Procédure devant la Cour :
Par une requête, complétée par des pièces, et des mémoires complémentaires enregistrés les 4 juillet 2018, 10 juillet 2018, 23 juillet 2018, 15 janvier 2019 et 28 janvier 2019, M.B..., représenté par Me Megherbi, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 13 juin 2018 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 27 février 2018 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant son pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté contesté méconnaît les stipulations de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 dès lors qu'il ne pourra pas bénéficier de façon effective d'un traitement approprié à son état de santé en cas de retour dans son pays d'origine ;
- il méconnaît les stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il ne pourra plus bénéficier des soins nécessaires à son état de santé ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il a transféré en France l'ensemble de ses intérêts familiaux, privés et professionnels.
Par deux mémoires en défense enregistrés les 19 décembre 2018 et 21 janvier 2019, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues à l'article
L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Luben,
- et les observations de Me Megherbi, avocat de M.B....
Considérant ce qui suit :
1. M.B..., ressortissant algérien, né le 4 août 1977, est entré en France le 22 février 2015 selon ses déclarations. Il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des stipulations de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Par un arrêté du 27 février 2018, le préfet de police a rejeté sa demande et a assorti ce rejet d'une obligation de quitter le territoire français et d'une décision fixant le pays de destination. M. B...relève appel du jugement du 13 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ". Aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable aux demandes de certificats de résidence formées sur le fondement du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien précité : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ".
3. Il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande sur le fondement des stipulations de l'article
6-7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin mentionné à l'article R. 313-22 précité, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans le pays dont l'étranger est originaire et que ces derniers aient effectivement accès à ces soins.
4. Il ressort des pièces du dossier que M. B...souffre d'asthme et de troubles psychiatriques, affections nécessitant selon lui un suivi médical régulier en France, qui ne pourrait être assuré en Algérie en raison de l'absence de traitement effectivement disponible. Pour refuser de délivrer à M. B... un titre de séjour en raison de son état de santé, le préfet de police s'est notamment fondé sur l'avis du 27 juillet 2017 du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration précisant que si l'état de santé de l'intéressé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il pouvait effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine.
5. S'agissant, en premier lieu, de l'asthme dont est atteint M.B..., il ressort des pièces du dossier et notamment d'un certificat médical établi le 15 mars 2018 par le docteurA..., pneumologue, que l'intéressé présente un asthme nécessitant un traitement quotidien par l'Innovair. Pour soutenir que ce médicament nécessaire à son traitement n'est pas disponible en Algérie, le requérant se prévaut d'une lettre d'un laboratoire pharmaceutique du 12 mars 2018 ainsi que d'une attestation du ministre algérien de la santé, de la population et de la réforme hospitalière du 9 juillet 2018 qui indiquent que ce médicament n'est pas commercialisé en Algérie. Toutefois, l'intéressé n'allègue pas qu'un traitement de substitution présentant des propriétés équivalentes au médicament distribué sous la dénomination Innovair serait indisponible dans son pays d'origine. Or, il ressort des pièces du dossier que les substances actives de l'Innovair, à savoir le Béclométasone dipropionate et le Formotérol fumarate, figurent sur la nomenclature des produits pharmaceutiques à usage de la médecine humaine de 2018 établie par le ministre algérien de la santé et dont le requérant se prévaut en appel. Ainsi, les différentes attestations versées par l'intéressé ne sont pas de nature à remettre en cause l'appréciation du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration quant à la disponibilité d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine. En outre, si M. B...fait valoir que son état de santé se serait récemment dégradé dès lors qu'un scanner thoracique a révélé l'existence de bulles parenchymateuses bilatérales nécessitant un suivi spécialisé, le certificat médical établi par le docteurF..., pneumologue, au demeurant postérieur à l'arrêté contesté, n'indique pas que ce suivi spécialisé ne pourrait pas être réalisé en Algérie. Enfin, les autres pièces produites, constituées en majeure partie d'extraits d'articles de presse dont la plupart ne sont pas identifiables, se bornent à décrire en des termes généraux et non circonstanciés la situation sanitaire en Algérie, sans exposer de manière circonstanciée les médicaments auxquels le requérant ne pourrait pas effectivement avoir accès. Ainsi, l'état de pénurie médicamenteux évoqué par M. B...en Algérie ne peut être tenu pour établi et, par suite, comme faisant obstacle au bénéfice effectif d'un traitement approprié.
