Procédure devant la Cour :
Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 31 octobre 2014, 10 juin 2015 et 24 janvier 2017, M. A..., représenté par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1400072 du 21 octobre 2014 du Tribunal administratif de la Polynésie Française ;
2°) d'annuler la décision implicite de rejet du maire de la commune de Papara ;
3°) de condamner la commune de Papara à lui payer la différence entre la rémunération qu'il aurait dû percevoir, calculée sur un salaire de base de 225 441 F CFP à compter du 1er janvier 2008, 239 573 F CFP à compter du 1er juillet 2010 et 248 901 F CFP à compter du 1er juillet 2013, et celle qu'il a perçue ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Papara le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice.
Il soutient que :
- les premiers juges ont omis de statuer sur le moyen tiré de l'illégalité de la délibération n° 86-05 du 8 janvier 1986 ;
- cette délibération est illégale faute d'avoir été adoptée dans les conditions de majorité prévues par l'article L. 121-11 du code des communes ;
- le conseil municipal ne pouvait légalement décider de suspendre l'application de la convention collective, le droit du travail n'autorisant que sa dénonciation ou sa révision dans le respect des formalités substantielles prévues par les articles 4 et 5 de la convention collective de travail des agents non fonctionnaires de l'administration de la Polynésie française et que la commune n'a pas respectées ;
- le conseil municipal ne pouvait pas davantage décider une application partielle de cette convention collective excluant les clauses relatives au classement des agents alors qu'il continuait à faire application de celles relatives aux barèmes de rémunération et à l'ancienneté, ce qui a pour conséquence une absence de clarté juridique ;
- elle a pour conséquence la méconnaissance du principe d'égalité de traitement entre les agents exerçant les mêmes fonctions dès lors que d'autres sapeurs-pompiers de la commune ne perçoivent pas la même rémunération que lui ;
- le conseil municipal ne pouvait légalement cesser de se référer aux classements de la convention collective sans les remplacer par d'autres dispositions permettant d'éviter l'arbitraire ;
- dès lors qu'il a été recruté par la commune avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 4 janvier 2005, il doit continuer à bénéficier de la convention collective, comme l'a jugé à plusieurs reprises le juge judiciaire pour des agents placés dans la même situation que lui, alors même qu'il est devenu agent public après cette entrée en vigueur.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 février 2015, la commune de Papara, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce que le versement de la somme de 3 000 euros soit mis à la charge de M. A...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 modifiée portant statut d'autonomie de la Polynésie française, ensemble la loi n° 2004-193 du 27 février 2004 complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française ;
- la loi n° 52-1322 du 15 décembre 1952 instituant un code du travail dans les territoires et territoires associés relevant des ministères de la France d'Outre-mer ;
- la loi n° 86-845 du 17 juillet 1986 relative aux principes généraux du droit du travail et à l'organisation et au fonctionnement de l'inspection du travail et des tribunaux du travail en Polynésie française ;
- l'ordonnance n° 2005-10 du 4 janvier 2005 portant statut général des fonctionnaires des communes et des groupements de communes de la Polynésie française ainsi que de leurs établissements publics administratifs ;
- le décret n° 2011-1552 du 15 novembre 2011 portant dispositions applicables aux agents non titulaires des communes et des groupements de communes de la Polynésie française ainsi que de leurs établissements publics administratifs ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jardin,
- et les conclusions de M. Blanc, rapporteur public.
1. Considérant que M. A...a été recruté par la commune de Papara pour occuper un emploi de manoeuvre spécialisé, dans le cadre d'un contrat de travail signé le 11 juin 2001 stipulant un salaire horaire dont le montant est déterminé en fonction du barème de rémunération applicable aux agents relevant de la 5ème catégorie de la convention collective de travail des agents non fonctionnaires de l'administration de la Polynésie française ; qu'il est constant qu'il a occupé un emploi de sapeur-pompier dans la même commune à partir du 1er janvier 2008 ; qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'un nouveau contrat écrit ait été signé à cette occasion, en dépit du changement de l'emploi occupé ; que la rémunération de l'intéressé n'a pas évolué, comme le montre le bulletin de paie du mois de juin 2013 qu'il a produit ; que par un courrier daté du 3 octobre 2013, il a vainement demandé au maire de la commune de Papara de fixer sa rémunération depuis le 1er janvier 2008 au niveau de celle des agents classés au 3ème échelon dans la 4ème catégorie de la convention collective de travail des agents non fonctionnaires de l'administration de la Polynésie française et de lui verser une somme correspondant à la différence entre la rémunération résultant de ce reclassement et celle qui lui a été versée ; qu'il relève appel du jugement du Tribunal administratif de la Polynésie Française ayant rejeté la demande portée devant cette juridiction pour obtenir l'annulation de la décision implicite du maire et le versement de ces rémunérations ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier de première instance que le dernier mémoire de M. A...est parvenu au greffe du Tribunal administratif, sous forme de télécopie, le 3 octobre 2014, soit avant la clôture de l'instruction fixée trois jours francs avant l'audience publique du 7 octobre 2014 en application des dispositions de l'article R. 613-2 du code de justice administrative, et a été confirmé par un mémoire signé par l'avocat du requérant, enregistré au greffe le 6 octobre 2014 ; que la production de ce mémoire authentifiant la télécopie, même après la clôture de l'instruction, devait être prise en compte par les premiers juges ; qu'il est constant qu'ils n'ont pas analysé son contenu et n'ont pas répondu aux moyens qui y étaient énoncés ; que leur jugement est dès lors entaché d'irrégularité et doit être annulé ;
3. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A...devant le Tribunal administratif de la Polynésie Française ;
Sur le fond du litige :
4. Considérant que le conseil municipal de la commune de Papara, par une délibération du 28 décembre 1983, a décidé d'abroger sa délibération du 22 juin 1974 réglant les conditions de recrutement et de travail des agents non fonctionnaires de la commune et, à partir du 1er janvier 1984, de faire application à ces agents de la convention collective de travail des agents non fonctionnaires de l'administration de la Polynésie française ; que, par une délibération du 8 janvier 1986, le conseil municipal, constatant en particulier que la convention collective était " inadaptée à l'activité communale " a décidé d'en suspendre l'application, sauf en matière de congés, d'ancienneté et de barèmes de rémunération, et a prévu que la situation de ses agents non fonctionnaires serait régie, " pour le reste ", par le code du travail et les délibérations adoptées par le conseil municipal, notamment en matière de classement ;
5. Considérant que si les agents non titulaires des communes polynésiennes, aux dates d'adoption de ces délibérations, étaient régis par le droit du travail applicable en Polynésie française, ils étaient néanmoins des agents publics, s'agissant de ceux participant à l'exécution des services publics administratifs assurés par ces communes ; qu'une délibération d'un conseil municipal arrêtant unilatéralement les règles applicables à ces agents, même en décidant de faire application ou non d'une convention collective, est en raison de son objet un acte administratif dont le contentieux relève du juge administratif ;
6. Considérant par ailleurs que l'illégalité d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure que si cette dernière décision a été prise pour l'application du premier acte ou s'il en constitue la base légale ;
7. Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que le conseil municipal de la commune de Papara ait adopté une délibération, postérieurement à celle du 8 janvier 1986, pour déterminer le classement des agents occupant des emplois de sapeurs-pompiers ; qu'à la date à laquelle le maire de la commune de Papara a arrêté la rémunération de M. A...pour son emploi de sapeur-pompier, son pouvoir n'était ainsi encadré par aucune délibération du conseil municipal ; que sa décision ne peut par suite être regardée comme prise pour l'application de la délibération du 7 janvier 1986, qui ne constitue pas davantage la base légale de sa décision ; qu'il suit de là que M. A...ne peut utilement se prévaloir de l'illégalité de cette délibération pour contester la décision du maire de la commune de Papara refusant de fixer sa rémunération depuis le 1er janvier 2008 au niveau de celle des agents classés au 3ème échelon dans la 4ème catégorie de la convention collective de travail des agents non fonctionnaires de l'administration de la Polynésie française ; qu'au surplus, et en admettant même que la délibération du 8 janvier 1986 ait été illégale, cette illégalité n'aurait pas eu pour conséquence de remettre en vigueur la délibération du 28 décembre 1983 qu'elle a abrogée ;
8. Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que le maire de la commune de Papara ait spontanément accordé à d'autres sapeurs-pompiers une rémunération déterminée en fonction du barème de rémunération applicable aux agents relevant de la 4ème catégorie de la convention collective de travail des agents non fonctionnaires de l'administration de la Polynésie française, ce qu'il n'était au demeurant pas tenu de faire ; que si le tribunal du travail de Papeete, statuant sur la situation d'autres agents de la commune avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2005-10 du 4 janvier 2005, a jugé que des agents occupant des emplois de sapeurs-pompiers devaient bénéficier d'une telle rémunération, ces décisions, qui ne sont dotées que d'une autorité relative de chose jugée, n'obligeaient pas le maire, après l'entrée en vigueur de cette ordonnance, à traiter M.A..., qui n'est pas dans la même situation que ces agents, de manière identique ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à demander à la Cour d'annuler la décision implicite de rejet du maire de la commune de Papara et de condamner la commune de Papara à lui verser les compléments de rémunération qu'il demande ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A...la somme que demande la commune de Papara sur le fondement des mêmes dispositions ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1400072 du 21 octobre 2014 du Tribunal administratif de la Polynésie Française est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le Tribunal administratif de la Polynésie Française et ses conclusions d'appel au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions de la commune de Papara présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A...et à la commune de Papara.
Délibéré après l'audience du 16 mars 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- M. Dalle, président assesseur,
- Mme Notarianni, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 30 mars 2017.
L'assesseur le plus ancien,
D. DALLELe président-rapporteur
C. JARDIN
Le greffier,
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre des outre mer en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 14PA04455