Procédure devant la Cour :
Par une requête en date du 18 avril 2017, complétée le 10 octobre 2017, M. A... B... a demandé à la commission centrale d'aide sociale d'annuler la décision de la commission départementale d'aide sociale en tant qu'elle ne l'a admis au bénéfice de l'aide sociale qu'à compter du 1er décembre 2016, alors qu'il sollicitait le bénéfice de l'aide sociale à compter du 1er juin 2015, et de lui accorder cette aide à compter du 1er juin 2015.
Il soutient que :
- il a été contraint de vendre son appartement, le 23 janvier 2015, en raison de l'accumulation de ses dettes, dont le montant s'élevait à 99 081 euros ;
- il est actuellement dans l'incapacité de payer ses frais d'hébergement d'un montant de 23 400 euros pour la période allant du 1er juin 2015 au 30 novembre 2016.
Par un mémoire enregistré le 16 août 2017, le président du conseil départemental du Val-de-Marne a demandé la confirmation de la décision du 2 février 2017 de la commission départementale du Val-de-Marne.
Il soutient que :
- M. B... s'est dépossédé de la somme de 78 000 euros qui lui aurait permis de payer une partie de ses frais d'hébergement. Le paiement des frais d'hébergement est prioritaire sur des remboursements divers, l'aide sociale n'ayant qu'un caractère subsidiaire.
En application de l'article 12 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 et du décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018, le dossier de la requête susvisée a été transféré à la Cour administrative d'appel de Paris, où elle a été enregistrée le 2 janvier 2019 sous le n° 19PA00395.
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code de la sécurité sociale ;
- la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 ;
- le décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018 ;
- le code de justice administrative ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique du 3 décembre 2020 :
- le rapport de Mme C..., magistrat honoraire,
- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. L'article L. 132-1 du code de l'action sociale et des familles dispose que : " Il est tenu compte, pour l'appréciation des ressources des postulants à l'aide sociale, des revenus professionnels et autres et de la valeur en capital des biens non productifs de revenu, qui est évaluée dans les conditions fixées par voie réglementaire ". Aux termes de l'article L. 132-3 du même code : " Les ressources de quelque nature qu'elles soient, à l'exception des prestations familiales, dont sont bénéficiaires les personnes placées dans un établissement au titre de l'aide aux personnes âgées ou de l'aide aux personnes handicapées, sont affectées au remboursement de leurs frais d'hébergement et d'entretien dans la limite de 90 %. (...) ". L'article R. 132-1 de ce même code prévoit que : " Pour l'appréciation des ressources des postulants prévue à l'article L. 132-1, les biens non productifs de revenu (...) sont considérés comme procurant un revenu annuel égal à (...) 3 % du montant des capitaux ".
2. Il résulte des dispositions précitées des articles L. 132-1 et R. 132-1 du code de l'action sociale et des familles que le législateur a entendu tenir compte, pour apprécier les ressources des personnes demandant l'aide sociale, des seuls revenus périodiques, tirés notamment d'une activité professionnelle, du bénéfice d'allocations ou rentes de solidarité instituées par des régimes de sécurité sociale ou des systèmes de prévoyance et des revenus des capitaux mobiliers et immobiliers ; à défaut de placement de ces derniers, dès lors qu'il ne s'agit pas de l'immeuble servant d'usage principal d'habitation, il a prévu d'évaluer forfaitairement les revenus que l'investissement de ces capitaux serait susceptible de procurer au demandeur ; en tout état de cause, il a écarté la prise en compte du montant des capitaux eux-mêmes dans l'estimation de ces ressources.
3. Le 4 décembre 2015, M. B... a adressé au conseil général du Val-de-Marne une demande d'aide sociale à l'hébergement en établissement à compter du 1er juin 2015. Par une décision du 5 avril 2016, le président du conseil général a rejeté cette demande au motif que M. B... disposait de revenus suffisants pour financer ses frais d'hébergement. Saisie d'un recours par M. B... contre cette décision, la commission départementale d'aide sociale du Val-de-Marne a décidé d'admettre l'intéressé à l'aide sociale à compter du 1er décembre 2016.
4. Il résulte de l'instruction que M. B..., qui était propriétaire de sa résidence principale, a vendu ce bien immobilier début 2015. Il ressort des pièces du dossier qu'il a utilisé la somme de 129 529, 87 euros qu'il a reçue de cette vente, déduction faite d'une commission de 10 000 euros payée à l'agence, pour, d'une part, rembourser à l'AP-HP le 4 février 2015 la somme de 36 316 euros et d'autre part, pour régler à l'AP-HP la somme de 14 764 euros correspondant à une hospitalisation du 1er janvier au 31 mai 2005.
5. M. B..., décédé le 16 juin 2018, a soutenu dans sa requête que, pour le surplus, le produit de la vente de son logement a, pour l'essentiel, été consacré, d'une part, au versement à un tiers, le 23 mars 2015 d'une somme de 25 000 euros, alléguée comme correspondant à un remboursement de dette ainsi que, d'autre part, le versement le 14 mai 2016, à sa nièce, de la somme de 10 000 euros à titre de don en reconnaissance de son aide très précieuse, de la somme de 20 000 euros pour le paiement ultérieur de ses frais d'obsèques, sa tombe et son entretien, et encore de la somme de 23 000 euros alléguée comme correspondant à un remboursement d'un prêt qu'elle lui aurait consenti en 2012. Cependant, les attestations manuscrites qu'il a produites ne permettent pas à elles seules de tenir pour établies les allégations du requérant quant au montant des dettes qu'il aurait contractées, ni même quant à l'existence de ces dettes. Si, dans ces conditions, M. B... doit être regardé comme s'étant, en 2015 et 2016, départi volontairement, au profit de tiers, d'un capital de 78 000 euros, il résulte cependant de ce qui a été dit ci-dessus que le département devait regarder cette somme non pas comme constitutive de ressources entièrement disponibles pour le demandeur, mais uniquement comme procurant à celui-ci un revenu annuel égal à 3% de son montant, soit 195 euros par mois. Les revenus de M. B..., dont il n'est pas soutenu qu'il disposait d'autres ressources, étaient ainsi insuffisants pour lui permettre de régler ses frais d'hébergement.
6. Il s'ensuit qu'il y a lieu d'accorder à M. B... l'aide sociale à l'hébergement à compter du 15 décembre 2015, premier jour de la quinzaine suivant sa demande du 4 décembre 2015, jusqu'au 30 novembre 2016, et de réformer en conséquence la décision du 2 février 2017 de la commission départementale d'aide sociale du Val-de-Marne qui l'avait admis à l'aide sociale seulement à compter du 1er décembre 2016.
D É C I D E :
Article 1er : M. B... est admis à l'aide sociale à l'hébergement sur la période du 15 décembre 2015 au 30 novembre 2016.
Article 2 : La décision du 2 février 2017 de la commission départementale d'aide sociale du Val-de-Marne est réformée en ce qu'elle a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.
Article 4 : le présent arrêt sera notifié aux ayant-droit de M. A... B... et au président du conseil départemental du Val-de-Marne.
Copie en sera adressée au ministre des solidarités et de la santé.
Délibéré après l'audience du 3 décembre 2020 à laquelle siégeaient :
- Mme Vinot, président de chambre,
- M. Luben, président assesseur,
- Mme C..., magistrat honoraire.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2020.
La présidente de la 8ème chambre,
H. VINOT
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 08PA04258
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N° 19PA00395