Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 22 janvier 2018 et
4 avril 2018, la SNC HÔTEL GRIL BAGNOLET, représentée par Me Zapf, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de prononcer le dégrèvement de la cotisation foncière des entreprises et de la taxe pour frais de chambres de commerce et d'industrie qui ont été mises à sa charge au titre de l'année 2015, à hauteur de la somme de 142 042 euros ;
3° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la valeur locative de son bien aurait dû être déterminée par application de la méthode par comparaison, la méthode de l'appréciation directe, qui est subsidiaire, ayant été mise en oeuvre de manière irrégulière en l'absence de démonstration par l'administration de l'absence d'existence de local-type propre à la comparaison ; en outre, la valeur choisie par l'administration résulte d'une transaction trop tardive par rapport à la date du 1er janvier 1970 ;
- c'est à tort que le service a refusé de prendre en compte les termes de comparaison qu'elle propose, et en particulier le local-type n° 6 du procès-verbal de la commune
d'Enghien-les-Bains, au regard duquel elle demande un abattement de 35 %, le local-type n° 48 du procès-verbal de la commune de Chelles au vu duquel elle demande un abattement de 20 %, et le local-type n° 6 du procès-verbal ME de la commune de Sète, lequel a par ailleurs déjà été retenu.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et son annexe III et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- et les conclusions de M. Huon, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La SNC HÔTEL GRIL BAGNOLET fait appel du jugement du 20 novembre 2017 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la réduction de la cotisation foncière des entreprises et de la taxe pour frais de chambre de commerce et d'industrie auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2015 à raison de l'établissement hôtelier qu'elle exploite au 30, avenue du Général de Gaulle à Bagnolet (Seine-Saint-Denis).
Sur la détermination de la valeur locative par comparaison :
2. D'une part, aux termes de l'article 1447-0 du code général des impôts : " Il est institué une contribution économique territoriale composée d'une cotisation foncière des entreprises et d'une cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises ". L'article 1467 du même code précise : " La cotisation foncière des entreprises a pour base la valeur locative des biens passibles d'une taxe foncière situés en France (...) dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle pendant la période de référence définie aux articles 1467 A et 1478, à l'exception de ceux qui ont été détruits ou cédés au cours de la même période (...) / La valeur locative des biens passibles d'une taxe foncière est calculée suivant les règles fixées pour l'établissement de cette taxe (...) ". Aux termes de l'article 1600 du même code dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " I.- Il est pourvu à une partie des dépenses des chambres de commerce et d'industrie de région ainsi qu'aux contributions allouées par ces dernières, selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat, aux chambres de commerce et d'industrie territoriales et à CCI France au moyen d'une taxe pour frais de chambres constituée de deux contributions : une taxe additionnelle à la cotisation foncière des entreprises et une taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. (...) / II.-1.- La taxe additionnelle à la cotisation foncière des entreprises mentionnée au I est due par les redevables de cette cotisation proportionnellement à leur base d'imposition. (...) ".
