Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 7 août 2015 et le 30 septembre 2016, la société VH Blue, représentée par la Selarl Alerion, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1313015/1-2 du 9 juin 2015 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer, à titre principal, la restitution de ces impositions à hauteur de 154 813 euros, assortie des intérêts moratoires, ou, à titre subsidiaire, le dégrèvement des majorations pour un montant de 78 904 euros ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- son activité d'enseignement de langues étrangères dans le cadre de la formation professionnelle continue est exonérée de taxe d'apprentissage dès lors qu'elle relève des divers ordres d'enseignement, au sens du 2° du 3 de l'article 224 du code général des impôts ; l'administration et le Tribunal administratif ajoutent une condition non prévue par la loi tenant à la délivrance de diplôme ; la nomenclature du ministère de l'enseignement intègre la formation tout au long de la vie dans les " niveaux d'enseignement " du système éducatif français ;
- sa prétendue activité de placement de crédits n'est qu'une modalité de développement de son activité principale d'enseignement dont elle est indissociable ; elle a un caractère accessoire dès lors que les commissions perçues à ce titre représentaient moins de 0,4 % de son chiffre d'affaires ; elle n'exerce aucune activité autonome autre que celle d'enseignement de langues étrangères ;
- l'absence de rappels de taxe d'apprentissage lors de précédents contrôles constitue une prise de position formelle au sens de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales ; l'administration a pris en sa faveur en matière de taxe sur la valeur ajoutée une position formelle opposable par lettre du 14 décembre 2011 en regardant ces commissions comme directement rattachées à l'activité d'enseignement ; elle doit bénéficier de la prise de position formelle prise en faveur de sa société mère VH Green dès lors que les prises de position envers les tiers sont opposables à tout contribuable lorsqu'elles ont trait aux mêmes opérations litigieuses et que VH Green propose les mêmes programmes que VH Blue mais pour une clientèle d'entreprises ;
- la majoration de 100 % prévue à l'article 1732 du code général des impôts mise en recouvrement par avis de mise en recouvrement du 30 avril 2012 ne lui était pas applicable dès lors qu'elle n'a pas fait l'objet d'une taxation d'office ; subsidiairement, elle n'a pas été suffisamment informée par la proposition de rectification et l'avis de mise en recouvrement de la base légale effective de cette majoration prise des articles 228 bis et 1599 quinquies A du code général des impôts ;
- la majoration de 10 % prévue à l'article 1728 du code général des impôts ne lui était pas applicable dès lors que l'ancienne déclaration spécifique à la taxe d'apprentissage a été supprimée à compter du 1er janvier 2008 par l'article 12 de la loi n° 2007-1787 du 20 décembre 2007 et que l'administration n'a pas relevé d'omission dans le dépôt de la DADS ; elle doit être dégrevée pour son montant total sur les trois années de 7 170 euros ; en tout état de cause, en application du principe constitutionnel de proportionnalité qui implique que le montant global de sanctions différentes appliquées à raison des mêmes faits ne dépasse pas le montant le plus élevé de l'une des sanctions encourues, cette majoration ne pouvait être cumulée avec celle de 100 %.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 novembre 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Notarianni,
- les conclusions de M. Blanc, rapporteur public,
- et les observations de Me Fandre, avocate de la société VH Blue.
1. Considérant que la société anonyme à responsabilité limitée VH Blue, qui exploite une activité d'enseignement de langues étrangères dans le cadre de la formation professionnelle sous le nom commercial Wall Street Institute, relève appel du jugement du 9 juin 2015 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de décharge des rappels de droits en matière de taxe d'apprentissage auxquels elle a été assujettie au titre des années 2008 à 2010 et des pénalités y afférentes sur le fondement des dispositions de l'article 224 du code général des impôts ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 224 du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur depuis transférée à l'article 1599 ter A du même code : " 1. Il est établi une taxe, dite taxe d'apprentissage, dont le produit, net des dépenses admises en exonération en application des articles 226 bis, 227 et 227 bis, est versé au Fonds national de développement et de modernisation de l'apprentissage mentionné à l'article L. 6241-3 du code du travail. 2. Cette taxe est due : (...) 2° Par les sociétés, associations et organismes passibles de l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 206, à l'exception de ceux désignés au 5 de l'article précité, quel que soit leur objet ; (...) 3. Sont affranchis de la taxe : 2° Les sociétés et personnes morales ayant pour objet exclusif les divers ordres d'enseignement (...) " ;
3. Considérant que la société VH Blue, qui effectue à titre principal des prestations de formation professionnelle en langue étrangère dans le cadre de la formation professionnelle continue ne peut être regardée comme ayant pour objet, et a fortiori pour objet exclusif, les divers ordres d'enseignement au sens des dispositions précitées du 2° du 1 de l'article 224 du code général des impôts ; qu'il suit de là que son activité n'était pas exonérée de la taxe en litige par les dispositions du 2° du 3 de l'article 224 du code général des impôts dont elle se prévaut ; que ce motif justifiant à lui seul l'imposition litigieuse au regard de la loi fiscale, la société n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration l'a assujettie à la taxe d'apprentissage au titre des années 2008 à 2010 ;
En ce qui concerne l'existence d'une prise de position formelle de l'administration :
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration (...) " et qu'aux termes de l'article L. 80 B du même livre : "La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal (...) " ;
5. Considérant, d'une part, que le seul fait que l'administration n'a pas notifié à la société requérante de rappels de taxe d'apprentissage lors de précédents contrôles ne constitue pas une prise de position formelle au sens de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;
