Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 24 août 2015, Mme C...épouseB..., représentée par Me Brocard, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;
3° d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 20 euros par jour de retard, et, à titre subsidiaire, de lui délivrer immédiatement une autorisation provisoire de travail et de procéder au réexamen de sa situation administrative sous les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4° de mettre à la charge de l'État le versement à son avocat d'une somme de 2 000 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du
10 juillet 1991, sous réserve, pour Me Brocard, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
Mme C...épouse B...soutient que :
- l'arrêté, qui ne précise pas les motifs pour lesquels le médecin de l'agence régionale de santé était revenu sur ses avis antérieurs, est insuffisamment motivé au regard des dispositions des articles 1er et 3 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;
- il résulte des termes mêmes de l'arrêté, qui se borne à tirer les conséquences de l'avis négatif du médecin de l'agence régionale de santé, que le préfet s'est estimé, à tort, en situation de compétence liée pour rejeter la demande de renouvellement du titre de séjour ;
- le préfet a entaché sa décision d'erreur d'appréciation dans l'application du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien, tant sur le caractère d'extrême gravité des conséquences d'une éventuelle cessation du suivi médical que sur la possibilité même de poursuivre en Algérie les soins nécessités par son état de santé ;
- le refus de renouvellement du titre de séjour est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'ensemble des conséquences qu'il emporte sur sa situation personnelle ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis médicaux rendus par les agences régionales de santé en application de l'article
R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé.
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique, le rapport de M. Bergeret.
1. Considérant que Mme C...épouseB..., ressortissante algérienne née le 28 décembre 1968, relève appel du jugement du 10 juillet 2014 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 4 février 2014 rejetant sa demande de renouvellement de son certificat de résidence et lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du
27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 7° au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays " ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui comporte des dispositions de procédure relatives à la délivrance de titres de séjour aux étrangers malades qui s'appliquent aux ressortissants algériens : " (...) le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général " ; qu'en vertu de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011, relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé, le médecin de l'agence régionale de santé chargé d'émettre un avis doit préciser : " - si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / - si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / - s'il existe dans le pays dont il est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale ; / - la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où un traitement approprié existe dans le pays d'origine, il peut, au vu des éléments du dossier du demandeur, indiquer si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers ce pays " ;
3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande au titre des stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin mentionné à l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire ; que lorsque le défaut de prise en charge médicale risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement envisager de refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine ; que si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment au coût du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;
4. Considérant que l'arrêté litigieux, en tant qu'il refuse le renouvellement du titre de séjour que Mme C...épouse B...détenait depuis l'année 2011 au titre de son état de santé, reprend les termes de l'avis émis le 20 août 2013 par le médecin de l'agence régionale de santé d'Ile-de-France selon lesquels, d'une part, l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, et d'autre part, celle-ci peut effectivement bénéficier de soins appropriés dans son pays d'origine ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier, et notamment des certificats médicaux produits par l'intéressée, que celle-ci est atteinte, en raison de sa contamination par le VHB, d'une cirrhose assortie de diverses et graves complications, qui nécessitent un traitement dont l'interruption serait susceptible de générer un risque vital, à court ou moyen terme, et qu'ainsi, l'arrêté contesté est à cet égard entaché d'une erreur d'appréciation ; que s'il n'est, par ailleurs, pas établi que l'intéressée ne pourrait pas avoir accès, dans son pays d'origine, aux soins qui lui sont impérativement nécessaires, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait nécessairement pris la même décision en ne se fondant que sur ce seul second motif ; qu'ainsi, l'arrêté est illégal en ce qu'il porte refus de séjour et, par voie de conséquence, en ce qu'il porte obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme C...épouse B...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
6. Considérant qu'eu égard au motif d'annulation retenu ci-dessus, il y a seulement lieu d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer la demande de Mme C...épouseB..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu d'assortir d'une astreinte cette mesure d'exécution de l'arrêt ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ; que l'article 37 de la loi susvisée du 10 juillet 1991 dispose : " Les auxiliaires de justice rémunérés selon un tarif peuvent renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat et poursuivre contre la partie condamnée aux dépens et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle le recouvrement des émoluments auxquels ils peuvent prétendre. / En toute matière, l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale peut demander au juge de condamner la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à lui payer une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. / Si le juge fait droit à sa demande, l'avocat dispose d'un délai de douze mois à compter du jour où la décision est passée en force de chose jugée pour recouvrer la somme qui lui a été allouée. S'il recouvre cette somme, il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat. S'il n'en recouvre qu'une partie, la fraction recouvrée vient en déduction de la part contributive de l'Etat " ;
8. Considérant que Mme C...épouse B...ayant obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Brocard, son avocate, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'État le versement à Me Brocard de la somme de 1 500 euros ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1404638 du 10 juillet 2014 du Tribunal administratif de Montreuil et l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 4 février 2014 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer la demande de
Mme C...épouse B...dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'État versera à Me Brocard, avocate de Mme C...épouseB..., une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Brocard renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
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N° 15VE02769