Par un jugement n° 1745724 du 5 avril 2018, le Tribunal administratif de Montreuil a, en premier lieu, " réintégré dans le résultat des exercices 2010, 2011 et 2012 " les sommes correspondant aux dotations aux amortissements d'immobilisation portant sur les logiciels documentaires, logiciels End Note14_licence utilisateurs, End Note14_licence réseaux et système gestion documentaire, en deuxième lieu, " réintégré dans le résultat de l'exercice 2011 " les sommes correspondant aux amortissements des équipements informatiques portant sur les commutateurs, les onduleurs et les imprimantes, en troisième lieu, réintégré dans le calcul du crédit impôt recherche des exercices 2010, 2011 et 2012 les sommes correspondant aux activités de recherche effectuées avec les sociétés Servier et Sanofi-Aventis, en quatrième lieu, mis la somme de 1 500 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, en cinquième lieu, rejeté le surplus des conclusions de la demande.
Procédure devant la Cour :
I°) Par une requête et trois mémoires, enregistrés les 3 juillet 2018, 8 mars, 11 avril et
9 mai 2019, sous le n° 18VE02261, le MINISTRE DE L'ACTION ET DES COMPTES PUBLICS demande à la Cour :
1° d'annuler les articles 1er à 4 de ce jugement ;
2° de rejeter les conclusions de la demande tendant à la décharge des impositions supplémentaires correspondant aux sommes visées aux articles 1er, 2 et 3 du jugement.
Il soutient que :
- il a un intérêt à solliciter l'annulation du jugement en cause dès lors que celui-ci le condamne au versement d'une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
- les premiers juges se sont mépris sur l'objet du litige porté devant eux et ont apprécié les faits de manière erronée et contradictoire, en prononçant la réintégration de sommes dans les résultats des exercices clos en 2010, 2011 et 2012 de la société alors que la vérification de comptabilité de la société n'a donné lieu à aucun rehaussement du montant de ses résultats imposables ;
- la société Genfit ne saurait, en tout état de cause, obtenir une décharge d'imposition supérieure à la somme totale de 1 473 851 euros en cause en première instance ;
- s'agissant des dotations aux amortissements relatives aux logiciels, ces outils ne permettant pas, en eux-mêmes, la réalisation de programmes de recherche, elles ne peuvent être prises en compte dans le montant des dépenses ouvrant droit au crédit d'impôt pour les dépenses de recherche, alors même qu'ils seraient utilisés exclusivement par des équipes de recherche, et, en outre, ils ne peuvent être regardés comme étant adaptés à un domaine spécifique de recherche dès lors qu'il n'est ni établi, ni même allégué, qu'ils seraient spécialement adaptés aux domaines de recherche de la société Genfit ;
- s'agissant des dotations aux amortissements relatives aux équipements informatiques, les commutateurs, switch et onduleurs ainsi que les imprimantes n'étant pas nécessaires au fonctionnement des matériels auxquels ils sont reliés, elles ne peuvent être prises en compte dans le montant des dépenses ouvrant droit au crédit d'impôt pour les dépenses de recherche ;
- s'agissant des sommes perçues au titre de prestations de recherche facturées aux sociétés Servier et Sanofi-Aventis, elles rémunèrent les travaux de recherche effectués par la société Genfit pour ces dernières, sont donc éligibles pour la détermination du montant de la base du propre crédit d'impôt recherche de celles-ci et ne peuvent, par suite, être intégrées dans la base de celui de la société Genfit, alors qu'au surplus il a été fait droit à la demande de l'intéressée d'intégrer dans cette base les dépenses externes correspondant à ces prestations et que ces dépenses externes devraient être exclues du calcul du crédit d'impôt dans le cas contraire.
..........................................................................................................
II°) Par deux lettres, enregistrées les 10 décembre 2018 et 4 février 2019, la société anonyme (SA) GENFIT demande à la Cour d'inviter le ministre de l'action et des comptes publics (DGFiP - Direction spécialisée de contrôle fiscal Nord) à exécuter le jugement du 5 avril 2018 du Tribunal administratif de Montreuil et à procéder au remboursement, dans les meilleurs délais, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés correspondant aux réintégrations, dans les bases de calcul du crédit d'impôt pour les dépenses de recherche des années 2010 à 2012, décidées par le tribunal.
