Par un jugement n° 1807908/8 du 29 juin 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 10 août 2018, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1807908/8 du 29 juin 2018 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme A...devant le tribunal administratif de Paris contre l'arrêté ordonnant son transfert aux autorités espagnoles.
Il soutient que :
- le motif d'annulation retenu par le premier juge est infondé dès lors que Mme A...s'est vue délivrer les brochures et guides contenant les informations exigées par l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 en langue française ;
- les autres moyens soulevés par Mme A...en première instance sont infondés ;
- Mme A...étant considérée en fuite, le délai de transfert a été porté à dix huit mois.
La requête a été communiquée à MmeA..., qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
M. Luben a présenté son rapport au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. MmeA..., ressortissante ivoirienne, née le 1er février 1991, est entrée irrégulièrement en France où elle a sollicité le bénéfice de l'asile. La consultation du système " Eurodac " a fait apparaître que ses empreintes digitales avaient déjà été relevées par les autorités espagnoles le 20 décembre 2017. Le préfet de police a adressé aux autorités espagnoles une demande de prise en charge le 13 avril 2018, qui a été explicitement acceptée le 27 avril 2018. Par un arrêté du 16 mai 2018, le préfet de police a ordonné le transfert de Mme A...aux autorités espagnoles pour l'examen de sa demande d'asile. Le préfet de police relève appel du jugement du 29 juin 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 16 mai 2018 ordonnant le transfert de Mme A...aux autorités espagnoles.
Sur le motif d'annulation retenu par le magistrat désigné du tribunal administratif de Paris :
2. Aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un État membre peut mener à la désignation de cet État membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. (...) ".
3. Pour prononcer l'annulation de l'arrêté de transfert de Mme A...aux autorités espagnoles, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a relevé qu'il n'était pas établi que l'intéressée s'était vu remettre les brochures contenant les informations exigées par l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 précité. Toutefois, il ressort des pièces produites pour la première fois en appel par le préfet de police que Mme A...s'est vu remettre en langue française, langue qu'elle a déclaré comprendre, à l'occasion de l'entretien individuel du 9 avril 2018, la brochure d'information spécifique intitulée " les empreintes digitales et Eurodac ", les brochures d'information intitulées " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de ma demande ' " (brochure A) " Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' " (brochure B) ainsi que le guide du demandeur d'asile, documents qui contiennent les informations exigées par l'article 4 du règlement n° 604/2013 précité. Mme A...a reconnu avoir reçu ces documents en datant et signant les pages principales de ces derniers dont le préfet de police produit une copie en appel. Il suit de là que l'arrêté de transfert litigieux n'est pas entaché d'illégalité sur ce point. Dans ces conditions, le préfet de police est fondé à soutenir que le moyen retenu par le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris n'était pas de nature à entraîner l'annulation de l'arrêté portant transfert de Mme A...vers l'Espagne.
4. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A...devant le tribunal administratif de Paris.
Sur les autres moyens soulevés par Mme A...devant le tribunal :
5. Mme A... fait valoir à l'appui de sa demande qu'elle était enceinte à la date de l'arrêté contesté et qu'elle souffre d'asthme. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que la grossesse de Mme A...est attestée par un certificat médical du 4 mai 2018, soit postérieurement à l'arrêté attaqué. Or, il n'est pas établi que l'intéressée ait informé le préfet de police sur l'état de sa grossesse, qu'elle pouvait, au demeurant, faire valoir lors de l'entretien individuel effectué le 9 avril 2018 dans le cadre de sa demande d'asile. En outre, il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que la requérante ne pourrait bénéficier en Espagne des soins adaptés à sa grossesse et à son asthme. Enfin, l'état de grossesse de l'intéressée n'est pas, en lui-même, de nature à faire obstacle à son transfert vers l'Espagne, dès lors que Mme A...ne se prévaut d'aucun problème de santé inhérent à sa grossesse qui s'opposerait à son transfert ou qui contre-indiquerait tout déplacement. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de son arrêté sur la situation personnelle de l'intéressée.
6. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 16 mai 2018 portant transfert de Mme A...vers l'Espagne.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1807908/8 du 29 juin 2018 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme A...devant le tribunal administratif de Paris, tendant à l'annulation de l'arrêté portant transfert aux autorités espagnoles, est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 18 avril 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président,
- M. Luben, président assesseur,
- Mme Guilloteau, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 13 mai 2019.
Le rapporteur,
I. LUBENLe président,
J. LAPOUZADE
Le greffier,
C. POVSE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA02770