Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée les 9 juin 2017, la société Café de Paris, représentée par Me Verdier, avocat, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1607601/2-2 du 19 avril 2017 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de lui accorder la décharge des impositions et pénalités en litige ;
3°) de mettre une somme de 4 000 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le contrôle inopiné, qui a précédé la vérification de comptabilité, n'a pas eu lieu en présence du gérant de la société mais du frère du gérant, lequel n'était pas mandaté pour représenter la société lors du contrôle ;
- l'avis de vérification a été remis au frère du gérant lors du contrôle inopiné alors que celui-ci, qui ne disposait pas de mandat social, n'était pas habilité à recevoir cet avis pour le compte de la société ;
- elle n'a pas autorisé l'emport des pièces comptables utilisées par le service pour établir les redressements ;
- l'administration l'a insuffisamment informée sur la nature des investigations souhaitées, contrairement à ce que prévoit le premier alinéa du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales ;
- la copie de la clé USB saisie par le service lors de la visite domiciliaire du 19 novembre 2013 a été effectuée selon des modalités ne permettant pas de préserver l'intégrité des données de la clé.
Par un mémoire, enregistré le 22 septembre 2017, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requérante n'est fondé.
Par ordonnance du 19 septembre 2017, la clôture de l'instruction a été fixée au 25 octobre 2017.
La société requérante a produit un mémoire après la clôture de l'instruction, le 18 janvier 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Dalle,
- et les conclusions de M. Platillero, rapporteur public.
1. Considérant que la société Café de Paris exploite un restaurant boulevard du Montparnasse à Paris ; qu'elle a fait l'objet en 2013 et 2014 d'une vérification de comptabilité, à l'issue de laquelle des compléments d'impôt sur les sociétés ont été mis à sa charge au titre des années 2010, 2011 et 2012 et un rappel de taxe sur la valeur ajoutée lui a été assigné au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 mai 2013 ; qu'elle relève appel du jugement en date du 19 avril 2017 par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. Cet avis doit préciser les années soumises à vérification et mentionner expressément, sous peine de nullité de la procédure, que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix (...) En cas de contrôle inopiné tendant à la constatation matérielle des éléments physiques de l'exploitation ou de l'existence et de l'état des documents comptables, l'avis de vérification de comptabilité est remis au début des opérations de constatations matérielles. L'examen au fond des documents comptables ne peut commencer qu'à l'issue d'un délai raisonnable permettant au contribuable de se faire assister par un conseil " ;
3. Considérant que préalablement à l'examen au fond des documents comptables, le service des impôts a procédé le 10 juillet 2013 à un contrôle inopiné de la société Café de Paris ; qu'il résulte de l'instruction qu'en l'absence du gérant, le responsable de l'établissement a prévenu M. A...B..., frère du gérant et détenteur de 50 % des parts de la société Café de Paris, lequel est arrivé dix minutes plus tard dans l'établissement et a suivi les opérations de contrôle ; qu'en l'absence temporaire du gérant et quand bien même celui-ci n'aurait pas donné de mandat exprès à son frère, le service était en droit d'entreprendre immédiatement le contrôle et de remettre à ce dernier l'avis de vérification, dès lors que les opérations de vérification n'ont débuté que le 18 juillet 2013 et que le gérant a par suite été informé en temps utile de la faculté qu'il avait de se faire assister d'un conseil ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales : " I.-Lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, le contribuable peut satisfaire à l'obligation de représentation des documents comptables mentionnés au premier alinéa de l'article 54 du code général des impôts en remettant, sous forme dématérialisée répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget, une copie des fichiers des écritures comptables définies aux articles 420-1 et suivants du plan comptable général. L'administration peut effectuer des tris, classements ainsi que tous calculs aux fins de s'assurer de la concordance entre la copie des enregistrements comptables et les déclarations fiscales du contribuable. L'administration restitue au contribuable, avant la mise en recouvrement, les copies des fichiers transmis et n'en conserve aucun double. /II.