3. D'autre part, aux termes de l'article 1494 du code général des impôts : " La valeur locative des biens passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties (...) est déterminée, conformément aux règles définies par les articles 1495 à 1508, pour chaque propriété ou fraction de propriété normalement destinée à une utilisation distincte ". Aux termes de l'article 1498 dudit code dans sa rédaction applicable au présent litige : " La valeur locative de tous les biens autres que les locaux visés au I de l'article 1496 et que les établissements industriels visés à l'article 1499 est déterminée au moyen de l'une des méthodes indiquées ci-après :/ 1° Pour les biens donnés en location à des conditions de prix normales, la valeur locative est celle qui ressort de cette location ; / 2° a. Pour les biens loués à des conditions de prix anormales ou occupés par leur propriétaire, occupés par un tiers à un autre titre que la location, vacants ou concédés à titre gratuit, la valeur locative est déterminée par comparaison. / Les termes de comparaison sont choisis dans la commune. Ils peuvent être choisis hors de la commune pour procéder à l'évaluation des immeubles d'un caractère particulier ou exceptionnel ; / b. La valeur locative des termes de comparaison est arrêtée : / Soit en partant du bail en cours à la date de référence de la révision lorsque l'immeuble type était loué normalement à cette date, / Soit, dans le cas contraire, par comparaison avec des immeubles similaires situés dans la commune ou dans une localité présentant, du point de vue économique, une situation analogue à celle de la commune en cause et qui faisaient l'objet à cette date de locations consenties à des conditions de prix normales ; / 3° A défaut de ces bases, la valeur locative est déterminée par voie d'appréciation directe ". L'article 324 AK de l'annexe III au code général des impôts a fixé la date de référence de la dernière révision générale des opérations foncières au 1er janvier 1970. Lorsqu'il est fait recours à une évaluation de la valeur locative par comparaison, le terme de comparaison doit être précisément identifié et la valeur de celui-ci déterminée au moyen de l'une des deux méthodes prévues par le b du 2° de l'article 1498 rappelé ci-dessus. Par ailleurs, lorsqu'aucune valeur locative ne peut être déterminée par application des règles prévues au 1° puis au 2° de l'article 1498 du code général des impôts, par référence au loyer du bien ou à défaut par comparaison, l'administration est fondée, en vertu du 3°, à déterminer cette valeur par voie d'appréciation directe, à partir de la valeur vénale du bien à la date de référence du
1er janvier 1970.
4. Pour déterminer la valeur locative de l'établissement hôtelier exploité sur le territoire de la commune de Bagnolet, l'administration fiscale a recouru à la méthode d'évaluation directe prévue par les dispositions du 3° de l'article 1498 du code général des impôts. La SNC HÔTEL GRIL BAGNOLET soutient cependant que la valeur locative de l'hôtel qu'elle exploite peut être évaluée selon la méthode comparative prévue au 2° de l'article 1498 du code général des impôts dès lors qu'existent des termes de comparaison pertinents, soit, selon le dernier état de ses écritures, le local-type n° 6 du procès-verbal de la commune d'Enghien-les-Bains, le local-type n° 48 du procès-verbal de la commune de Chelles, et le local-type n° 6 du procès-verbal ME de la commune de Sète.
5. En premier lieu, le ministre fait valoir sans être contesté que le local-type n° 6 du procès-verbal de la commune d'Enghien-les-Bains (95), a été évalué par voie d'appréciation directe, constatation qui ressort de l'examen des mentions portées sur la fiche de calcul relative à ce bien. En outre, le procès-verbal initial des opérations de révision des maisons exceptionnelles de la commune d'Enghien-les-Bains fait état de ce que le local-type n° 6 du procès-verbal " ME " n'était pas loué au 1er janvier 1970 dès lors qu'il était occupé par son propriétaire. De plus, cet immeuble correspond à un hôtel construit en 1950, classé " quatre étoiles luxe " exploité à proximité du lac et du casino de la ville, lequel ne saurait raisonnablement être comparé à un hôtel moderne de chaîne exploité à Bagnolet, commune qui, au surplus, ne présente ni la même attractivité touristique ni, en conséquence, une clientèle et une zone de chalandise équivalentes à celles d'Enghien-les-Bains. Dès lors, le terme de comparaison proposé ne peut être retenu pour procéder à l'évaluation de l'établissement hôtelier concerné.
6. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que le local-type n° 48 du procès-verbal des évaluations foncières de la commune de Chelles correspond à un hôtel de préfecture ancien, qui n'a jamais fait l'objet d'aucun classement et ne peut, dès lors, être comparé à un hôtel de chaîne de conception moderne. De surcroit, il a été irrégulièrement évalué au vu d'un loyer révisé au 1er mai 1970 en méconnaissance des dispositions du b) du 2° de l'article 1498 du code général des impôts, qui n'autorisent à se référer qu'aux loyers en cours au 1er janvier 1970. Ainsi, et alors même qu'il a pu servir, toutefois moyennement le cas échéant une majoration, de terme de comparaison pour d'autres établissements, il ne peut valablement être retenu pour la mise en oeuvre de la méthode comparative d'évaluation.
