Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 29 octobre 2018, M. A..., représenté par
MeB..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre à la préfète de Seine-et-Marne de lui délivrer, sous astreinte, le titre de séjour sollicité dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de réexaminer, sous astreinte, sa demande et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 20 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
Sur la décision de refus de titre de séjour :
- la préfète de Seine-et-Marne a statué sur sa demande de titre de séjour dans un délai anormalement long ;
- la décision contestée est insuffisamment motivée ;
- la décision est irrégulière en ce qu'elle fait référence à un seul médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) alors que l'avis a été pris par un collège de trois médecins ;
- elle est entachée d'une erreur de base légale dès lors qu'elle se fonde sur les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans leur rédaction antérieure à la loi du 7 mars 2016 ;
- l'avis du collège des médecins de l'OFII ne lui a pas été communiqué en même temps que la décision en litige ;
- la décision attaquée méconnaît le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au regard de l'absence d'une offre de soins effective et appropriée dans son pays d'origine et de la capacité à voyager sans risque vers celui-ci à la date prévisible de son départ.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
- l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour entache d'illégalité l'obligation de quitter le territoire français.
La requête a été communiquée à la préfète de Seine-et-Marne qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Les parties ont été informées, par communication du 15 avril 2019, d'une substitution de base légale envisagée par la Cour.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile ;
- la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
-le rapport de M. Mantz,
- et les observations de Me B...pour M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant congolais né en 1957, est entré en France le 5 mars 2016 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de trente jours. Il a sollicité son admission au séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. L'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a émis un avis défavorable à sa demande. Par un arrêté du 11 janvier 2018, la préfète de Seine-et-Marne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant le pays de destination. M. A... relève appel du jugement du 27 septembre 2018 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable, issue de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".
3. En premier lieu, M. A... reprend en appel, dans les mêmes termes qu'en première instance, le moyen tiré du délai anormalement long de traitement de sa demande de titre de séjour par la préfète de Seine-et-Marne. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif au point 2 de son jugement.
4. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...). ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
5. M. A... soutient, en deuxième lieu, que la préfète de Seine-et-Marne n'a pas suffisamment motivé sa décision, notamment en ce qui concerne l'existence d'un traitement approprié dans son pays d'origine et la possibilité de voyager sans risque vers ce pays. Si, pour rejeter une demande de délivrance d'un titre de séjour pour raison médicale, le préfet doit indiquer les éléments de droit et de fait qui justifient ce refus, il peut satisfaire à cette exigence de motivation en reprenant les termes ou les motifs déterminants de l'avis du collège des médecins de l'OFII. En l'espèce, après avoir visé l'article L. 511-1 et les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la préfète de Seine-et-Marne a repris les motifs déterminants de l'avis du collège de médecins de l'OFII du 24 octobre 2017, selon lesquels " l'état de santé du demandeur nécessite une prise en charge médicale, le défaut de prise en charge peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, un traitement approprié à la prise en charge du demandeur existe dans son pays d'origine, au vu des éléments du dossier et à la date de l'avis, l'état de santé de l'intéressé lui permet de voyager sans risque vers son pays d'origine ". La circonstance que la préfète de Seine-et-Marne a mentionné que " le médecin de l'OFII " a émis l'avis en question alors que cet avis émane d'un collège de trois médecins de cet organisme est sans incidence sur la légalité de la décision contestée. Cette dernière mentionne enfin les raisons pour lesquelles la décision ne méconnaît pas les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dès lors, la décision litigieuse est suffisamment motivée au regard des exigences des dispositions des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.
6. En troisième lieu, si le requérant soutient que l'avis du collège de médecins de l'OFII devait lui être transmis en même temps que la décision afin de lui permettre de s'assurer de la conformité de cet avis aux prescriptions légales, aucune disposition législative ou règlementaire n'impose la communication de cet avis à l'étranger. En tout état de cause, l'avis a été produit au dossier de première instance par la préfète de Seine-et-Marne. Il s'ensuit que le moyen doit être écarté.