-En présence d'une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés et lorsqu'ils envisagent des traitements informatiques, les agents de l'administration fiscale indiquent par écrit au contribuable la nature des investigations souhaitées. Le contribuable formalise par écrit son choix parmi l'une des options suivantes : /a) Les agents de l'administration peuvent effectuer la vérification sur le matériel utilisé par le contribuable ; /b) Celui-ci peut effectuer lui-même tout ou partie des traitements informatiques nécessaires à la vérification. Dans ce cas, l'administration précise par écrit au contribuable, ou à un mandataire désigné à cet effet, les travaux à réaliser ainsi que le délai accordé pour les effectuer. Les résultats des traitements sont alors remis sous forme dématérialisée répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget ; /c) Le contribuable peut également demander que le contrôle ne soit pas effectué sur le matériel de l'entreprise. Il met alors à la disposition de l'administration les copies des documents, données et traitements soumis à contrôle. Ces copies sont produites sur tous supports informatiques, répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget. L'administration restitue au contribuable avant la mise en recouvrement les copies des fichiers et n'en conserve pas de double. L'administration communique au contribuable, sous forme dématérialisée ou non au choix du contribuable, le résultat des traitements informatiques qui donnent lieu à des rehaussements au plus tard lors de l'envoi de la proposition de rectification mentionnée à l'article L. 57 (...) " ;
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Café de Paris, qui tenait sa comptabilité au moyen de systèmes informatisés, a, pour satisfaire à son obligation de représentation des documents comptables, choisi de mettre à la disposition du service vérificateur une copie des documents, données et traitements soumis à contrôle, conformément aux dispositions précitées du c) du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales ; qu'il résulte des pièces du dossier, notamment du document de remise signé le 6 septembre 2013 par le gérant, qu'elle a elle-même réalisé sur un CDROM les copies des fichiers remises le 6 septembre 2013 au vérificateur ; que dès lors que la société a elle-même établi et produit ces copies, conformément au c) du II de l'article L. 47 A précité, elle ne saurait soutenir ne pas avoir autorisé l'emport des documents comptables par le service ; qu'en outre, dans un courrier du 5 août 2013, le gérant avait indiqué qu'il tenait à la disposition du service la nouvelle extraction que celui-ci souhaitait refaire ; qu'en tout état de cause, s'agissant de simples copies de fichiers informatiques dont la société conservait la disposition, celle-ci ne saurait soutenir que l'emport de ce CD-Rom constituerait un emport irrégulier de documents comptables ;
6. Considérant, par ailleurs, que dans le courrier du 18 juillet 2013 remis en mains propres au gérant, le vérificateur précisait qu'il souhaitait " mettre en oeuvre des traitements informatiques visant : à s'assurer de la cohérence et de l'exhaustivité des commandes, des ventes et règlements enregistrés ; à contrôler les taux de TVA appliqués aux articles vendus ; à contrôler les procédures de correction et d'annulation utilisées sur le système de caisses, notamment à partir des éléments de traçabilité intégrés ; ainsi que tout traitement destiné à valider la cohérence et l'exhaustivité des données requises pour ces différentes analyses " ; qu'une telle mention était suffisante pour permettre à la société Café de Paris d'exercer son choix entre les trois options prévues par les dispositions du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales ; que la société requérante doit être regardée par suite comme ayant été régulièrement informée de la nature des investigations souhaitées au sens de ces dispositions ; que, une fois que le vérificateur avait régulièrement fait connaître la nature des investigations envisagées le 18 juillet 2013, il n'avait pas à réitérer cette demande au motif que, les copies de documents transmises par la société le 24 juillet 2013 n'étant pas satisfaisantes, il avait dû demander une nouvelle copie le 31 juillet suivant ;
7. Considérant que la société Café de Paris soutient, en dernier lieu, que la copie de la clé USB saisie par le service lors de la visite domiciliaire du 19 novembre 2013 a été effectuée selon des modalités ne permettant pas de préserver l'intégrité des données de la clé ; qu'il n'appartient pas à la Cour de statuer sur un tel moyen, qui a trait à la régularité d'une saisie opérée par l'administration fiscale dans le cadre d'une visite domiciliaire autorisée par l'autorité judiciaire, en application de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales ; qu'en tout état de cause, il résulte des pièces du dossier que l'administration ne s'est pas fondée sur les fichiers contenus dans cette clé pour établir les redressements ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Café de Paris n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Café de Paris est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Café de Paris et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Ile-de-France (division juridique est).
Délibéré après l'audience du 29 mars 2018 à laquelle siégeaient :
M. Jardin, président de chambre,
M. Dalle, président assesseur,
Mme Notarianni, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 19 avril 2018.
Le rapporteur, Le président,
D. DALLE C. JARDIN
Le greffier,
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA01981