Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 19 juillet 2014, et deux mémoires complémentaires, enregistrés les 24 juin et 3 juillet 2015, MmeB..., représentée par Me Rochefort, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision ;
3° d'enjoindre à la commune de Saint-Germain-en-Laye de saisir le juge civil du contrat pour faire constater la nullité de la vente qui serait intervenue entre les vendeurs et la commune et de lui proposer le bien ;
4° de mettre à la charge de la commune de Saint-Germain-en-Laye les entiers dépens et le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'une omission à statuer, en l'absence d'examen de son argument tiré de l'absence de lien entre la préemption et les opérations visées par l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme ;
- la délibération instaurant le droit de préemption urbain et ses mesures de publicité n'ayant pas été produites, ni la compétence de l'auteur de la décision litigieuse ni le périmètre de la préemption ne sont justifiés ;
- la délibération du 18 octobre 2005 ne satisfait pas à l'exigence de motivation prévue par le c de l'article L. 211-4 du code de l'urbanisme et n'institue, par conséquent, aucun droit de préemption urbain renforcé, ce qui a pour effet de retirer toute compétence au maire pour préempter des lots de copropriété ;
- la décision de préemption a été prise en méconnaissance de l'article L. 211-4 a) du code de l'urbanisme dès lors qu'elle porte sur un local accessoire d'un local à usage d'habitation couvert par l'exception de l'article L. 211-4 a) du code de l'urbanisme, une telle décision ne pouvant être prise que si un droit de préemption urbain renforcé a été institué en application du c) de l'article L. 211-4 ;
- la décision de préemption est tardive dès lors, qu'en méconnaissance des dispositions des articles L. 213-2 et R. 213-7 du code de l'urbanisme, elle a été prise plus de deux mois après la réception, le 2 septembre 2010, de la décision d'aliéner ;
- la décision de préemption ne répond pas à l'exigence de motivation requise par l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme ;
- l'objet en vue duquel la décision attaquée a été prise méconnaît les dispositions de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme et l'opération envisagée n'entre pas dans les prévisions de l'article L. 300-1 de ce code dans la mesure où préempter des places de parking pour remédier à d'éventuelles gênes pendant les travaux n'est pas une opération d'aménagement au sens de cet article et pas davantage une acquisition en vue de proposer aux propriétaires impactés une autre place en échange ;
- l'opération d'aménagement invoquée ne comporte aucune mention du parking souterrain et de ses différents niveaux dans la mesure où le projet ne concerne que l'aménagement supérieur de la dalle ; l'opération d'aménagement particulière portant sur la réhabilitation de la dalle ne prévoit pas la rénovation du parking souterrain de sorte qu'aucun projet d'acquisition des parkings en sous-sol n'existait à la date de la décision attaquée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 avril 2015, et un mémoire complémentaire, enregistré le 17 juillet 2015, la commune de Saint-Germain-en-Laye, représentée par Me C...(cabinet Parme avocats), avocat, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de Mme B...le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- le jugement n'est entaché d'aucune omission à statuer ni d'une insuffisante motivation ;
- la délibération du 18 octobre 2005 instituant le droit de préemption urbain sur le territoire de la commune a été régulièrement publiée et a été transmise au contrôle de légalité le 20 octobre 2005 ;
- la décision de préemption a été reçue par les services du représentant de l'État dans le département le 22 octobre 2010, dans le délai de deux mois fixé par l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme et a été transmise dans ce même délai au mandataire désigné dans la déclaration d'intention d'aliéner ;
- cette délibération précise les raisons pour lesquelles il est institué un droit de préemption urbain renforcé ;
- le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 211-4 a du code de l'urbanisme manque en droit ;
- les stationnements sont prévus dans le projet d'aménagement qui fait référence aux parkings sous dalle, la commune ayant par ailleurs acquis depuis 2006 des emplacements de stationnement, à l'amiable ou par voie de préemption au sein du parking Arpège et alors que dès 2007 des études ont été lancées sur les besoins en places de stationnement ; la commune justifie de la réalité d'un projet d'aménagement de la dalle Bel Air à la date de la décision de préemption ;
- l'opération de préemption, qui ne vise pas à faciliter un échange au profit de la commune pour augmenter son propre parc de stationnement, répond aux objectifs poursuivis par les dispositions des articles L. 210-1 et L. 300-1 du code de l'urbanisme ; qu'elle n'a pas pour objet de prémunir contre des troubles de jouissance mais est liée aux travaux, la place litigieuse ayant effectivement été impactée par les travaux dans son volume ;
- la décision de préemption, qui n'avait pas à faire l'objet d'une motivation particulière au regard des dispositions combinées des articles L. 210-1 et L. 211-4 du code de l'urbanisme, est suffisamment motivée ;
- la revente du bien, dans l'hypothèse d'une annulation de la décision de préemption, porterait une atteinte excessive à l'intérêt général.
