Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 14 avril 2015, M.B..., représenté par Me Elmosnino, avocat, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1400174 du 16 décembre 2014 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;
2°) à titre principal de condamner la Nouvelle-Calédonie à lui payer la somme de 3 199 772 F CFP au titre du traitement dont il a été illégalement privé entre le 15 mai et le 11 novembre 2013 alors qu'il avait été réintégré dans son cadre d'origine à l'issue de sa disponibilité, ainsi que la somme de 500 000 F CFP en réparation des troubles dans ses conditions d'existence et de son préjudice moral, à titre subsidiaire de condamner la Nouvelle-Calédonie à lui payer la somme de 3 700 000 F CFP au titre de ses préjudices de toute nature résultant de l'illégalité de la décision de ne pas le réintégrer sur un emploi vacant ;
3°) de mettre une somme totale de 550 000 F CFP à la charge de la Nouvelle-Calédonie au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, en remboursement des frais exposés par lui tant en première instance qu'en appel.
Il soutient que :
- plus de trois avis de vacance de poste correspondant à ses qualifications ont été publiés sans qu'un poste ne lui ait été proposé à l'issue du troisième avis ; ce fait est constitutif d'une faute de nature à engager la responsabilité de la Nouvelle-Calédonie ;
- la Nouvelle-Calédonie supporte la charge de démontrer l'absence de poste vacant ;
- en tout état de cause un poste de conservateur au centre de documentation pédagogique de la Nouvelle-Calédonie a été proposé le 30 juillet 2013 ; il était prioritaire pour occuper ce poste, comme le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie l'a reconnu dans un jugement du 2 octobre 2014, annulant la nomination d'un autre agent à ce poste ; que, même s'il s'agissait, en ce qui le concerne, d'une première vacance, l'administration ne pouvait refuser de le réintégrer qu'à la condition d'invoquer un motif tiré de l'intérêt du service, ce qu'elle n'a pas fait ;
- même en l'absence de service fait, la Nouvelle-Calédonie doit le rémunérer au titre de la période comprise entre le 15 mai 2013, date à laquelle il a été rétroactivement réintégré dans son cadre d'origine et le 12 novembre 2013, date à laquelle il a été remis en position d'activité ;
- la Nouvelle-Calédonie aurait dû le réintégrer, le cas échéant en surnombre, dans un délai de six mois suivant sa demande, un tel délai apparaissant raisonnable compte tenu de l'importance des effectifs de cet employeur ; le Tribunal a omis de répondre à ce moyen ainsi qu'au moyen selon lequel à ce jour il n'est toujours pas réaffecté sur un poste strictement équivalent à son grade de conservateur ;
- son préjudice correspond aux traitements dont il a été privé entre le 15 mai 2013 et le 11 novembre 2013, au préjudice moral et aux troubles dans les conditions d'existences occasionnés par le retard à le réintégrer.
Par des mémoires, enregistrés le 15 juillet 2015 et le 6 février 2017, la Nouvelle-Calédonie, représentée par la SELARL Milliard-Million, conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que :
- si la réintégration est temporairement impossible, notamment en l'absence de poste vacant, le fonctionnaire est maintenu en disponibilité et ne perçoit en conséquence aucune rémunération de la part de l'administration d'origine ; aucune disposition légale applicable en Nouvelle-Calédonie ne prévoit qu'un fonctionnaire dans cette situation doive être rémunéré en surnombre ;
- M. B...a été réintégré lors de la première vacance de poste qui est survenue au sein de sa collectivité d'origine, c'est-à-dire la Nouvelle-Calédonie ;
- si un emploi de conservateur est devenu vacant au cours de l'année 2013, il s'agissait d'un emploi au sein du centre de documentation pédagogique de la Nouvelle-Calédonie, lequel est un établissement public distinct de la Nouvelle-Calédonie ; celle-ci ne pouvait donc réintégrer M. B...sur ce poste ;
- en tout état de cause, l'administration n'est pas tenue de réintégrer un fonctionnaire dès la première vacance.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 99-209 et la loi n° 99-210 du 19 mars 1999, relatives à la Nouvelle-Calédonie ;
- l'arrêté n° 1065 du 22 août 1953 portant statut général des fonctionnaires des cadres territoriaux ;
- la délibération n° 81 du 24 juillet 1990 portant droits et obligations des fonctionnaires territoriaux ;
- la délibération n° 261/CP du 17 mars 1998 portant création du statut particulier du cadre territorial du patrimoine et des bibliothèques ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Dalle,
- et les conclusions de M. Blanc, rapporteur public.
