Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 9 juillet 2015 et le 14 janvier 2016, MmeA..., représentée par Me Carrillo, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;
3° d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 15 euros par jour de retard ;
4° de mettre à la charge de l'État, d'une part, le versement d'une somme de 720 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et d'autre part, le versement d'une somme de 1 200 euros à Me Carrillo, son avocate, en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve, pour Me Carrillo, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
Elle soutient que :
S'agissant de la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour :
- le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ne saisissant pas pour avis la commission du titre de séjour ;
- le préfet a méconnu le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il a rejeté la demande de titre de séjour sans saisir le directeur général de l'agence régionale de santé pour avis sur l'existence des éventuelles circonstances humanitaires exceptionnelles qu'elle aurait pu faire valoir ;
- il a également méconnu l'article 16 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, en ne l'invitant pas à lui faire connaître les éléments nécessaires à l'instruction de sa demande et pouvant correspondre à des circonstances humanitaires exceptionnelles ;
- la décision portant refus de séjour méconnaît le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle ne peut poursuivre un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation en ce qu'elle ne relève pas l'existence de circonstances humanitaires exceptionnelles, eu égard à son état de santé, à la durée de son séjour en France et à sa situation familiale ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à l'ensemble des conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'elle a installé sa vie familiale en France, chez l'une de ses filles, depuis l'année 2006, qu'elle est dépourvue de toute attache familiale réelle au Maroc, et qu'elle bénéficie en France d'une prise en charge médicale adaptée à ses lourdes pathologies ;
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- cette décision est illégale en conséquence de l'illégalité de la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour ;
- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'ensemble de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience public, le rapport de M. Bergeret.
1. Considérant que MmeA..., ressortissante marocaine née en 1943, relève régulièrement appel du jugement du 16 octobre 2014 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des
Hauts-de-Seine du 6 décembre 2013 qui a rejeté sa demande de titre de séjour formée sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qui lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
S'agissant de la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 16 de la loi du 12 avril 2000 : " (...) Une autorité administrative chargée d'instruire une demande présentée par un usager ou de traiter une déclaration transmise par celui-ci fait connaître à l'usager les informations ou données qui sont nécessaires à l'instruction de sa demande ou au traitement de sa déclaration et celles qu'elle se procure directement auprès d'autres autorités administratives françaises, dont elles émanent ou qui les détiennent en vertu de leur mission (...) " ;
3. Considérant que si Mme A...se prévaut des dispositions précitées pour soutenir que l'administration a omis à tort de lui faire connaître les informations et données nécessaires à l'instruction de sa demande, il ressort des pièces du dossier qu'elle a été mise en mesure de produire l'ensemble des éléments caractérisant sa situation et qu'il lui appartenait, le cas échéant, de fournir toute pièce supplémentaire qu'elle aurait elle-même jugée utile à l'instruction de sa demande ; que, par ailleurs, l'intéressée, en se bornant à soutenir que le préfet a méconnu ces dispositions, n'indique pas quelles autres informations ou données auraient été nécessaires à l'instruction de sa demande ; qu'il ne ressort d'ailleurs pas des pièces du dossier qu'une absence ou insuffisance d'informations aurait conduit le préfet, qui a régulièrement statué au vu de l'avis rendu le 11 octobre 2013 par le médecin de l'agence régionale de santé, à prendre sa décision sans disposer de l'ensemble des éléments nécessaires ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 16 de la loi du 12 avril 2000 ne peut qu'être écarté ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin de l'agence régionale de santé ou, à Paris, le chef du service médical de la préfecture de police peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat. " ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente (...). L'avis est émis au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur l'existence d'un traitement dans le pays d'origine de l'intéressé. Quand la commission médicale régionale a été saisie dans les conditions prévues à l'article R. 313-26, l'avis mentionne cette saisine. Le préfet peut, après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, prendre en considération une circonstance humanitaire exceptionnelle pour délivrer la carte de séjour temporaire même s'il existe un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. L'étranger mentionné au 11° de l'article L. 313-11 qui ne remplirait pas la condition de résidence habituelle peut recevoir une autorisation provisoire de séjour renouvelable pendant la durée du traitement " ; qu'aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé : " Au vu de ce rapport médical et des informations dont il dispose, le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis précisant : - si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; - si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; - s'il existe dans le pays dont il est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale ; - la durée prévisible du traitement. Dans le cas où un traitement approprié existe dans le pays d'origine, il peut, au vu des éléments du dossier du demandeur, indiquer si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers ce pays " ;