Par un mémoire complémentaire enregistré le 2 septembre 2015, Mme B...conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens et ajoute que la délibération du
18 octobre 2005 ne permet pas davantage de préempter des lots de copropriété frappés d'un droit de jouissance exclusif.
Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 mai 2014.
Par une ordonnance en date du 23 juillet 2015, la clôture de l'instruction a été fixée au 3 septembre 2015 en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Ribeiro-Mengoli,
- les conclusions de Mme Lepetit-Collin, rapporteur public,
- et les observations de Me Rochefort, pour MmeB..., et de Me E...pour la commune de Saint-Germain-en-Laye.
Une note en délibéré, présentée pour la commune de Saint-Germain-en-Laye, a été enregistrée le 9 février 2016.
1. Considérant que par une délibération en date du 18 octobre 2005, la commune de Saint-Germain-en-Laye a institué le droit de préemption urbain sur toutes les zones urbaines et à urbaniser du plan local d'urbanisme et sur le périmètre du secteur sauvegardé et a également décidé, en application de l'article L. 211-4 du code de l'urbanisme, d'appliquer le droit de préemption urbain aux aliénations et cessions mentionnées à cet article, sur le périmètre du secteur sauvegardé, sur la zone AU et sur les périmètres des opérations définies dans les orientations d'aménagement par secteur du plan local d'urbanisme ; que le maire de la commune de Saint-Germain-en-Laye, à la suite de la réception, le 2 septembre 2010, d'une déclaration d'intention d'aliéner par Mme D...à Mme B...d'un lot n° 335 constitué par un emplacement de parking situé au niveau -2 de la copropriété " Arpège parking ", place des Coteaux du Bel-Air, a, par une décision en date du 21 octobre 2010, exercé le droit de préemption urbain sur ce lot " en vue de la réalisation de l'opération d'aménagement n° 1 relative au réaménagement de la Place des Coteaux du Bel-Air " ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. " et qu'aux termes de l'article L. 300-1 dudit code dans sa rédaction alors applicable : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en oeuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d'enseignement supérieur, de lutter contre l'insalubrité, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels (...). " ;
3. Considérant que le maire de la commune de Saint-Germain-en-Laye a motivé sa décision de préempter l'emplacement de parking appartenant à Mme D...par le fait que " la mise en oeuvre de l'orientation d'aménagement n° 1 impactera certaines places de stationnement situées au niveau -2 de la copropriété Arpège Parking " et que " l'acquisition par la Ville de places de stationnement situées à ce même niveau, facilitera la réalisation de cette opération de réhabilitation par l'acquisition des places impactées ou bien par échange de celles-ci en vue d'éviter pour les propriétaires des lots concernés tout trouble dans la jouissance de leur bien " ;
4. Considérant toutefois que la commune de Saint-Germain-en-Laye, qui n'établit pas que le lot n° 335 objet de la préemption litigieuse aurait été impacté par les futurs travaux de réhabilitation devant être entrepris dans le cadre de l'orientation d'aménagement spécifique n° 1 relative au réaménagement de la dalle du Bel-Air, en particulier sur le boulevard Berlioz et la dalle, n'établit pas la réalité d'un projet d'aménagement répondant à l'un des objets fixé par l'article L. 300-1 susvisé du code de l'urbanisme l'autorisant à acquérir ladite place de stationnement par voie de préemption ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et alors que, pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun des autres moyens soulevés n'est susceptible d'entrainer l'annulation de la décision de préemption litigieuse, que Mme B...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation de cette décision ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
