Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 1er mai et le 4 octobre 2018, Mme D..., représentée par Me B...puis par MeC..., demande à la Cour :
1°) d'annuler l'article 1er du jugement n° 1700423 du 27 février 2018 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;
2°) de condamner la commune de Nouméa à lui verser la somme de 16 424 359 francs CFP, avec les intérêts au taux légal capitalisés, en réparation des préjudices patrimoniaux résultant de l'accident de service dont elle a été victime ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Nouméa la somme de 200 000 francs CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la commune de Nouméa a commis des fautes en refusant à plusieurs reprises de tirer les conséquences des accidents de service dont elle a été victime ;
- le directeur de la police municipale a commis une faute engageant la responsabilité de la commune en lui demandant d'effectuer le déménagement du secrétariat de direction, opération au cours de laquelle elle a été blessée par la chute d'une armoire, le 25 août 2009 ;
- le directeur de la police municipale a commis une autre faute engageant la responsabilité de la commune en lui demandant de procéder au déménagement des archives, en dépit des séquelles de son premier accident de service, opération au cours de laquelle elle a été à nouveau blessée le 25 janvier 2010 ;
- elle a droit à l'indemnisation des préjudices patrimoniaux non réparés forfaitairement, sur le fondement de la responsabilité sans faute ;
- si elle n'avait pas été mise à la retraite pour inaptitude physique le 1er août 2017, elle aurait exercé ses fonctions jusqu'au 30 avril 2020 en percevant un traitement supérieur à sa pension, ce qui est à l'origine d'une perte de revenus d'un montant de 3 067 893 francs CFP ;
- si elle n'avait pas été accidentée, elle serait partie à la retraite le 1er mai 2020 en ayant atteint le 10ème échelon du grade d'adjoint administratif principal et aurait perçu une pension supérieure à celle qui lui est versée, de sorte que, compte tenu de l'espérance de vie moyenne des femmes, elle subit une perte de revenus d'un montant de 4 901 328 francs CFP ;
- la commune aurait dû lui accorder les congés auxquels elle avait droit au lieu de la mettre à la retraite, ce qui a occasionné une perte de revenus d'un montant de 596 659 francs CFP correspondant à la différence entre sa pension et les indemnités de congé qu'elle aurait perçues ;
- elle a par ailleurs été privée de 86,5 jours de congés payés, ce qui lui ouvre droit à une indemnité d'un montant de 281 259 francs CFP ;
- sa mise à la retraite anticipée lui a fait perdre une chance de travailler jusqu'à l'âge de 65 ans, ce qui constitue un préjudice indemnisable à hauteur de 6 737 472 francs CFP au titre de la différence entre sa pension et le traitement qu'elle aurait perçu et de 839 748 francs CFP au titre de la différence entre sa pension et celle qu'elle aurait perçue.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 mars 2019, la commune de Nouméa, représentée par la SCP d'avocats Seban et associés, conclut au rejet de la requête et à ce que le versement de la somme de 3 000 euros soit mis à la charge de Mme D...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- seule l'existence d'une faute est de nature à justifier la réparation des préjudices invoqués par la requérante ;
- les conclusions fondées sur la responsabilité pour faute sont irrecevables dès lors qu'elles sont nouvelles en appel ;
- aucune faute directement liée aux préjudices invoqués n'a par ailleurs été commise en l'espèce ;
- le préjudice constitué par la perte de traitement et de pension n'a pas un caractère certain ;
- aucun texte ne lui ouvre droit à l'indemnisation des congés non pris.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 modifiée relative à la Nouvelle-Calédonie ;
- le code des pensions de retraite des fonctionnaires relevant des fonctions publiques de Nouvelle-Calédonie ;
- la délibération n° 486 du 10 août 1994 portant création du statut général des fonctionnaires des communes de Nouvelle-Calédonie ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 mai 2019 :
- le rapport de M. Jardin,
- les conclusions de Mme Mielnik-Meddah, rapporteur public,
- et les observations de Me Lefébure, avocate de la commune de Nouméa.
Considérant ce qui suit :
1. Après sa mise à la retraite pour inaptitude physique à compter du 1er août 2017, MmeD..., par une lettre datée du 8 août 2017, a demandé à la commune de Nouméa de lui verser la somme globale de 23 467 214 francs CFP en réparation des préjudices patrimoniaux et extra-patrimoniaux résultant pour elle de l'accident de service dont elle a été victime le 25 janvier 2010. Sa lettre énumère et chiffre les différents chefs de préjudice qu'elle estime directement liés aux conséquences de cet accident mais ne contient aucune précision relative au fondement juridique de sa demande. Après le rejet de celle-ci par une décision du 22 septembre 2017 du maire de la commune de Nouméa, Mme D...a saisi le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'une demande de condamnation de la commune à lui verser la somme globale de 24 865 274 francs CFP. Le mémoire introductif de cette instance, qui est le seul qu'elle ait produit, fait référence dans la description des faits aux deux accidents de service dont elle a été victime, les 25 août 2009 et 25 janvier 2010, énumère et chiffre les différents chefs de préjudice qu'elle estime directement liés aux conséquences de ces accidents mais ne contient pas davantage de précision relative au fondement juridique de sa demande. Mme D...ne peut ainsi être regardée comme ayant invoqué en première instance la responsabilité pour faute de la commune de Nouméa et n'est dès lors pas recevable à le faire pour la première fois en appel, comme le soutient la commune en défense.
2. S'agissant des conclusions de la requête d'appel de Mme D...relatives à l'indemnisation des jours de congé qu'elle n'a pas pu prendre, la requérante n'apporte aucun élément de fait ou de droit de nature à remettre en cause l'appréciation portée par les premiers juges sur son argumentation de première instance. Il y a lieu, dès lors, de rejeter ces conclusions par adoption des motifs retenus par les premiers juges.
3. L'article Lp. 252-1 du code des pensions de retraite des fonctionnaires relevant des fonctions publiques de Nouvelle-Calédonie prévoit que l'agent qui a été mis dans l'impossibilité définitive et absolue de continuer ses fonctions par suite d'infirmités résultant de blessures contractées en service bénéficie, outre la pension rémunérant les services, d'une rente viagère d'invalidité cumulable avec celle-ci et fixée à la fraction du minimum vital égale au pourcentage d'invalidité, sans que le total des deux avantages puisse excéder le montant des émoluments de base de l'agent déterminés dans les conditions prévues à l'article Lp. 232-2 du même code.
4. Compte tenu des conditions posées à son octroi et à son mode de calcul, la rente viagère d'invalidité doit être regardée comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service. Les dispositions qui instituent cette prestation déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. C'est dès lors à bon droit que les premiers juges ont considéré que Mme D...ne pouvait obtenir une indemnisation de ces chefs de préjudice supérieure à la rente viagère d'invalidité que dans le cadre d'une action fondée sur la responsabilité pour faute.
5. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la commune de Nouméa au même titre.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête présentée par Mme D...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Nouméa au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E...D...épouse A...et à la commune de Nouméa.
Délibéré après l'audience du 29 mai 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- M. Dalle, président assesseur,
- Mme Notarianni, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 13 juin 2019.
L'assesseur le plus ancien,
D. DALLELe président-rapporteur
C. JARDIN
Le greffier,
C. BUOT
La République mande et ordonne à la ministre des outre-mer en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 18PA01492 2