5. Considérant, d'une part, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme A... ait porté à la connaissance du préfet des Hauts-de-Seine, préalablement à l'intervention de l'arrêté contesté du 6 décembre 2013, des éléments relatifs à sa situation personnelle susceptibles d'être qualifiés de circonstances humanitaires exceptionnelles au sens des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui auraient dû conduire le préfet à saisir le directeur général de l'agence régionale de santé d'une demande d'avis sur ce point ; qu'ainsi, elle n'est pas fondée à soutenir que la décision de refus de séjour litigieuse est irrégulière, faute d'avoir été précédée d'une telle consultation ; qu'elle ne peut davantage se prévaloir, en l'absence de tout texte édictant une telle obligation, de ce qu'elle n'aurait pas été informée des éléments à produire à l'appui d'éventuelles circonstances exceptionnelles ;
6. Considérant, d'autre part, que l'avis émis le 11 octobre 2013 par le médecin de l'agence régionale de santé reconnaît la nécessité de la prise en charge médicale de la requérante, dont le défaut pourrait entrainer pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais estime qu'il existe un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine ; qu'il ne ressort pas des pièces produites au dossier par les deux parties, tels que comptes-rendus d'examens médicaux, certificats médicaux, et divers documents relatifs aux infrastructures de soins existantes au Maroc, qu'un traitement approprié à sa pathologie ne serait pas disponible au Maroc et ces documents ne permettent pas, dès lors, de remettre en cause le bien-fondé de l'avis précité, dont l'arrêté attaqué s'est approprié les termes et le sens ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;
7. Considérant, en troisième lieu, qu'en vertu des dispositions de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la commission du titre de séjour " est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12 (...) " ; qu'il résulte toutefois de ces dispositions combinées avec celles de l'articles L. 312-1 du même code que le préfet n'est tenu de saisir la commission que du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues aux articles L. 313-11, L. 314-11 et L. 314-12, auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité, et non de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions ; que Mme A...n'étant pas au nombre des étrangers pouvant obtenir de plein droit un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet des Hauts-de-Seine n'était pas tenu, contrairement à ce qu'elle soutient, de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande de titre de séjour ;
8. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l' ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
9. Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que Mme A..., entrée en France au moyen d'un visa à la fin de l'année 2006 ou au début de l'année 2007, réside sur le territoire français depuis cette date, chez l'une de ses filles née en 1966, domiciliée... ; que celle-ci, de même que son autre fille née en 1962 et domiciliée... ; que, toutefois, si Mme A...soutient qu'à l'exception de deux soeurs plus âgées, elle ne dispose plus d'aucune attache familiale au Maroc, pays qu'elle n'a quitté qu'à l'âge de soixante-trois ans, de nombreuses années après sa répudiation par son époux, elle n'en justifie par aucun document administratif probant malgré la mesure d'instruction diligentée par la Cour ; qu'ainsi, Mme A...n'est pas fondée à soutenir qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet des Hauts-de-Seine aurait porté une atteinte disproportionnée à son droit à une vie privée et familiale, et aurait donc méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que pour les mêmes motifs de fait, cette décision ne peut être regardée comme entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'ensemble des conséquences qu'elle emporte sur la situation personnelle de l'intéressée, ni comme entachée d'une autre erreur manifeste résultant de ce qu'elle ne relève pas l'existence de circonstances humanitaires exceptionnelles, qui comme il a été dit ci-dessus, ne ressort pas des pièces du dossier ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
10. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui précède que Mme A... n'établit pas que la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour qui lui a été opposée est illégale ; que, dès lors, elle n'est pas fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait illégale par voie de conséquence d'une telle illégalité ;
11. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) / 10° L 'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé (...) " ; qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'un traitement approprié aux pathologies de Mme A... ne soit pas disponible dans son pays d'origine, et qu'une circonstance humanitaire exceptionnelle aurait été de nature à faire obstacle à la prise à son encontre d'une décision portant obligation de quitter le territoire ; que, dès lors, le moyen tiré de la violation des dispositions précitées du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;
12. Considérant, enfin, que pour les mêmes motifs de fait que ceux indiqués précédemment, Mme A...n'est pas fondée à faire valoir que la décision l'obligeant à quitter le territoire français méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ou serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi de 1991 doivent également être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.
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N° 15VE02201