Par une lettre, enregistrée le 18 décembre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics a informé la Cour que, les premiers juges n'ayant prononcé aucune décharge d'imposition mais seulement corrigé les bases de calcul des crédits d'impôt pour les dépenses de recherche de la société, aucun dégrèvement n'a été prononcé en exécution des articles 1er, 2 et 3 du jugement et, qu'en ce qui concerne l'article 4, il a été procédé aux diligences nécessaires en vue du paiement des frais irrépétibles.
Par une ordonnance du 4 février 2019, le Président de la Cour administrative d'appel de Versailles a décidé l'ouverture d'une procédure juridictionnelle en vue d'assurer l'exécution du jugement.
Par trois mémoires, enregistrés les 4 et 21 mars, et 9 avril 2019, sous le n° 19VE00407, la société GENFIT, représentée par Me Montredon, avocat, demande à la Cour de mettre en demeure le ministre de l'action et des comptes publics (DGFiP - Direction spécialisée de contrôle fiscal Nord) de procéder, à hauteur de 2 256 892 euros, au remboursement des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010, 2011 et 2012, correspondant aux sommes admises dans la base de calcul du crédit d'impôt pour les dépenses de recherche par le Tribunal administratif de Montreuil.
Elle soutient qu'en raison du mécanisme du crédit d'impôt pour les dépenses de recherche, les rappels de crédit mis à sa charge ont eu pour effet d'augmenter son imposition à hauteur de 2 256 892 euros et qu'en admettant que certains éléments ne pouvaient être exclus ou déduits pour les besoins du calcul du crédit d'impôt, le tribunal lui a donné droit à la décharge des impositions supplémentaires correspondantes mises à sa charge et à leur remboursement au titre de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales.
..........................................................................................................
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Deroc,
- les conclusions de Mme Méry, rapporteur public,
- et les observations de Me Suc, avocate de la société GENFIT.
Considérant ce qui suit :
1. La société GENFIT, qui exerce une activité de recherche pharmaceutique, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité visant l'ensemble de ses déclarations fiscales sur la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013, y compris la déclaration de crédit d'impôt pour dépenses de recherche de l'année 2010, déposée en 2011. Par deux propositions de rectification en date des 18 décembre 2014 et 2015, l'administration fiscale a remis en cause, pour partie, les montants de crédit d'impôt pour dépenses de recherche, déclarés et ayant fait l'objet de remboursements anticipés en 2011, 2012 et 2013, correspondant à la prise en compte, pour le calcul de ces crédits d'impôt, de dotations aux amortissements d'immobilisations et de sommes reçues au titre de prestations de recherche facturées aux sociétés Servier et
Sanofi-Aventis. Par jugement en date du 5 avril 2018, le Tribunal administratif de Montreuil a " réintégré, dans le résultat des exercices 2010, 2011 et 2012 ", les sommes correspondant à des dotations aux amortissements d'immobilisations portant sur deux logiciels et un système de gestion documentaire et, pour le seul exercice clos en 2011, celles correspondant à des amortissements d'équipements informatiques portant sur les commutateurs, les onduleurs et les imprimantes. Il a également réintégré dans le calcul du crédit d'impôt pour les dépenses de recherche des exercices 2010, 2011 et 2012 les sommes perçues par la société GENFIT à l'occasion d'activités de recherche effectuées avec les sociétés Servier et Sanofi-Aventis. D'une part, par une requête enregistrée sous le n° 18VE02261, le MINISTRE DE L'ACTION ET DES COMPTES PUBLICS fait appel de ce jugement. D'autre part, sous le n° 19VE00407, la société GENFIT demande à la Cour de faire exécuter le jugement du 5 avril 2018 en mettant en demeure le MINISTRE DE L'ACTION ET DES COMPTES PUBLICS de procéder, à hauteur de 2 256 892 euros, au remboursement des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010, 2011 et 2012.
2. Les requêtes susvisées, enregistrées sous les nos 18VE02261 et 19VE00407, concernent un même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur les conclusions enregistrées sous le n° 18VE02261 :
En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :
3. Le MINISTRE DE L'ACTION ET DES COMPTES PUBLICS soutient, en premier lieu, que les premiers juges se sont mépris sur la portée de la demande présentée devant eux. Toutefois, il résulte de l'instruction que ce moyen manque en fait dès lors que le point 1. du jugement mentionne à juste titre que le litige portait sur la remise en cause des montants de crédit d'impôt pour les dépenses de recherche de la société.
