Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 3 octobre 2018, l'union départementale des associations familiales du Puy-de-Dôme agissant au nom de M. C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler la décision du 15 juin 2018 de la commission départementale d'aide sociale du Puy-de-Dôme rejetant le recours formé contre la décision du 8 mars 2018 du conseil départemental du Puy-de-Dôme refusant l'admission de M. C... au bénéfice de l'aide sociale à l'hébergement à compter du 15 septembre 2017 ;
2°) d'annuler la décision du 8 mars 2018 du conseil départemental du Puy-de-Dôme refusant l'admission de M. C... au bénéfice de l'aide sociale à l'hébergement à compter du 15 septembre 2017.
Elle soutient que les ressources de M. C... ne lui permettent pas de faire face à ses frais d'hébergement dès lors que l'aide sociale s'apprécie en termes de revenu et non de capital et que le conseil départemental au décès du bénéficiaire peut exercer un recours sur sa succession en application de l'article L. 132-8 du code de l'action sociale et des familles.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 8 janvier 2019 et 27 août 2020, le département du Puy-de-Dôme, représenté par son président, conclut, dans le dernier état de ses écritures, au non-lieu à statuer sur la requête.
Il soutient que :
- la requête est devenue sans objet dès lors que les ressources de M. C... lui ont permis de couvrir ses frais d'hébergement du 15 septembre 2017 au 30 avril 2020 et que pour la période suivante allant du 1er mai 2020 jusqu'au 14 septembre 2021 le département a admis par décision du 14 août 2020 M. C... au bénéfice de l'aide sociale ;
- l'attribution de l'aide sociale est assujettie au principe de subsidiarité de cette aide et n'intervient qu'en cas d'insuffisance de ressources personnelles du demandeur ce qui n'est pas le cas de M. C... qui n'est pas privé de ressources suffisantes au sens de l'article L. 113-1 du code de l'action sociale et des familles et ne se trouve donc pas actuellement en état de besoin dès lors qu'en lui laissant 15 000 euros de capital disponible, ses liquidités restantes de 30 445,54 euros associées aux ressources mensuelles lui permettent de payer ses frais d'hébergement pendant près de 41 mois.
Vu les autres pièces du dossier.
En application de l'article 12 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 et du décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018, le dossier de la requête susvisée a été transféré à la Cour administrative d'appel de Paris, où elle a été enregistrée le 9 janvier 2019 sous le n° 19PA00269 après renvoi du tribunal administratif de Paris où elle a été enregistrée le 8 janvier 2019.
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 ;
- le décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... est hébergé depuis le 15 septembre 2017 au sein de l'EHPAD résidence La Louisiane à Pionsat. L'union départementale des associations familiales du Puy-de-Dôme (UDAF 63) agissant en son nom en tant que tutrice a demandé, le 4 octobre 2017, au département du Puy-de-Dôme la prise en charge au titre de l'aide sociale des frais de séjour de l'intéressé à compter du 15 septembre 2017. Une décision de rejet lui a été opposée le 8 mars 2018 au motif que " le principe de subsidiarité en matière d'aide sociale implique que le demandeur doit mettre en oeuvre tous ses moyens financiers avant de solliciter cette aide. Il ressort que la situation financière de l'intéressé lui permet de couvrir ses frais d'hébergement ". Le recours formé par l'UDAF 63 contre cette décision devant la commission départementale d'aide sociale du Puy-de-Dôme a été rejeté le 15 juin 2018. L'UDAF 63 relève appel de cette décision.
Sur l'exception de non-lieu à statuer :
2. Le département du Puy-de-Dôme soutient que la requête est devenue sans objet dès lors que les ressources de M. C... lui ont permis de couvrir ses frais d'hébergement du 15 septembre 2017 au 30 avril 2020 comme l'établit le bordereau de situation de la trésorerie de Montaigut en Combraille et que pour la période suivante allant du 1er mai 2020 jusqu'au 14 septembre 2021, il a admis, par décision du 14 août 2020, l'intéressé au bénéfice de l'aide sociale. Toutefois, dès lors que la décision du 15 juin 2018 de la commission départementale d'aide sociale du Puy-de-Dôme rejetant le recours formé contre la décision du 8 mars 2018 du conseil départemental du Puy-de-Dôme refusant l'admission de M. C... au bénéfice de l'aide sociale à l'hébergement à compter du 15 septembre 2017 n'a pas été retirée de l'ordonnancement juridique et que M. C... a été admis au bénéfice de ladite aide uniquement à compter du 1er mai 2020, les conclusions du département du Puy-de-Dôme tendant à ce que la Cour constate le non-lieu à statuer sur la requête de M. C... ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 15 juin 2018 de la commission départementale d'aide sociale du Puy-de-Dôme et de la décision du 8 mars 2018 du conseil départemental du Puy-de-Dôme :
3. Aux termes de l'article L. 132-1 du code de l'action sociale et des familles : " Il est tenu compte, pour l'appréciation des ressources des postulants à l'aide sociale, des revenus professionnels et autres et de la valeur en capital des biens non productifs de revenu, qui est évaluée dans les conditions fixées par voie réglementaire ". Selon l'article L. 132-3 du même code : " Les ressources de quelque nature qu'elles soient à l'exception des prestations familiales, dont sont bénéficiaires les personnes placées dans un établissement au titre de l'aide aux personnes âgées ou de l'aide aux personnes handicapées, sont affectées au remboursement de leurs frais d'hébergement et d'entretien dans la limite de 90 %. Toutefois les modalités de calcul de la somme mensuelle minimum laissée à la disposition du bénéficiaire de l'aide sociale sont déterminées par décret. La retraite du combattant et les pensions attachées aux distinctions honorifiques dont le bénéficiaire de l'aide sociale peut être titulaire s'ajoutent à cette somme ". Selon l'article R. 132-1 du même code : " Pour l'appréciation des ressources des postulants prévue à l'article L. 132-1, les biens non productifs de revenu, à l'exclusion de ceux constituant l'habitation principale du demandeur, sont considérés comme procurant un revenu annuel égal à 50 % de leur valeur locative s'il s'agit d'immeubles bâtis, à 80 % de cette valeur s'il s'agit de terrains non bâtis et à 3 % du montant des capitaux ".