1. Considérant que, par un arrêté du 25 mai 2012, M.B..., conservateur du cadre territorial du patrimoine et des bibliothèques de la Nouvelle-Calédonie, a été placé en position de disponibilité pour convenances personnelles, à compter du 15 mai 2012, pour une durée d'un an ; que, par un courrier en date du 12 mars 2013, il a sollicité sa réintégration ; que, par un arrêté du 13 novembre 2013, le président du gouvernement a prononcé sa réintégration, à compter du 15 mai 2013, dans son cadre d'origine et son placement, à compter du 12 novembre 2013, en position d'activité pour servir sous l'autorité de la directrice de l'institut de formation des professions sanitaires et sociales de Nouvelle-Calédonie ; que, par une réclamation en date du 11 janvier 2014, M. B...a demandé au président du gouvernement l'indemnisation du préjudice résultant du délai de six mois mis par la Nouvelle-Calédonie à le réintégrer effectivement, alors que, selon lui, plusieurs vacances de postes de conservateur étaient intervenues au cours de ce délai ; que, par la présente requête, il relève appel du jugement en date du 16 décembre 2014 par lequel le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté ses conclusions indemnitaires ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que le tribunal a omis d'examiner le moyen, qui n'était pas inopérant, tiré du droit qu'avait M. B...d'obtenir sa réintégration dans un délai raisonnable, à l'issue de sa période de disponibilité ; qu'il y a lieu, dès lors, d'annuler le jugement attaqué, d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. B... devant le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;
Sur les conclusions à fin d'indemnisation :
3. Considérant qu'aux termes de l'article 91 de l'arrêté du 22 août 1953 : " La disponibilité est la position du fonctionnaire qui, placé hors des cadres de son administration ou service d'origine, cesse de bénéficier dans cette position de ses droits à l'avancement et à la retraite " ; qu'aux termes de l'article 99 du même arrêté : " Le fonctionnaire mis en disponibilité sur sa demande n'a droit à aucune rémunération (...) " ; que l'article 100 du même arrêté dispose : " Le fonctionnaire mis en disponibilité sur sa demande doit solliciter sa réintégration deux mois au moins avant l'expiration de la période en cours. Cette réintégration est de droit à l'une des trois premières vacances si la durée de la disponibilité n'a pas excédé trois années " ;
4. Considérant que le requérant soutient que trois vacances de poste de conservateur sont intervenues après qu'il ait formé sa demande de réintégration et jusqu'à la date du 12 novembre 2013, à laquelle il a été effectivement réintégré ; que, cependant, il ne produit aucun élément de justification au soutien de cette allégation, qui est formellement contredite par la Nouvelle-Calédonie, laquelle justifie n'avoir compté que deux postes de conservateur à son budget de l'année 2013 ; que si un poste de conservateur a été déclaré vacant le 30 juillet 2013 au centre de documentation pédagogique de la Nouvelle-Calédonie, M. B... ne peut s'en prévaloir dès lors qu'il n'était pas précédemment employé par ce centre, lequel est un établissement public et donc un employeur distinct de la Nouvelle-Calédonie, laquelle peut donc seule être regardée comme l'administration ou le service d'origine, au sens des dispositions précitées de l'article 91, tenue de réintégrer l'intéressé, en fonction des vacances de postes, à l'issue de sa disponibilité ;
5. Considérant qu'en l'absence de service fait, la Nouvelle-Calédonie n'était pas tenue de rémunérer M.B..., au titre de la période du 15 mai 2013 au 12 novembre 2013 ;
6. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées des articles 91 et 100 que le fonctionnaire territorial mis en disponibilité sur sa demande a le droit, sous réserve de la vacance d'un emploi correspondant à son grade, d'obtenir sa réintégration à l'issue d'une période de disponibilité ; que si ces textes n'imposent pas à l'autorité dont relève le fonctionnaire de délai pour procéder à cette réintégration, celle-ci doit intervenir, en fonction des vacances d'emplois qui se produisent, dans un délai raisonnable ; qu'en l'espèce, le délai de six mois mis par la Nouvelle-Calédonie pour réintégrer M. B...n'apparaît pas déraisonnable, compte tenu du faible effectif de conservateurs de cette collectivité et dès lors qu'aucune vacance d'emploi ne s'est produite au cours de la période considérée, ainsi qu'il a été dit ; que le moyen tiré de ce que M. B...n'aurait pas été réaffecté sur un poste strictement équivalent à son grade de conservateur est dépourvu des précisions permettant d'en apprécier la portée ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la demande présentée par M. B... devant le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie doit être rejetée ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, présentées tant devant le Tribunal que devant la Cour, doivent être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie n° 1400174 du 16 décembre 2014 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. B...devant le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie et ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, présentées tant devant le Tribunal que devant la Cour, sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.
Délibéré après l'audience du 16 mars 2017 à laquelle siégeaient :
M. Jardin, président de chambre,
M. Dalle, président assesseur,
Mme Notarianni, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 30 mars 2017.
Le rapporteur, Le président,
D. DALLE C. JARDIN
Le greffier,
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre des outre-mer en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15PA01571