4. Le ministre soutient, en second lieu, que les premiers juges ont apprécié les faits de manière erronée et contradictoire, en prononçant la réintégration des sommes dans les résultats des exercices clos en 2010, 2011 et 2012 de la société, alors que la vérification de comptabilité n'avait donné lieu à aucun rehaussement du montant de ses résultats imposables. Cependant, de telles critiques qui ont trait au bien-fondé du jugement attaqué et notamment à l'existence d'une contradiction dans les motifs de ce jugement sont sans influence sur sa régularité.
En ce qui concerne les crédits d'impôt pour dépenses de recherche :
5. Aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts : " I. Les entreprises industrielles et commerciales (...) imposées d'après leur bénéfice réel (...) peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année. (...) / II. Les dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d'impôt sont : a) Les dotations aux amortissements des immobilisations, créées ou acquises à l'état neuf et affectées directement à la réalisation d'opérations de recherche scientifique et technique, y compris la réalisation de prototypes ou d'installations pilotes. / (...) / ; d bis) Les dépenses exposées pour la réalisation d'opérations de même nature confiées à des organismes de recherche privés agréés par le ministre chargé de la recherche, ou à des experts scientifiques ou techniques agréés dans les mêmes conditions (...) / d ter) Les dépenses mentionnées aux d et d bis entrent dans la base de calcul du crédit d'impôt recherche dans la limite globale de deux millions d'euros par an. Cette limite est portée à 10 millions d'euros pour les dépenses de recherche correspondant à des opérations confiées aux organismes mentionnés aux d et d bis, à la condition qu'il n'existe pas de lien de dépendance au sens des deuxième à quatrième alinéas du 12 de l'article 39 entre l'entreprise qui bénéficie du crédit d'impôt et ces organismes ; (...) / III. Les subventions publiques reçues par les entreprises à raison des opérations ouvrant droit au crédit d'impôt sont déduites des bases de calcul de ce crédit, qu'elles soient définitivement acquises par elles ou remboursables. Il en est de même des sommes reçues par les organismes ou experts désignés au d et au d bis du II, pour le calcul de leur propre crédit d'impôt ".
6. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si des dépenses sont éligibles au dispositif du crédit d'impôt prévu par les dispositions précitées du I de l'article 244 quater B du code général des impôts.
S'agissant des dotations aux amortissements d'immobilisations :
7. En premier lieu, il résulte de l'instruction que, d'une part, l'administration a notamment exclu des bases de calcul du crédit d'impôt pour les dépenses de recherche les dotations aux amortissements afférentes, en ce qui concerne le seul exercice clos en 2011, aux logiciels End Note14_licence utilisateurs et End Note14_licence réseaux et, en ce qui concerne les exercices clos en 2011 et 2012, au logiciel Système Gestion Documentaire, motif pris de ce que ces logiciels de gestion documentaire ne seraient pas exclusivement destinés et utilisés pour des opérations de recherche. Toutefois, il est constant que cette suite informatique End Note, y compris ses composantes réseaux et Système Gestion documentaire, est un outil informatique de gestion bibliographique permettant notamment de gérer et importer des références bibliographiques ainsi que des articles, d'insérer des citations, d'annoter des documents ou encore de travailler en collaboration. Il n'est pas contesté que cette suite informatique, qui était exclusivement utilisée par les équipes de recherche de la société GENFIT, avait pour objet de permettre l'exploration des différentes références bibliographiques collectées au niveau de la société, de permettre de formaliser l'achat de documentation en relation avec ces références et de faciliter la rédaction d'articles en organisant notamment les références selon les styles prédéfinis par les principales publications scientifiques. Dès lors, et alors même que cet outil bureautique ne permettait pas, en lui-même, l'exécution des opérations de recherche, ni n'aurait été adapté à cette fin, il était directement affecté à leur réalisation. Par suite, c'est à tort que le service a estimé que les dotations aux amortissements afférentes à ces immobilisations ne pouvaient être regardées comme des dépenses éligibles au crédit d'impôt en faveur de la recherche.