4. Il résulte de ces dispositions que les ressources à prendre en compte pour accorder ou refuser le bénéfice de l'aide sociale comprennent les revenus perçus par le demandeur, notamment ceux tirés du placement des capitaux qu'il détient. A défaut pour lui de faire fructifier ces derniers, l'administration calcule un revenu fictif qui s'ajoute à ceux effectivement perçus. En revanche, n'a pas à être pris en compte le montant des capitaux eux-mêmes, tant mobiliers qu'immobiliers, pour décider de l'admission ou non à l'aide sociale.
5. Il résulte de l'instruction qu'à la date de sa demande d'aide sociale, M. C... disposait d'un montant total de ressources mensuelles de 1 301,29 euros constituées d'une retraite principale de 682,04 euros et de trois retraites complémentaires respectivement de 298,01 euros, 290,42 euros et 30,82 euros soit après déduction de la somme laissée à disposition en application des dispositions précitées de l'article L. 132-3 du code de l'action sociale et des familles 1 171,17 euros. Si l'intéressé dispose d'un capital mobilier au total de 45 445,54 euros composé de 4 196,40 euros et de 2 151,29 euros sur ses deux comptes courants, de 46 euros au titre de ses parts sociales, de 23 081,48 euros sur son livret A, de 13 528,69 euros sur son plan d'épargne logement et 2 291,68 euros et 150 euros sur ses deux comptes de dépôt, il résulte de ce qui a été précisé au point 4 du présent arrêt que le montant de ces capitaux n'ont pas à être pris en compte pour décider de l'admission ou non à l'aide sociale. En revanche, doivent être pris en compte les intérêts des capitaux placés sur son livret A, 14,42 euros, son plan d'épargne logement, 28,85 euros et 3 % du montant des capitaux sur les biens non productifs de revenu soit en l'espèce 20,58 euros. Ses ressources propres s'élèvent donc à 1 365,14 euros et doivent être diminuées des dépenses exclusives de tout choix de gestion à savoir 66 euros au titre de ses frais de tutelle et 100 euros au titre de ses frais de mutuelle dont le montant devra être plafonné à 80 euros soit au total 146 euros. Par suite, après application de la contribution de 90 % prévue à l'article L. 132-3 du code de l'action sociale et des familles, il résulte de l'instruction que les frais d'hébergement de M. C... qui s'élèvent à 1 906,51 euros par mois dans l'établissement précité ne sont pas couverts par ses ressources propres de 1 097,22 euros après déduction du minimum légal laissé à disposition, son état de besoin pour régler ses frais d'hébergement est établi de sorte qu'il y a lieu de prononcer son admission à l'aide sociale à hauteur du déficit de ressources constaté par rapport à ces frais d'hébergement.
6. Par suite, M. C... est fondé à soutenir qu'il doit être admis à l'aide sociale à l'hébergement à compter du 15 septembre 2017, sous réserve d'un changement dans les circonstances de fait ou de droit s'agissant de la période postérieure à la date de notification du présent arrêt, et à demander pour ce motif l'annulation de la décision du 15 juin 2018 de la commission départementale d'aide sociale du Puy-de-Dôme et de la décision du 8 mars 2018 du conseil départemental du Puy-de-Dôme refusant son admission au bénéfice de l'aide sociale à l'hébergement à compter du 15 septembre 2017.
7. Il y a lieu de renvoyer M. C..., devant le président du conseil départemental du Puy-de-Dôme afin que ce dernier détermine le déficit constaté des ressources perçues par l'intéressé depuis le 15 septembre 2017, diminuées de la quote-part de 10 % fixée à l'article L. 132-3 du code de l'action sociale et des familles ainsi que des dépenses mises à sa charge par la loi et exclusives de tout choix de gestion, par rapport aux frais de son hébergement au sein de l'EHPAD résidence La Louisiane à Pionsat et qu'il procède au paiement des sommes ainsi calculées.
DÉCIDE :
Article 1er : La décision du 15 juin 2018 de la commission départementale d'aide sociale du Puy-de-Dôme et la décision du 8 mars 2018 du conseil départemental du Puy-de-Dôme refusant l'admission de M. C... au bénéfice de l'aide sociale à l'hébergement à compter du 15 septembre 2017 sont annulées.
Article 2 : M. C... est admis au bénéfice de l'aide sociale pour la prise en charge de ses frais d'hébergement à compter du 15 septembre 2017 et sous réserve d'un changement dans les circonstances de fait ou de droit s'agissant de la période postérieure à la date de notification du présent arrêt. M. C... est renvoyé devant le président du conseil départemental du Puy-de-Dôme afin qu'il procède à la fixation et au paiement des sommes dues à ce titre.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'union départementale des associations familiales du Puy-de-Dôme, au département du Puy-de-Dôme et au ministre des solidarités et de la santé.
Délibéré après l'audience du 24 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
- Mme Vinot, président de chambre,
- M. Luben, président assesseur,
- Mme A..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 octobre 2020.
Le rapporteur,
A. A...Le président,
H. VINOT
Le greffier,
C. POVSELa République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
5
N° 19PA00269