6. Considérant que l'annulation par le juge de l'excès de pouvoir de l'acte par lequel le titulaire du droit de préemption décide d'exercer ce droit emporte pour conséquence que ce titulaire doit être regardé comme n'ayant jamais décidé de préempter ; qu'ainsi, cette annulation implique nécessairement, sauf atteinte excessive à l'intérêt général appréciée au regard de l'ensemble des intérêts en présence, que le titulaire du droit de préemption, s'il n'a pas entretemps cédé le bien illégalement préempté, prenne toute mesure afin de mettre fin aux effets de la décision annulée ; qu'à ce titre, et en l'absence de transaction, qu'il est loisible à la collectivité publique concernée de conclure avec l'acquéreur évincé en vue de déterminer les conditions de la cession du bien ou de la renonciation de ce dernier à tout droit sur ce bien et, le cas échéant, de réparer les préjudices que la décision de préemption illégale a pu lui causer, il appartient au titulaire du droit de préemption de proposer à l'acquéreur évincé puis, à défaut, au propriétaire initial d'acquérir le bien à un prix visant à rétablir autant que possible et sans enrichissement injustifié de l'une quelconque des parties les conditions de la cession à laquelle l'exercice du droit de préemption a fait obstacle ;
7. Considérant qu'il ne ressort pas du dossier et n'est pas même soutenu que le bien illégalement préempté par la commune de Saint-Germain-en-Laye aurait été cédé à un tiers ; que, si la commune soutient que cet emplacement s'inscrit dans le périmètre du projet d'aménagement de la dalle du Bel-Air, dont la réalisation est déjà avancée et que le préfet des Yvelines a déclaré d'utilité publique le 1er août 2012, nécessitant la démolition de cette dalle, le rehaussement du boulevard Berlioz et la création des équipements publics et des surfaces commerciales nécessaires à la vie du quartier, il ne résulte pas de l'instruction, que la cession de l'emplacement de parking en litige, à la date du présent arrêt, porterait une atteinte excessive à l'intérêt général ; qu'il ne résulte pas davantage de l'instruction que la consistance ou l'état de ce bien aurait été modifié depuis la décision de préemption annulée ; que, dans ces conditions, il y a lieu d'enjoindre à la commune de Saint-Germain-en-Laye de proposer à MmeB..., qui a la qualité d'acquéreur évincé, dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt, d'acquérir le bien objet de la décision illégale de préemption aux prix et conditions mentionnés dans la déclaration d'intention d'aliéner ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de MmeB..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune de Saint-Germain-en-Laye demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
10. Considérant que Mme B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Rochefort renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de la commune de Saint-Germain-en-Laye le versement à Me Rochefort de la somme de 2 000 euros ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1008305 du 16 mai 2013 du Tribunal administratif de Versailles et la décision en date du 21 octobre 2010 par laquelle le maire de la commune de
Saint-Germain-en-Laye a décidé d'exercer son droit de préemption urbain sur le lot n° 335 de la copropriété Arpège Parking sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint à la commune de Saint-Germain-en-Laye de proposer à Mme B..., dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt, d'acquérir le bien objet de la décision de préemption du 21 octobre 2010 aux prix et conditions mentionnés dans la déclaration d'intention d'aliéner.
Article 3 : La commune de Saint-Germain-en-Laye versera à Me Rochefort, avocat de Mme B..., la somme de 2 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.
Article 4 : Les conclusions présentées par la commune de Saint-Germain-en-Laye sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B..., à la commune de
Saint-Germain-en-Laye et à MmeD....
Délibéré après l'audience du 4 février 2016, à laquelle siégeaient :
M. Brumeaux, président de chambre,
Mme Geffroy, premier conseiller,
Mme Ribeiro-Mengoli, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 18 février 2016.
Le rapporteur,
N. RIBEIRO-MENGOLILe président,
M. BRUMEAUX Le greffier,
V. HINGANT
La République mande et ordonne au préfet des Yvelines en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
Le greffier,
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N° 14VE02115