Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 10 août 2015, M.B..., représenté par Me Kanza, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;
3° d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation dans un délai de trois mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous la même astreinte ;
4° de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. B...soutient que :
- la décision de refus de séjour est insuffisamment motivée en fait au regard des exigences des articles 1er et 3 de la loi du 11 juillet 1979, en ce qu'elle ne mentionne aucune circonstance propre à la situation de l'intéressé ;
- elle aurait dû être précédée d'une saisine de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, ce qui aurait permis au préfet de recueillir les informations utiles à l'instruction de la demande ;
- elle méconnaît l'article 5 du préambule de la Constitution de 1946 car elle lui refuse un titre de séjour de salarié alors qu'en vertu de ce texte, il a le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle, notamment en ce qu'elle n'examine pas sa demande au regard du contrat de travail produit ;
- elle est entachée d'erreur de droit, en ce qu'elle rejette une demande d'admission exceptionnelle au séjour au regard d'un critère - l'insertion professionnelle insuffisamment ancienne - qui n'est pertinent que pour une demande fondée sur l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'erreur de droit, du fait que le préfet s'est cru en situation de compétence liée pour rejeter la demande et n'a pas examiné celle-ci au regard de la durée de séjour, des caractéristiques du métier en cause au regard de la situation de l'emploi, et qu'il a examiné la possibilité de délivrer un titre de séjour de salarié avant celle de délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ou d'erreur de fait dès lors qu'il justifie de motifs exceptionnels ou de circonstances humanitaires, eu égard notamment à une insertion professionnelle suffisamment ancienne en France ;
- elle méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, eu égard à sa durée de séjour en France depuis 2009, avec un enfant mineur, au fait qu'il n'a plus d'attaches familiales au Nigéria, et qu'il est intégré en France au vu notamment du contrat de travail qu'il a produit à l'appui de sa demande ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée des mêmes vices que la décision de refus de séjour et est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;
- la décision fixant le pays de renvoi est, de même, illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;
- elle est illégale du fait qu'il est exposé à des risques de traitements inhumains et dégradants en cas de retour forcé au Nigéria.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution du 27 octobre 1946 et son préambule ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique, le rapport de M. Bergeret.
1. Considérant que M.B..., ressortissant nigérian né le 12 décembre 1977, relève appel du jugement du 29 juin 2015 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet de la Seine-Saint-Denis du
25 mars 2015 refusant de lui délivrer un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de renvoi ;
S'agissant de la décision portant refus de titre de séjour :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1er de la loi du
11 juillet 1979 susvisée : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles qui les concernent (...) " ; qu'aux termes de l'article 3 de la même loi : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision " ;
3. Considérant que par son arrêté contesté, qui vise notamment les articles L. 313-10 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la
Seine-Saint-Denis a rejeté la demande de M. B... tendant au bénéfice de l'admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié, au motif qu'il ne justifiait pas d'une insertion professionnelle en France suffisamment ancienne au regard de la demande d'autorisation de travail qu'il avait présentée pour occuper un emploi " d'agent d'entretien ", qu'il n'alléguait pas de motifs exceptionnels ou humanitaires à l'appui de sa demande de régularisation, et que, entré en France le 13 mai 2009, célibataire et père d'un enfant en bas âge né le 25 mai 2014, il ne justifiait pas d'obstacles à poursuivre une vie familiale normale dans son pays d'origine où résident ses parents et ses deux frères et soeurs ; qu'il précise, enfin, que l'intéressé n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine ou tout autre pays où il serait effectivement admissible ; que, dans ces conditions, M. B...n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait insuffisamment motivé en fait sa décision ;
4. Considérant, en deuxième lieu, que contrairement à ce que soutient M.B..., le préfet de la Seine-Saint-Denis n'était pas tenu, à peine d'irrégularité de sa décision rejetant une demande d'admission exceptionnelle au séjour, de consulter préalablement la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi ;
5. Considérant, en troisième lieu, que le principe posé par les dispositions du cinquième alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, auquel se réfère la Constitution du 4 octobre 1958, aux termes desquelles : " Chacun a le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi. Nul ne peut être lésé, dans son travail ou son emploi, en raison de ses origines, de ses opinions ou de ses croyances " ne s'impose au pouvoir réglementaire, en l'absence de précision suffisante, que dans les conditions et les limites définies par les dispositions contenues dans les lois ou dans les conventions internationales incorporées au droit français ; que, par suite, M. B... ne saurait, en tout état de cause, pour critiquer la légalité de la décision attaquée, invoquer ce principe indépendamment desdites dispositions ;
6. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir (...) " ; qu'il appartient à l'autorité administrative saisie d'une demande fondée sur ces dispositions de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire " ; que, dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi ; qu'il appartient à l'autorité administrative dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont il ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour ;
7. Considérant, d'une part, qu'il ressort des termes mêmes de l'arrêté contesté que le préfet de la Seine-Saint-Denis, avant de rejeter la demande d'admission exceptionnelle au séjour au titre du travail présentée par M. B...sur le fondement des dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a procédé à un examen personnalisé de la situation personnelle de celui-ci, alors même que son arrêté ne reprend pas tous les éléments de fait caractérisant cette situation personnelle, tels que le " contrat de travail " qui aurait été produit à l'appui de la demande, et ne s'est aucunement cru en situation de compétence liée pour rejeter cette demande ; qu'en se référant au fait que l'intéressé ne justifiait pas d'une insertion professionnelle en France suffisamment ancienne, il n'a commis aucune erreur de droit dans l'instruction de la demande et n'a pas confondu les critères d'application des dispositions des articles L. 313-10 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'eu égard à la circonstance que M. B... avait saisi le préfet d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'un titre de séjour de salarié, la circonstance que l'arrêté examine d'abord ce terrain de la demande avant d'examiner l'éventualité d'une régularisation par la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ne saurait l'entacher d'illégalité ;
8. Considérant, d'autre part, qu'il ne résulte aucunement des pièces produites au dossier, pourtant nombreuses, que M. B...justifierait d'une quelconque expérience ou qualification professionnelle, ni pour le métier d'agent d'entretien qu'il déclare vouloir exercer, ni pour un autre emploi ; que le préfet a donc, à juste titre, relevé qu'il ne justifiait pas d'une insertion professionnelle en France suffisamment ancienne pour lui ouvrir droit à une régularisation au titre du travail ; que l'intéressé, par ailleurs, ne réside en France que depuis l'année 2009, est célibataire, ne présente pas d'éléments tendant à établir que l'enfant né le 25 mai 2014, dont il a déclaré la naissance le lendemain, résiderait à son domicile ou serait à sa charge, et ne conteste pas avoir conservé des attaches familiales dans son pays d'origine ; que, dans ces conditions, il n'est pas fondé à faire valoir que la décision rejetant sa demande d'admission exceptionnelle au séjour serait entachée d'une erreur de fait ou d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
9. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) " ;
10. Considérant que M.B..., qui ne réside en France que depuis l'année 2009, qui n'apporte pas d'éléments de nature à établir qu'il est intégré, notamment professionnellement, dans la société française, qui se déclare célibataire et ne justifie pas assurer la charge, ou contribuer à l'entretien et à l'éducation de l'enfant né le 25 mai 2014, et qui conserve des attaches familiales dans son pays d'origine, où vivent ses parents et ses deux frères et soeurs selon les termes non démentis de l'arrêté contesté, n'est pas fondé à soutenir qu'en rejetant sa demande d'admission exceptionnelle au séjour, le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par cette décision, et aurait, par suite, méconnu, en tout état de cause, le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou encore l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire :
11. Considérant, d'une part, qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'établit pas que la décision lui refusant un titre de séjour serait illégale ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français serait illégale par voie de conséquence ne peut qu'être écarté ;
12. Considérant, d'autre part, que si M. B...soutient que la décision portant obligation de quitter le territoire français " est entachée des mêmes vices " que la décision de refus de séjour, ces moyens, dans la mesure où ils peuvent être regardés comme suffisamment précisés pour mettre le juge à même d'y statuer utilement, doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus ;
S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :
13. Considérant, d'une part, qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'établit pas que la décision lui refusant un titre de séjour serait illégale ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi serait illégale par voie de conséquence ne peut qu'être écarté ;
14. Considérant, d'autre part, que si M. B...indique qu'il risque des traitements inhumains et dégradants en cas de retour dans son pays d'origine, le moyen qui peut être ainsi regardé comme présenté sur le fondement de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté en l'absence de toute précision sur la nature et la réalité des risques ainsi évoqués ;
15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort, que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles qu'il présente sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
''
''
''
''
N° 15VE02687 3