Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 10 avril 2017, M.A..., représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1701627/4-3 du 6 avril 2017 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet de police du 5 janvier 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet de police, à titre principal, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour assortie d'une autorisation de travail, durant le temps nécessaire au réexamen de sa situation administrative, dans le délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, à titre subsidiaire, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans le délai de huit jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, jusqu'à ce que l'autorité administrative ait statué à nouveau sur son cas.
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
S'agissant de la décision de refus de renouvellement du titre de séjour :
- elle est insuffisamment motivée, au regard des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration et entachée de défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- cette décision méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 311-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il ne peut-être suivi et soigné qu'en France, même si son état de santé s'est stabilisé du fait de la qualité de soins et traitements reçus ;
- elle est entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de la situation médicale et de la gravité de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- elle porte atteinte à sa vie privée et familiale en violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'il réside sur le territoire depuis plus de sept ans aux côtés de son père handicapé, qu'il suit des cours d'alphabétisation et qu'il travaille ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est privée de base légale compte tenu de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;
- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle, professionnelle et médicale ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- elle est fondée sur une base illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 août 2017, le préfet de police, conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 dont les dispositions ont été notamment reprises par l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Stoltz-Valette a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que, M.A..., ressortissant de nationalité malienne né le 15 mars 1980, est entré en France le 8 mai 2010 ; qu'il a bénéficié du 29 novembre 2014 au 28 novembre 2015 d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il a ensuite été mis en possession de récépissés valant autorisations provisoires de séjour valables jusqu'en janvier 2017 ; que, par arrêté du 5 janvier 2017, le préfet de police a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit ; que M. A...relève appel du jugement du 6 avril 2017, par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur la légalité de la décision de refus de renouvellement de titre de séjour :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, qui se substituent à compter du 1er janvier 2016 aux dispositions de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation (...) doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision " ;
3. Considérant que la décision contestée vise les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicables à la situation de M.A..., en particulier l'article L. 313-11,11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'elle précise que le médecin, chef du service médical de la préfecture, a émis un avis défavorable au renouvellement du titre séjour en rappelant le motif de cet avis ; qu'elle indique également qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé à mener une vie privée et familiale normale ; qu'ainsi, cette décision énonce les considérations de droit et de fait qui la fondent et doit ainsi être regardée comme suffisamment motivée, le préfet n'étant pas tenu d'énumérer l'ensemble des éléments relatifs à la situation personnelle de l'intéressé ; que par suite, le moyen tiré du défaut de motivation ne peut qu'être écarté ; que, pour les mêmes motifs, le moyen tiré du défaut d'examen approfondi et sérieux de la situation de M. A...doit être également écarté ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable aux demandes présentées avant le 1er janvier 2017 : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police." ;
5. Considérant que pour refuser le renouvellement d'un titre de séjour sollicité par M. A..., le préfet de police s'est fondé sur l'avis du médecin, chef du service médical de la préfecture de police, en date du 10 novembre 2016, qui indique que l'état de santé de M. A... ne nécessite pas de prise en charge médicale, l'intéressé étant guéri ; que M. A... a produit un certificat médical d'un praticien hospitalier du groupe hospitalier Pitié Salpétrière, en date du 19 novembre 2015, lequel indique que l'intéressé souffre d'une pathologie thoracico-pulmonaire invalidante tuberculeuse qui nécessite une prise en charge médicale spécialisée associant un traitement antibiotique, des consultations régulières et une hospitalisation ; que le défaut de cette prise en charge entraînerait des conséquences irréversibles d'une exceptionnelle gravité avec risque de décès et que la pathologie dont il souffre est difficilement traitable dans son pays d'origine ; que, toutefois, le certificat médical du DrB..., médecin agréé par le département de Paris, établi le 27 mars 2017 mentionne que le pronostic de santé de M. A...est bon et préconise une prise en charge, un suivi spécialisé simple en France et compatible avec une activité professionnelle ; qu'ainsi ce document, postérieur à la décision contestée mais qui fait état d'éléments de faits préexistants à cette date, ne démontre pas que l'intéressé n'était pas guéri, et ne dément pas l'avis du 10 novembre 2016 du médecin, chef du service médical de la préfecture de police ; que dans ces conditions, le préfet de police n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences du refus de titre de séjour sur la situation médicale du requérant ;
6. Considérant en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; que, pour l'application des stipulations précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine ;
7. Considérant que si M. A...fait valoir qu'il réside en France depuis 2010, aux côtés de son père handicapé en situation régulière, qu'il travaille en tant qu'agent de service, suit des formations qualifiantes et prend des cours de français, il ressort des pièces du dossier que son épouse et leurs deux enfants résident au Mali et que sa présence en France n'est plus rendue nécessaire par une prise en charge médicale ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision de refus de titre de séjour n'a pas porté au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que dans ces conditions, le préfet de police n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur la légalité de décision portant obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de destination :
8. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la décision de refus de titre de séjour n'est pas entachée d'illégalité ; que, par suite, M. A...ne peut se prévaloir par voie d'exception, de l'illégalité de cette décision, pour demander l'annulation de la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;
9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ;(...) " ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 5 que le certificat médical produit par M. A...n'est pas de nature à remettre en cause l'avis du médecin, chef du service médical de la préfecture de police, émis le 10 novembre 2016 ; que, par suite, il n'établit pas qu'en l'obligeant à quitter le territoire français, le préfet de police aurait méconnu les dispositions précitées ;
11. Considérant que pour les mêmes motifs que ceux précédemment énoncés concernant la décision de refus de titre de séjour, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste commise dans l'appréciation des conséquences de la décision sur la situation personnelle de l'intéressé doivent être écartés ;
12. Considérant qu'il suit de ce qui a été dit aux points 2 à 11 que la décision de refus de titre de séjour et la décision portant obligation de quitter le territoire français ne sont pas entachées d'illégalité ; que, par suite, M. A...ne peut se prévaloir par voie d'exception de l'illégalité de ces décisions pour demander l'annulation de la décision fixant le pays de destination ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du préfet de police du 5 janvier 2017 ; que par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...A...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 29 mars 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président,
- M. Dalle, président assesseur,
- Mme Stoltz-Valette, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 19 avril 2018.
Le rapporteur,
A. STOLTZ-VALETTELe président,
C. JARDINLe greffier,
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 17PA01227