Par une requête, enregistrée le 30 avril 2015, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1412489/5-2 du 27 février 2015 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A...B...devant le Tribunal administratif de Paris.
Il soutient que :
- c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris a jugé que son arrêté du 18 octobre 2013 méconnaissait les dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris a jugé qu'il avait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de son arrêté sur la situation personnelle de M. B...;
- l'arrêté litigieux est suffisamment motivé ;
- le signataire de l'arrêté litigieux bénéficie d'une délégation de signature du préfet de police, consentie par un arrêté du 28 août 2013, régulièrement publié au bulletin municipal officiel de la Ville de Paris le 3 septembre 2013 ;
- il a procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M.B....
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 janvier 2016, M. A...B..., représenté par Me E..., conclut au rejet de la requête et à ce que le versement d'une somme de 2 500 euros soit mis à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que les moyens soulevés par le préfet de police ne sont pas fondés.
M. A...B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 8 octobre 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
a été entendu au cours de l'audience publique :
Le rapport de M. Dalle.
1. Considérant que M. B..., ressortissant bangladais, né le 1er mai 1995, entré en France, selon ses déclarations, le 8 septembre 2011, a été confié à l'aide sociale à l'enfance à l'âge de seize ans et neuf mois, en qualité de mineur isolé, par ordonnance du juge des enfants de Paris du 2 février 2012, puis par jugement du 18 juillet 2012, jusqu'à la date de sa majorité ; que le 1er octobre 2013, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ; que, par arrêté du 18 octobre 2013, le préfet de police a rejeté sa demande, au motif qu'il n'entrait dans le champ ni de l'article L. 313-11, 2° bis du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni de l'article L. 313-15 de ce code ; que le préfet de police relève appel du jugement du 27 février 2015 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 18 octobre 2013 ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue au 1° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 311-7 n'est pas exigé " ;
3. Considérant que, pour annuler l'arrêté en litige, les premiers juges ont considéré que le préfet de police avait méconnu les dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de son arrêté sur la situation personnelle de M.B... ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que si M. B...a suivi une formation de peintre en bâtiment du 11 juin 2012 au 30 juin 2013, cette formation était achevée à la date de l'arrêté préfectoral contesté ; que s'il soutient avoir suivi une formation de menuisier au cours de l'année scolaire 2013-2014 et s'il produit au soutien de ses allégations un certificat de scolarité établi le 13 février 2014, ce certificat ne précise pas la date à laquelle il a commencé à suivre ces cours et il ne ressort d'aucune des pièces du dossier qu'il avait débuté cette formation le 18 octobre 2013, date de l'arrêté préfectoral contesté ; qu'ainsi, M. B...ne justifiant pas suivre à cette date depuis au moins six mois une formation, le préfet de police n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en estimant que l'intéressé ne pouvait bénéficier d'un titre de séjour sur ce fondement ; qu'il n'a pas non plus commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de son arrêté sur la situation personnelle de M.B..., dès lors que l'intéressé ne séjournait en France que depuis deux ans et qu'il était célibataire, sans charge de famille et non dépourvu d'attaches au Bangladesh, où vivent ses parents ; que le tribunal ne pouvait par suite annuler pour ces deux motifs l'arrêté préfectoral du 18 octobre 2013 ;
5. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le Tribunal administratif de Paris ;
6. Considérant, en premier lieu, que Mme D...C..., attachée d'administration de l'intérieur et de l'outre-mer, signataire de l'arrêté litigieux du 18 octobre 2013, bénéficiait d'une délégation de signature du préfet de police, par un arrêté n° 2013-00937 du 28 août 2013, régulièrement publié au bulletin municipal officiel de la Ville de Paris le 3 septembre 2013, à l'effet de signer tous actes, arrêtés, décisions et pièces comptables dans la limite de ses attributions en cas d'absence ou d'empêchement d'autorités dont il n'est pas établi ni même allégué qu'elles n'auraient pas été absentes ou empêchées lors de la signature de l'acte attaqué ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté manque en fait ;
7. Considérant, en deuxième lieu, que l'arrêté attaqué vise les textes applicables et indique que M. B...ne relève pas du champ d'application des dispositions de l'article L. 313-11-2 bis du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance à l'âge de 16 ans et 9 mois ; qu'il précise au titre des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que M. B...ne justifie pas du caractère réel et sérieux du suivi de sa formation professionnelle, dès lors que depuis la fin de sa formation professionnelle de peintre en bâtiment, le 30 juin 2013, il ne justifiait d'aucune inscription scolaire ni formation professionnelle et qu'il était sans activité depuis plus de trois mois ; que par suite, l'arrêté attaqué énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde et est ainsi suffisamment motivé au regard des exigences de la loi du 11 juillet 1979 ;
8. Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des motifs de l'arrêté litigieux, que le préfet de police a procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M.B... ;
9. Considérant, en quatrième et dernier lieu, qu'aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. B..., célibataire et sans charge de famille, a vécu l'essentiel de sa vie dans son pays d'origine où résident ses parents ; que s'il soutient avoir noué d'importants liens personnels en France, il ne l'établit pas ; que par suite, la décision portant refus de séjour du préfet de police n'a pas porté au droit de M. B...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est tort que, par le jugement du 27 février 2015, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 18 octobre 2013 ; que, par suite, ce jugement doit être annulé et la demande de M. B...présentée devant ce tribunal rejetée ; que, par voie de conséquence, les conclusions d'appel de M. B...tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1412489/5-2 du 27 février 2015 du Tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. B...devant le Tribunal administratif de Paris ainsi que ses conclusions présentées en appel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A...B....
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 9 juin 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- M. Dalle, président assesseur,
- Mme Notarianni, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 23 juin 2016 .
Le rapporteur,
D. DALLELe président,
C. JARDINLe greffier,
C. BUOTLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15PA01786