7. En quatrième lieu, il ressort des termes de l'arrêté attaqué que la préfète de Seine-et-Marne, pour rejeter la demande de titre de séjour pour raison médicale formée par M. A..., s'est fondée sur les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans leur rédaction issue de l'article 6 de la loi du 29 juillet 2015 susvisée, aux termes de laquelle l'existence, appréciée objectivement, d'un traitement approprié à la pathologie de l'étranger dans son pays d'origine, est de nature à faire obstacle à la délivrance d'un titre de séjour. Elle s'est toutefois méprise sur la nature des dispositions applicables à la date de sa décision, lesquelles étaient celles issues de l'article 13 de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016, aux termes desquelles il convient d'examiner, pour apprécier le droit à la délivrance d'un titre de séjour, outre l'existence objective d'un traitement approprié dans le pays d'origine, la possibilité effective d'y accéder, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays d'origine. La préfète de Seine-et-Marne ne pouvait ainsi légalement se fonder sur les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code précité dans leur rédaction issue de la loi du 29 juillet 2015.
8. Lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur un autre texte ou fondement légal que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du fondement légal sur lequel la décision aurait dû être prononcée. Une telle substitution relevant de l'office du juge, celui-ci peut y procéder de sa propre initiative, au vu des pièces du dossier, mais sous réserve, dans ce cas, d'avoir au préalable mis les parties à même de présenter des observations sur ce point. Si la préfète de Seine-et-Marne a, ainsi qu'il a été dit au point 7, fondé de façon erronée sa décision sur les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans leur rédaction issue de la loi du 29 juillet 2015, il y a lieu de substituer à ce fondement les mêmes dispositions, dans leur rédaction issue de la loi du 7 mars 2016, dès lors que cette substitution de base légale n'a pas pour effet de priver M. A... des garanties de procédure qui lui sont offertes par la loi et que le préfet dispose du même pouvoir d'appréciation dans l'application de ces dispositions dans l'une ou l'autre de leur rédaction.
9. M. A... soutient, en cinquième lieu, être atteint d'hypertension artérielle sévère doublée d'une insuffisance cardiaque chronique de stade III b, pathologies pour lesquelles il ne peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Il fait valoir, notamment, que le seul hôpital de Brazzaville où il peut bénéficier de soins appropriés connaît de graves difficultés financières ainsi qu'un fonctionnement chaotique. Toutefois, ni la production de certificats médicaux établis par le docteurC..., chef du service de néphrologie de l'hôpital européen Georges-Pompidou, qui se bornent à indiquer la pathologie de M. A... et la nécessité d'un suivi médical régulier sans se prononcer sur l'existence d'une offre de soins appropriée au Congo-Brazzaville, ni la production d'articles de presse relatifs au centre hospitalier universitaire de Brazzaville ne suffisent à contredire l'avis susénoncé du collège des médecins de l'OFII, mentionnant notamment que M. A... pouvait bénéficier effectivement, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, d'un traitement approprié à ses pathologies. En outre, si le requérant déclare que son état de santé s'est aggravé depuis la date de cet avis, ce qui l'a notamment empêché de se rendre à l'audience de première instance, il ne produit aucune attestation médicale de nature à établir cette aggravation à la date de la décision attaquée. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le moyen tiré d'une erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.
10. Enfin, M. A... soutient que si l'avis de l'OFII mentionne qu'au vu des éléments du dossier et à la date de cet avis, soit le 24 octobre 2017, son état de santé pouvait lui permettre de voyager sans risque vers le pays d'origine, il n'est pas établi que tel aurait toujours été le cas à la date de son éloignement effectif, probablement vers le 10 février 2018. Toutefois, alors que lui incomble la charge de la preuve, il ne produit aucun élément médical à l'appui de ce moyen, qui, dès lors doit être écarté.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
11. Pour l'ensemble des motifs qui précèdent, la décision refusant à M. A... le titre de séjour sollicité n'est pas entachée d'illégalité. Dès lors, l'exception d'illégalité invoquée à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écartée.
Sur les autres conclusions :
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. D... A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera délivrée à la préfète de Seine-et-Marne.
Délibéré après l'audience du 17 mai 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme Heers, président de chambre,
- Mme Julliard, présidente-assesseure,
- M. Mantz, premier conseiller,
Lu en audience publique le 31 mai 2019.
Le rapporteur,
P. MANTZ
Le président,
M. HEERSLe greffier,
F. DUBUY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA03432