne pas d'une insertion professionnelle stable ni significative. Enfin, M. D...s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement adoptée le 24 août 2015 et s'est rendu coupable d'usage de faux documents d'identité. Dans ces conditions, la décision contestée n'a pas porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur le droit de M. D...au respect de sa vie privée et familiale.
9. Il résulte du point précédent, qu'à supposer que le préfet ait commis une erreur en considérant que le requérant n'apportait pas la preuve qu'il demeurait en France de manière stable et habituelle depuis 2013, cette erreur matérielle n'aurait pas d'incidence sur la décision contestée.
Sur la décision de ne pas accorder au requérant de délai pour quitter le territoire français :
10. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ".
11. Il ressort des pièces du dossier que M. D...a fait l'objet d'une mesure d'éloignement en date du 24 août 2015 alors qu'il soutient lui-même être resté en France entre 2014 et 2018. Dans ces conditions, le préfet a pu légalement décider de l'obliger à quitter sans délai le territoire français.
Sur l'interdiction de retour sur le territoire français:
12. Aux termes des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors applicable : " L'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français / (...) ".
13. Le préfet motive sa décision d'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans à l'encontre du requérant en rappelant qu'il a examiné l'ensemble de la situation de M.D... , que l'intéressé séjourne en France en situation irrégulière depuis septembre 2015, n'a pas déféré à une précédente mesure d'éloignement, a fait usage de faux documents pour prouver son identité et qu'il ne justifie pas de liens personnels et familiaux en France. Le moyen tiré d'une violation des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit donc être écarté.
14. Le requérant soutient que la décision d'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il réside en France depuis cinq ans, y est inséré, y possède des attaches familiales et n'y a jamais causé de trouble à l'ordre public. Toutefois, pour les motifs énoncés au point 9, le moyen doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur le droit de M. D...au respect de sa vie privée et familiale.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...D...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera délivrée au préfet de Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 17 mai 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme Heers, président de chambre,
- Mme Julliard, président-assesseur,
- M. Mantz, premier conseiller.
Lu en audience publique le 31 mai 2019.
Le président-rapporteur,
M. HEERSL'assesseure la plus ancienne,
M. JULLIARDLa greffière,
F. DUBUY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 18PA02229 2