7. En troisième lieu, si la société requérante soutient que l'hôtel qu'elle exploite doit être évalué par rapport au local-type n° 6 du procès-verbal des opérations de révision foncière de la commune de Sète, cette commune ne peut être regardée comme présentant, du point de vue économique, une situation analogue, au sens et pour l'application des dispositions précitées du 2° de l'article 1498 du code général des impôts, avec la commune de Bagnolet qui, notamment par sa localisation limitrophe de Paris et son raccordement aux réseaux de transports parisiens, relève d'une situation différente.
8. En quatrième lieu, dans la mesure où la société requérante ne propose pas d'autres locaux-types, et où l'administration a produit les résultats d'une recherche portant sur une centaine de termes de comparaison et de nombreuses décisions de justice, dont il ne ressort pas qu'un local-type, régulièrement évalué ou présentant les mêmes caractéristiques que l'immeuble à évaluer, situé à Bagnolet, ou dans une commune économiquement comparable, pourrait être valablement retenu pour procéder à l'évaluation, par comparaison, de l'hôtel concerné, la SNC HÔTEL GRIL BAGNOLET n'est pas fondée à soutenir que l'administration fiscale ne pouvait recourir à la méthode d'évaluation subsidiaire par voie d'appréciation directe prévue au 3° de l'article 1498 du code général des impôts pour fixer la valeur locative de l'hôtel qu'elle exploite sur le territoire de cette commune sous l'enseigne " Campanile ".
Sur la détermination de la valeur locative par évaluation directe :
9. Aux termes de l'article 324 AB de l'annexe 3 du code général des impôts, en vigueur à la date des impositions en litige : " Lorsque les autres moyens font défaut, il est procédé à l'évaluation directe de l'immeuble en appliquant un taux d'intérêt à sa valeur vénale, telle qu'elle serait constatée à la date de référence si l'immeuble était libre de toute location ou occupation. / Le taux d'intérêt susvisé est fixé en fonction du taux des placements immobiliers constatés dans la région à la date de référence pour des immeubles similaires. ". L'article 324 AC de cette même annexe, alors en vigueur, dispose : " En l'absence d'acte et de toute autre donnée récente faisant apparaître une estimation de l'immeuble à évaluer susceptible d'être retenue, sa valeur vénale à la date de référence est appréciée d'après la valeur vénale d'autres immeubles d'une nature comparable ayant fait l'objet de transactions récentes situés dans la commune même ou dans une localité présentant du point de vue économique une situation analogue à celle de la commune en cause. / La valeur vénale d'un immeuble peut également être obtenue en ajoutant à la valeur vénale du terrain, estimée par comparaison avec celle qui ressort de transactions récentes relatives à des terrains à bâtir situés dans une zone comparable, la valeur de reconstruction au 1er janvier 1970 dudit immeuble, réduite pour tenir compte, d'une part, de la dépréciation immédiate et, d'autre part, du degré de vétusté de l'immeuble et de son état d'entretien, ainsi que de la nature, de l'importance, de l'affectation et de la situation de ce bien. ".
10. La SNC HÔTEL GRIL BAGNOLET soutient que la valeur de référence retenue par l'administration pour mettre en oeuvre l'évaluation directe de la valeur de son bien résulte d'une transaction trop tardive par rapport à la date du 1er janvier 1970. Toutefois, elle n'apporte au soutien de son affirmation aucun élément établissant qu'une transaction serait intervenue sur un immeuble comparable quant à sa nature et à sa localisation à une date plus proche du
1er janvier 1970 alors que le ministre le conteste. La méthode d'appréciation directe ainsi mise en oeuvre, qui n'est pas autrement contestée, conduisant à des valeurs locatives de 198 422 euros ou 202 966 euros qui sont supérieures à la valeur de 194 107 euros initialement déterminée, la SNC HÔTEL GRIL BAGNOLET ne peut prétendre à aucune réduction de ses impositions.
11. Il résulte de ce tout qui précède que la SNC HÔTEL GRIL BAGNOLET n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SNC HÔTEL GRIL BAGNOLET est rejetée.
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N° 18VE00251