- l'auteur de l'acte était incompétent, faute de délégation de signature ;
- l'arrêté en litige est entaché d'une erreur de droit pour avoir été pris sur le fondement de l'article L. 2122-5 du code du travail alors que la situation des agents de direction des organismes de sécurité sociale, qui ne peuvent pas participer aux élections mentionnées au 3° de cet article, est régie par l'article L. 2122-6-1, qui prévoit la prise en compte des suffrages exprimés pour l'élection des membres représentant les salariés aux commissions paritaires nationales ;
- l'arrêté en litige est également entaché d'erreur de droit dans la mesure où il fixe la liste des organisations syndicales reconnues représentatives pour trois conventions collectives distinctes et non par branche, conformément à ce qu'exige l'article L. 2122-11 du code du travail ;
- à supposer que l'article L. 2122-6-1 du code du travail soit regardé comme inapplicable en l'absence de publication du décret en Conseil d'Etat qu'il prévoit, l'arrêté en litige serait entaché d'incompétence dès lors qu'il intervient dans une convention collective qui ne peut être regardée comme une branche au sens de l'article L. 2122-5, faute de dispositions permettant de mesurer l'audience des organisations syndicales susceptibles de représenter les agents de direction des organismes de sécurité sociale ;
- l'arrêté en litige porte atteinte à la liberté syndicale et au droit de participation des agents de direction à la détermination collective de leurs conditions de travail, garantis par les sixième et huitième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 et procède d'une rupture d'égalité de traitement par rapport aux autres agents du régime social des indépendants.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 avril 2019, la ministre du travail s'en remet à la sagesse du juge.
La requête a été communiquée à la Confédération générale du travail, à la Confédération française démocratique du travail, à la Confédération générale du travail-Force ouvrière et à la Confédération française de l'encadrement-Confédération générale des cadres, qui n'ont pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la sécurité sociale ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Guilloteau,
- les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public,
- et les observations de Me Colonna d'Istria, avocat du syndicat UNSA ADOSS,
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté en date du 6 mars 2018, la ministre du travail a reconnu représentatives, dans la convention collective des employés et cadres du régime social des indépendants (n° 2798), la convention collective nationale spéciale de travail des praticiens-conseils du régime social des indépendants (n° 2797) et dans la convention collective du personnel de direction du régime social des indépendants (n° 2796), la Confédération générale du travail, la Confédération française démocratique du travail, la Confédération générale du travail-Force ouvrière et la Confédération française de l'encadrement-Confédération générale des cadres et a déterminé leur poids respectif pour l'application de l'article L. 2232-6 du code du travail. Par la présente requête, le syndicat UNSA des agents de direction des organismes de sécurité sociale (UNSA ADOSS) demande l'annulation de cet arrêté en tant qu'il porte sur la convention collective du personnel de direction du régime social des indépendants.
2. Aux termes de l'article L. 2122-5 du code du travail dans sa rédaction applicable à l'espèce, faute que soit entré en vigueur l'article L. 2122-6-1 du code du travail tel qu'issu de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 en l'absence de publication du décret en Conseil d'Etat qu'il prévoit définissant ses modalités d'application : "Dans les branches professionnelles, sont représentatives les organisations syndicales qui : / 1° Satisfont aux critères de l'article L. 2121 1 ; / 2° Disposent d'une implantation territoriale équilibrée au sein de la branche ; / 3° Ont recueilli au moins 8 % des suffrages exprimés résultant de l'addition au niveau de la branche, d'une part, des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires aux comités d'entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel, quel que soit le nombre de votants, et, d'autre part, des suffrages exprimés au scrutin concernant les entreprises de moins de onze salariés dans les conditions prévues aux articles L. 2122-10-1 et suivants. La mesure de l'audience s'effectue tous les quatre ans.". L'article L. 2122-11 du code du travail prévoit que le ministre chargé du travail arrête la liste des organisations syndicales reconnues représentatives en vertu de ces dispositions.
3. L'existence de la convention collective du personnel de direction du régime social des indépendants, qui régit une catégorie particulière de salariés dans l'ensemble du champ professionnel des organismes du régime social des indépendants, résulte des dispositions du premier alinéa de l'article L. 123-2 du code de la sécurité sociale, qui est notamment applicable, en vertu de son second alinéa ainsi que de l'article L. 123-1 du même code, aux agents du régime social des indépendants et aux termes desquelles : " Sous réserve des dispositions fixées par décret en Conseil d'Etat, les conditions de travail des agents de direction et de l'agent comptable font l'objet de conventions collectives spéciales qui ne deviennent applicables qu'après avoir reçu l'agrément de l'autorité compétente de l'Etat ".
4. Les articles L. 2314-8, L. 2314-10, L. 2324-11 et L. 2324-12 du code du travail en vigueur durant le cycle électoral de quatre ans au terme duquel a été adopté l'arrêté en litige disposent, s'agissant des délégués et des représentants du personnel que, sauf convention ou accord collectif signé par toutes les organisations syndicales représentatives, ils sont élus, d'une part, par un collège comprenant les ouvriers et employés et, d'autre part, par un collège comprenant les ingénieurs, chefs de service, techniciens, agents de maîtrise et assimilés.
5. En l'absence, par suite, de dispositions permettant de mesurer, dans le champ d'application de la convention collective qui leur est légalement applicable, l'audience des différentes organisations syndicales susceptibles de représenter les agents de direction du régime social des indépendants, cette convention ne peut être regardée, au sens des dispositions de l'article L.2122-5 du même code, comme constituant une " branche " pour laquelle il appartient au ministre chargé du travail de fixer, par arrêté, la liste des organisations syndicales reconnues représentatives.
6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que l'arrêté du 6 mars 2018 doit être annulé en tant qu'il concerne la convention collective du personnel de direction du régime social des indépendants.
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par l'UNSA ADOSS et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : L'arrêté du 6 mars 2018 est annulé en tant qu'il concerne la convention collective du personnel de direction du régime social des indépendants (n° 2796).
Article 2 : L'Etat versera à l'UNSA ADOSS une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat UNSA des agents de direction des organismes de sécurité sociale, à la ministre du travail, à la Confédération générale du travail, à la Confédération française démocratique du travail, à la Confédération générale du travail-Force ouvrière et à la Confédération française de l'encadrement-Confédération générale des cadres.
Délibéré après l'audience du 18 avril 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président,
- M. Luben, président assesseur,
- Mme Guilloteau, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 13 mai 2019.
Le rapporteur,
L. GUILLOTEAULe président,
J. LAPOUZADE
Le greffier,
C. POVSELa République mande et ordonne à la ministre du travail en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
3
N° 18PA01687