6. Considérant, d'autre part, qu'elle ne peut davantage se prévaloir d'une prise de position formelle, au sens des dispositions précitées, prise en faveur de sa société mère VH Green dans le compte rendu du rapport hiérarchique du 14 décembre 2011 abandonnant les rappels de taxe d'apprentissage notifiés à cette dernière société dès lors, en tout état de cause, que l'abandon des rappels de taxe d'apprentissage n'était pas motivé ;
Sur les pénalités :
S'agissant de la régularité de la procédure d'imposition :
7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration a précisé, aux pages 9 à 12 de la proposition de rectification du 13 juillet 2011 relative aux années 2008 et 2009 et 4 et 5 de la proposition de rectification du même jour relative à l'année 2010, que la société requérante n'avait pas acquitté la taxe d'apprentissage relative aux années en litige, et, après avoir cité les dispositions des articles 228 bis et 1999 quinquies A du code général des impôts selon lesquelles le montant de taxe d'apprentissage est, du seul fait de son absence ou insuffisance de versement, majoré du montant de la taxe due et non versée, a précisé les montants de taxe dus au titre des années en litige et les montants identiques de majoration correspondants ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la pénalité de 100 % qui a été infligée sur la base de ces dispositions manque en fait ;
S'agissant du bien-fondé des sanctions fiscales :
8. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1732 du code général des impôts : " La mise en oeuvre de la procédure d'évaluation d'office prévue à l'article L. 74 du livre des procédures fiscales entraîne : a. L'application d'une majoration de 100 % aux droits rappelés ou aux créances de nature fiscale qui doivent être restituées à l'Etat (...) " ; qu'aux termes de l'article 228 bis du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : " A défaut de versement ou en cas de versement insuffisant de la taxe d'apprentissage aux organismes collecteurs habilités (...) avant le 1er mars de l'année suivant celle du versement des salaires, le montant de la taxe, acquitté selon les modalités définies au III de l'article 1678 quinquies, est majoré de l'insuffisance constatée " ;
9. Considérant que la société VH Blue fait valoir que la majoration de 100 % prévue à l'article 1732 du code général des impôts mise en recouvrement par avis de mise en recouvrement du 30 avril 2012 pour un montant total sur les années en litige de 71 734 euros ne lui était pas applicable dès lors qu'elle n'avait pas fait l'objet d'une taxation d'office ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que l'avis de mise en recouvrement du 30 avril 2012 est entaché d'une simple erreur matérielle en ce qui concerne la mention de la base légale de la majoration de 100 % appliquée à la société requérante, dès lors qu'il ressort des termes des pages 10 à 13 de la proposition de rectification du 13 juillet 2011 relative aux années 2008 et 2009 et des pages 4 à 6 de la proposition de rectification du même jour relative à l'année 2010, que l'amende prévue à l'article 1732 du code général des impôts n'a pas été appliquée à la société requérante, laquelle n'a fait l'objet d'une majoration de 100 % que sur le seul fondement des dispositions précitées des articles 228 bis et 1599 quinquies A du code général des impôts ; que, dans ces conditions, la société VH Blue ne conteste pas utilement le bien-fondé de la majoration de 100 % qui lui a été appliquée en se bornant à faire valoir qu'elle n'avait pas fait l'objet d'une taxation d'office ;
10. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 1728 du code général des impôts : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : a. 10 % en l'absence de mise en demeure ou en cas de dépôt de la déclaration ou de l'acte dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure, notifiée par pli recommandé, d'avoir à le produire dans ce délai (...) " ;
11. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration a appliqué à la société requérante la majoration de 10 % prévue par les dispositions précitées de l'article 1728 pour défaut de déclaration ; que toutefois, s'il appartient au contribuable de justifier du respect de ses obligations déclaratives, l'administration n'a précisé ni au cours de la procédure d'imposition ni devant le juge de l'impôt la nature de l'omission de déclaration à raison de laquelle les majorations litigieuses ont été appliquées à la société requérante alors que celle-ci, d'une part, fait valoir que la déclaration spécifique à la taxe d'apprentissage, antérieurement prévue à l'article 229 du code général des impôts, a été supprimée à compter du 1er janvier 2008 par l'article 12 de la loi n° 2007-1787 du 20 décembre 2007 et, d'autre part, soutient sans être contredite que l'administration n'a pas relevé d'omission dans la déclaration annuelle des données sociales (DADS) au titre des années en litige en ce qui concerne l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de la taxe en litige ; que, dans ces conditions, l'administration ne peut être regardée comme justifiant suffisamment du bien-fondé de l'application de la pénalité litigieuse ; qu'il s'ensuit que la société VH Blue est fondée à demander la décharge des majorations mises à sa charge au titre des années 2008 à 2010 à ce titre pour un montant total de 7 170 euros ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société VH Blue est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de décharge des majorations de 10 % mises à sa charge sur le fondement des dispositions de l'article 1728 du code général des impôts ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par la société VH Blue et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : La société VH Blue est déchargée des majorations de 10 % mises à sa charge au titre des années 2008 à 2010 sur le fondement des dispositions de l'article 1728 du code général des impôts.
Article 2 : Le jugement n° 1313015/1-2 du 9 juin 2015 du Tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à la société VH Blue une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la société VH Blue est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société VH Blue et au ministre de l'économie et des finances.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Ile-de-France (division du contentieux ouest).
Délibéré après l'audience du 16 mars 2017 à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- M. Dalle, président assesseur,
- Mme Notarianni, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 30 mars 2017.
Le rapporteur,
L. NOTARIANNI
Le président,
C. JARDIN
Le greffier,
C. BUOT La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15PA03230