Procédure devant la Cour :
Par une requête, un mémoire complémentaire et un mémoire en production de pièces, enregistrés respectivement le 16 juin 2015, le 10 juillet 2015 et le 20 janvier 2016,
Mme B...épouseD..., représentée par Me Cheix, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions rejetant sa demande de titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours ;
2° d'annuler, pour excès de pouvoir, lesdites dispositions de cet arrêté ;
3° d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " valable un an avec autorisation de travail, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation administrative, et lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler sous les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4° de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 2 000 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du
10 juillet 1991, sous réserve, pour Me Cheix, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
Elle soutient que :
- la décision portant refus de délivrance de titre de séjour et la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français méconnaissent les dispositions de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour défaut de saisine de la commission du titre de séjour dès lors qu'elle justifie d'une présence en France depuis plus de dix ans ;
- elles méconnaissent les dispositions des articles L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elles méconnaissent également les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du même code relatives au droit au respect de la vie privée ;
- elles violent les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation dans la mise en oeuvre du pouvoir d'appréciation de l'administration préfectorale et au regard des conséquences sur sa situation personnelle.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le
26 janvier 1990 ;
- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique, le rapport de M. Bergeret.
1. Considérant que Mme B...épouseD..., ressortissante marocaine née le 12 septembre 1973, relève régulièrement appel du jugement du 17 juillet 2014 en tant que, par ce jugement, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de la Seine-Saint-Denis du 4 février 2014 refusant de lui délivrer un certificat de résidence et lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :
2. Considérant qu'il ressort de l'ensemble des nombreuses pièces produites en première instance et devant la Cour, sur l'authenticité desquelles le préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'a produit aucune observation ni en première instance ni en appel, n'émet pas de réserves, que Mme D...peut être regardée comme établissant qu'elle réside habituellement en France depuis l'année 2005 ou 2006, en compagnie de M. C...D..., ressortissant algérien, qu'elle a épousé en 2011 ; que le couple a donné naissance en France, le 22 mai 2007, à une fille qui était scolarisée depuis trois années à la date de la décision attaquée ; qu'il ressort suffisamment des pièces du dossier que M.D..., qui bénéficie d'une promesse d'embauche pour un emploi d'étancheur, et qui justifie avoir déclaré des revenus réguliers pour des montants correspondant, selon toute apparence, à un emploi réel en 2010, 2011 et 2012, présente de bonnes garanties d'intégration professionnelle ; que la famille qu'elle forme avec son époux et sa fille, installée dans un logement stable, présente de bonnes perspectives d'insertion dans la société française ; qu'ainsi et dans les circonstances particulières de l'espèce, eu égard notamment à la nationalité différente des deux membres du couple et à l'annulation, au visa de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 des décisions fixant le pays de destination des deux conjoints par des jugements, définitifs sur ce point, du 17 juillet 2014 du Tribunal administratif de Montreuil, Mme D...est fondée à soutenir que les décisions litigieuses portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'ensemble des conséquences qu'elles emportent sur sa situation personnelle ;
3. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme D...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté le surplus de sa demande ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
4. Considérant qu'eu égard au motif d'annulation ci-dessus retenu, il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de délivrer à Mme D... un titre de séjour, portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu, en l'espèce, d'assortir cette mesure d'exécution d'une astreinte ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
5. Considérant que Mme D...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du
10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Cheix, avocat de la requérante, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'État le versement à Me Cheix de la somme de 1 200 euros ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1403095 du 17 juillet 2014 du Tribunal administratif de Montreuil est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de Mme D...tendant à l'annulation des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français incluses dans l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 4 février 2014.
Article 2 : L'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis en date du 4 février 2014 est annulé en tant qu'il porte refus de séjour et obligation de quitter le territoire français.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de délivrer à Mme D...un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'État versera à Me Cheix, avocat de MmeD..., une somme de 1 200 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Cheix renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
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N° 15VE01947 3