6. S'agissant, en second lieu, des troubles psychiatriques dont est atteint M.B..., il ressort des pièces du dossier et notamment des sept certificats médicaux établis entre 2015 et 2017 par le docteurE..., psychiatre, que l'intéressé souffre d'un syndrome post traumatique lié à des faits de harcèlement moral subis en Algérie et qu'il suit un traitement combinant un antidépresseur et un hypnotique. Pour contester l'avis du collège de médecins, M. B...s'appuie notamment sur deux certificats médicaux établis les 11 et 12 mars 2018 par les docteur D...et Yildiz, médecine générale, qui se bornent à indiquer que son état de santé nécessite une prise en charge médicale qui ne peut être assurée en Algérie. Toutefois, ces certificats médicaux versés au dossier par le requérant sont rédigés en des termes généraux et non circonstanciés et ne sauraient suffire à infirmer le sens de l'avis émis par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration concernant l'existence d'un traitement approprié en Algérie. En outre, si M. B... se prévaut de l'attestation du ministre algérien de la santé, de la population et de la réforme hospitalière du 9 juillet 2018 qui mentionne que les médicaments utilisés ne sont pas disponibles en Algérie, il ressort de la nomenclature des médicaments disponibles dans ce pays, produite par le requérant en appel, que des antidépresseurs et des hypnotiques y sont disponibles sous d'autres appellations. M. B... n'établit, ni n'allègue d'ailleurs, que les antidépresseurs et les hypnotiques disponibles en Algérie n'auraient pas les mêmes principes actifs que les médicaments qui lui sont prescrits en France. Enfin, il ressort des pièces produites en appel par le préfet qu'il existe des structures hospitalières spécialisées en psychiatrie dans toutes les grandes villes du pays. M. B... n'apporte pas d'élément remettant en cause la capacité de telles structures à prendre en charge les maladies psychiatriques et psychologiques, dont sa pathologie. Ainsi, M. B..., qui n'apporte aucun élément suffisamment précis et circonstancié de nature à démontrer que le traitement précis qu'il reçoit en France doit y être poursuivi, sans aucune substitution possible, ne démontre pas l'impossibilité d'atteindre les objectifs thérapeutiques visés en utilisant les antidépresseurs et hypnotiques disponibles en Algérie. Dans ces conditions, M.B..., n'établit pas que le préfet de police aurait méconnu les stipulations du 7) de l'article 6 précité de l'accord franco-algérien, en refusant de lui délivrer un titre de séjour sur ce fondement.
7. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
8. M. B...fait valoir qu'il réside en France depuis 2015, qu'il exerce une activité en qualité de technicien de bâtiment et qu'il s'est particulièrement bien intégré au sein de la société française. Toutefois, il ressort des pièces du dossier et notamment des documents versés en première instance par le préfet de police, que le requérant a indiqué que sa mère, son épouse ainsi que ses trois enfants vivent en Algérie. Ainsi, le requérant n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de vingt-neuf ans. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait développé des liens personnels sur le territoire français. Dans ces conditions, eu égard notamment à la durée de sa présence en France, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
9. Aux termes des stipulations de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. (...) ". Aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
10. M. B...soutient que faute de pouvoir bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé en Algérie, il s'expose à des traitements inhumains et dégradants en violation des stipulations précitées. Toutefois, comme il a été dit aux points 5 et 6 il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B...ne pourrait pas bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé en cas de retour en Algérie. Enfin, si M. B...fait également valoir que le lien entre les troubles psychologiques dont il souffre et son pays d'origine doit nécessairement le faire regarder comme ne pouvant y bénéficier d'un traitement approprié, les pièces produites ne sont pas non plus de nature à l'établir. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 18 avril 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président,
- M. Luben, président assesseur,
- Mme Guilloteau, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 13 mai 2019.
Le rapporteur,
I. LUBENLe président,
J. LAPOUZADE
Le greffier,
C. POVSELa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA02262