Elle soutient que :
- elle justifie bien d'un intérêt donnant qualité pour agir ;
- l'arrêté en litige, en tant qu'il habilite la chambre nationale des huissiers de justice à négocier et conclure des accords collectifs de travail et à faire opposition à l'extension des accords collectifs, est entaché d'une erreur de droit dès lors qu'il a été pris sur le fondement de dispositions de l'article 8 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers qui doivent être regardées comme implicitement abrogées du fait des modifications postérieures du code du travail et des dispositions législatives relatives à l'exercice de la profession d'huissier de justice ; en effet, la chambre nationale des huissiers de justice n'est pas un syndicat ou une association comme l'exige l'article L. 2231-1 du code du travail mais un établissement d'utilité publique et elle ne regroupe pas des membres ou adhérents, elle ne peut pas satisfaire aux critères de représentativité énumérés à l'article L. 2151-1 du même code en l'absence d'adhérents volontaires permettant de déterminer une audience, elle n'a pas pour seul objet la défense des intérêts de ses " membres " et a vocation à représenter l'ensemble des huissiers de justice, y compris ceux qui ne sont pas employeurs ;
- l'arrêté en litige est en tout état de cause dépourvu de base légale dès lors que les dispositions de l'article 8 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 sont contraires à l'article 11 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'elles permettent à un groupement auquel les huissiers sont réglementairement tenus d'adhérer en versant une cotisation et qui ne représente donc pas les intérêts de ses " adhérents " de négocier et conclure des accords collectifs de travail ;
- à supposer que l'article 8 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 soit toujours en vigueur, l'arrêté en litige est entaché d'une erreur de droit en tant qu'il habilite la seule chambre nationale des huissiers de justice à négocier et conclure des accords collectifs de travail, sans habiliter au même titre les organisations syndicales reconnues représentatives en application du code du travail.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 juin 2018, la chambre nationale des huissiers de justice, représentée par le cabinet CMS Francis Lefèbvre Avocats, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'UNAPL la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable, faute d'un intérêt donnant qualité à agir à l'UNAPL à l'encontre d'un arrêté qui ne concerne que la branche professionnelle des huissiers de justice ;
- les moyens soulevés par l'UNAPL ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 septembre 2018, la ministre du travail conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable, faute d'intérêt pour l'UNAPL à agir à l'encontre d'un arrêté qui ne concerne que la seule branche des huissiers de justice alors que son objet statutaire recouvre toutes les professions libérales ;
- les moyens soulevés par l'UNAPL ne sont pas fondés.
La requête a été communiquée à l'Union nationale des huissiers de justice et à l'organisation Huissiers de justice de France, qui n'ont pas présenté d'observations.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Guilloteau,
- les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public,
- les observations de Me Gatineau, avocat de l'UNAPL,
- et les observations de Me A...du cabinet CMS Francis Lefebvre Avocats, avocat de la chambre nationale des huissiers de justice.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté en date du 2 février 2018, la ministre du travail a fixé la liste des organisations professionnelles d'employeurs reconnues représentatives dans la convention collective nationale des huissiers de justice (n° 1921). L'article 1er de cet arrêté reconnaît comme représentatives les organisations professionnelles Huissiers de justice de France (HJF) et Union nationale des huissiers de justice (UNHJ). L'article 2 dispose qu'est " habilitée à négocier et conclure des conventions et accords collectifs de travail " dans cette convention la chambre nationale des huissiers de justice (CNHJ) " en application de l'article 8 de l'ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers de justice ". L'article 3 prévoit que pour l'opposition à l'extension des accords collectifs prévue au titre de l'article L. 2261-19 du code du travail, la CNHJ dispose d'un poids de 84, 80 %, HJF d'un poids de 6, 62 % et l'UNHJ d'un poids de 8, 58 %. Par la présente requête, l'Union nationale des professions libérales (UNAPL) demande l'annulation des articles 2 et 3 de cet arrêté.
2. L'UNAPL, association regroupant des organisations de professions libérales, s'est donné selon l'article 3 de ses statuts pour objet : " De défendre les intérêts moraux et matériels des professions libérales ; / De créer coordonner et mettre en oeuvre les moyens de défense, d'organisation et de promotion des professions libérales et plus largement de l'exercice professionnel libéral ; / De représenter l'ensemble des dites professions auprès des Pouvoirs Publics, de toutes organisations nationales et internationales ainsi que de toutes autres personnes physiques ou morales ; / De négocier tout accord interprofessionnel concernant l'activité du secteur des professions libérales sur décision du Bureau National. L'ensemble des organisations professionnelles adhérentes en sont informées; / A l'effet de remplir l'objet défini par le présent article, d'effectuer toutes opérations mobilières et/ou immobilières rendues nécessaires par l'action poursuivie; / De créer ou de participer à tous organismes nécessaires et plus généralement de mettre en oeuvre tous moyens tendant à la réalisation de l'objet social. ".
3. Si l'UNAPL fait valoir qu'elle veille à la protection et à l'harmonisation des conditions de travail et au respect des règles du dialogue social et de la négociation collective, ses statuts ne comportent en particulier aucune stipulation portant sur l'organisation de la négociation collective au sein des professions que l'UNAPL s'est donné pour vocation de regrouper. Eu égard à la portée de l'arrêté contesté, qui fixe la liste des organisations professionnelles d'employeurs reconnues représentatives au niveau de la seule branche professionnelle des huissiers de justice et dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il soulèverait des questions susceptibles d'affecter les intérêts collectifs des professions libérales que l'UNAPL s'est donné pour objet de défendre, l'union requérante ne justifie pas d'un intérêt lui donnant qualité pour agir à l'encontre de l'arrêté du 2 février 2018. Par suite, ainsi que l'ont fait valoir la ministre du travail et la chambre nationale des huissiers de justice, les conclusions à fin d'annulation présentées par l'UNAPL doivent être rejetées, ainsi par voie de conséquence, que celles présentées au titre des frais liés au litige.
4. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a par ailleurs pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par la chambre nationale des huissiers de justice sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de l'UNAPL est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la chambre nationale des huissiers de justice sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'Union nationale des professions libérales, à la ministre du travail, à la chambre nationale des huissiers de justice, à l'organisation Huissiers de justice de France et à l'Union nationale des huissiers de justice.
Délibéré après l'audience du 18 avril 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président,
- M. Luben, président assesseur,
- Mme Guilloteau, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 13 mai 2019.
Le rapporteur,
L. GUILLOTEAULe président,
J. LAPOUZADE
Le greffier,
C. POVSELa République mande et ordonne à la ministre du travail en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA01088