Par une requête, enregistrée le 21 mai 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, et un mémoire enregistré le 13 août 2015, M. et Mme C...ont demandé au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance du président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 25 mars 2015 ;
2°) de mettre à la charge de la commune de Suresnes et de la SARL Les Matines la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a donné acte d'un désistement d'office alors que le délai imparti pour produire le mémoire ampliatif n'était pas expiré.
Par une décision n° 390346 du 30 décembre 2015 le Conseil d'Etat a attribué la requête de M. et Mme C...à la Cour administrative d'appel de Versailles.
Procédure devant la cour :
Par deux mémoires, enregistrés le 24 mai et le 13 septembre 2016, la SARL Les Matines, représentée par Me Jobelot, avocat, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge des requérants du versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la demande était doublement irrecevable en ce qu'elle a été introduite après l'expiration du délai de recours des tiers et en l'absence d'intérêt à agir des requérants ;
- à titre subsidiaire les moyens d'annulation ne sont pas fondés.
Par un mémoire en réplique, enregistré le 14 novembre 2016, M. et MmeC..., représentés par Me Boussier, avocat, concluent aux mêmes fins que leur requête et en outre, demandent à la Cour d'annuler la décision implicite de rejet née de leur recours gracieux du 12 janvier 2015 et de mettre à la charge de la commune de Suresnes du versement de la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. et Mme C...soutiennent en outre que :
- ils ont intérêt à agir au regard des dispositions de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme ;
- leur demande n'est pas tardive car le panneau d'affichage n'était visible que si l'on se plaçait en face du porche d'entrée de l'avenue Franklin Roosevelt alors que le permis de démolir du 26 mars 2013 avait lui été affiché sur la rue du Bel Air ;
- le permis est illégal en raison de l'absence d'avis de l'inspection générale des carrières ;
- le permis méconnait les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ;
- il méconnait l'article UD 2 du plan local d'urbanisme.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Geffroy,
- les conclusions de Mme Lepetit-Collin, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., substituant Me Boussier, pour M. et Mme C...et de Me Jobelot pour la SARL Les Matines.
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
1. Considérant qu'aux termes de l'article R. 612-5 du code de justice administrative : " Devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, si le demandeur, malgré la mise en demeure qui lui a été adressée, n'a pas produit le mémoire complémentaire dont il avait expressément annoncé l'envoi (...) il est réputé s'être désisté " ;
2. Considérant que le président de la 1ère chambre du tribunal administratif de
Cergy-Pontoise a, le 4 février 2015, adressé au conseil de M. et Mme C...une lettre qui le mettait en demeure de produire, dans le délai de deux mois, le mémoire complémentaire annoncé dans sa demande, faute de quoi les requérants seraient réputés s'être désistés d'office en application des dispositions de l'article R. 612-5 du code de justice administrative ; qu'il ressort des pièces du dossier que cette lettre a été reçue par son destinataire le 9 février 2015 ; qu'ainsi à la date du 25 mars 2015 de l'ordonnance attaquée, les conditions posées par l'article R. 612-5, précité, du code de justice administrative pour que l'abstention de produire un mémoire puisse être légalement regardée comme un désistement d'office n'étaient pas réunies ; que, par suite, c'est à tort que le président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a, par l'ordonnance attaquée, estimé que M. et Mme C...devaient être regardés comme s'étant désistés d'office de leur demande ; que cette ordonnance, qui est irrégulière, doit être annulée ;
3. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. et Mme C...;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par un arrêté du 25 août 2014, le maire de Suresnes a délivré à la SARL Les Matines un permis de construire un établissement pour personnes âgées dépendantes d'une surface de plancher de 5 640 m² sur un terrain situé 31/41 avenue Franklin Roosevelt ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme : " Le délai de recours contentieux à l'encontre (...) d'un permis de construire (...) court à l'égard des tiers à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain des pièces mentionnées à l'article R. 424-15 " ; qu'aux termes de l'article R. 424-15 du même code : " Mention du permis (...) doit être affichée sur le terrain, de manière visible de l'extérieur, par les soins de son bénéficiaire, dès la notification de l'arrêté (...) et pendant toute la durée du chantier (...)Un arrêté du ministre chargé de l'urbanisme règle le contenu et les formes de l'affichage. " ; qu'aux termes de l'article A. 424-18 : " Le panneau d'affichage doit être installé de telle sorte que les renseignements qu'il contient demeurent.lisibles de la voie publique ou des espaces ouverts au public pendant toute la durée du chantier" ;
6. Considérant que, pour soutenir que l'affichage sur le terrain du permis de construire délivré le 25 août 2014 par le maire de Suresnes à la SARL Les Matines n'avait pas fait courir le délai du recours contentieux, M. et Mme C...ont relevé que le panneau d'affichage était situé au niveau du 41 de l'avenue Franklin Roosevelt sur une porte d'entrée étroite sous un petit porche et n'était visible qu'en se plaçant en face de ce porche ; qu'ainsi cet affichage résulterait d'une manoeuvre visant à priver les riverains de la rue du Bel Air de l'effet de la mesure de publicité ;
7. Considérant que les dispositions précitées du code de l'urbanisme n'imposent pas au bénéficiaire d'un permis de construire de procéder à l'affichage de ce permis à proximité de chacune des voies publiques entourant le terrain d'assiette ; qu'il ressort des pièces du dossier et notamment de constats d'huissiers établis les 5 septembre, 6 octobre et 6 novembre 2014 que la mention du permis de construire délivré le 25 août 2014 par le maire de Suresnes à la SARL Les Matines a été affichée sur le terrain de façon continue pendant deux mois, au moins à compter du 5 septembre 2014 ; qu'il ressort aussi de ces constats que le panneau d'affichage comportait toutes les mentions exigées par les dispositions des articles A. 424-16 et A. 424-17 du code de l'urbanisme et que, placé sur l'entrée d'un bâtiment donnant sur la rue Franklin Roosevelt, en un lieu dont le choix n'était pas constitutif d'une manoeuvre visant à priver d'effet la mesure de publicité prévue par le code de l'urbanisme, il était parfaitement visible et lisible depuis la voie publique dans des conditions conformes aux exigences des articles R. 424-15 et A. 424-18 ; qu'il en résulte que le délai de recours de deux mois mentionné à l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme, qui a couru au plus tard à compter du 5 septembre 2014 et n'a pas été suspendu par un recours administratif, était déjà expiré à la date du 30 janvier 2015, date à laquelle la demande de M. et Mme C...tendant à l'annulation du permis a été enregistrée au greffe du tribunal administratif de
Cergy-Pontoise ; que, dès lors, cette demande était tardive et par suite irrecevable ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;
9. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la somme que demandent M. et Mme C...soit mise à la charge de la commune de Suresnes qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. et Mme C... le versement à la SARL Les Matines et à la commune de Suresnes chacun d'une somme de 2 000 euros ;
DECIDE
Article 1er : L'ordonnance n° 1500808 du président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Cergy-Pontoise en date du 25 mars 2015 est annulée.
Article 2 : La demande présentée par M. et Mme C...devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise et le surplus des conclusions d'appel sont rejetés.
Article 3 : M. et Mme C...verseront la somme de 2 000 euros à la SARL Les Matines et la somme de 2 000 euros à la commune de Suresnes au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
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N° 16VE00184