8. En second lieu, il résulte de l'instruction que, d'autre part, l'administration a exclu des bases de calcul du crédit d'impôt pour les dépenses de recherche des années 2011 et 2012 les dotations aux amortissements afférentes aux commutateurs, switchs, onduleurs et imprimantes, faute pour ceux-ci d'être spécifiquement destinés à la réalisation d'opérations de recherche. Les premiers juges ont admis de réintéger dans les bases du crédit d'impôt pour les dépenses de recherche de la société GENFIT les dépenses de cette nature pour la seule année 2011, ce que le ministre conteste. Toutefois, il résulte également de l'instruction que l'administration fiscale a retenu dans les bases de calcul dudit crédit de l'année 2011 les dotations aux amortissements afférentes aux ordinateurs et serveurs auxquels ces équipements informatiques sont directement liés, en les estimant rattachés aux opérations de recherche selon un prorata de 67,55 %. Il est, par ailleurs, constant que les commutateurs, switchs, onduleurs et imprimantes permettent d'assurer un meilleur fonctionnement des matériels auxquels ils sont reliés ou leur sont complémentaires. Par suite, et alors même que ces équipements ne sont pas strictement nécessaires aux ordinateurs et serveurs susmentionnés, c'est à tort que le service a estimé que les dotations aux amortissements correspondantes ne pouvaient être regardées comme des dépenses éligibles au crédit d'impôt pour les dépenses de recherche au titre de l'année 2011, seule année en litige devant le juge d'appel, au prorata d'utilisation afférent à la recherche interne de la société retenu à hauteur de 67,55 % pour 2011 par le service et non contesté par la requérante.
S'agissant des sommes reçues au titre des prestations de recherche qui lui ont été confiées :
9. Il résulte des dispositions énoncées ci-dessus de l'article 244 quater B du code général des impôts qu'ouvrent droit au crédit d'impôt recherche les dépenses de recherche qui sont confiées à des organismes de recherche privés agréés, mais que ces derniers doivent déduire de la base de calcul du crédit d'impôt recherche qu'ils sollicitent les sommes rémunérant les prestations qui leur sont ainsi confiées.
10. L'administration fiscale, pour remettre en cause le calcul du crédit d'impôt pour les dépenses de recherche dont disposait la société GENFIT au titre des exercices clos en 2010, 2011 et 2012, a estimé que cette dernière, qui est un organisme de recherche privé agréé au sens du d bis du II de l'article 244 quater B du code général des impôts, devait déduire de l'assiette de ce crédit d'impôt les sommes qu'elle avait perçues pour la réalisation, comme sous-traitant, de diverses prestations de recherche commandées par plusieurs organismes. Dans le dernier état de ses écritures, la société GENFIT conteste cette remise en cause s'agissant des sommes facturées en rémunération de travaux de recherche effectués dans le cadre de contrats conclus avec les sociétés Servier et Sanofi-Aventis, au motif que ces contrats révèleraient non pas une situation de sous-traitance mais caractériseraient un partenariat de co-recherche.
11. Il résulte, d'une part, des stipulations du contrat de recherche conclu entre la société GENFIT et la société Sanofi-Aventis le 26 décembre 2006 que " les sociétés Sanofi-Aventis et Genfit désignent Genfit pour exécuter et mettre en oeuvre le Programme de Recherche conformément aux modalités de la présente convention. Genfit accepte cette désignation et déclare que le Programme de Recherche sera mené par Genfit en conformité avec l'ensemble des lois et règlements applicables et en vigueur pendant la durée de la présente convention ". L'article 4.1 prévoit qu'" En contrepartie des travaux à effectuer par Genfit conformément à la présente convention, Sanofi-Aventis financera neuf (9) ETP de Genfit chaque année de la présente convention à un taux de 275 000 euros par ETP ; soit un total de 2 475 000 euros par an pour une période de 2 ans " et l'article 8 qu'" En plus de la contrepartie prévue à l'article 4.1 de la présente convention, Sanofi-Aventis versera à titre de rémunération additionnelle les montants prévus aux présents articles 8.1 et 8.2 ", lesquels consistent en des paiements d'étapes en cas de développement d'un produit ainsi qu'en des redevances correspondant à une fraction des ventes nettes de tout produit après la première vente commerciale. Il résulte également de ces stipulations que " Sanofi-Aventis est le propriétaire exclusif de toute propriété intellectuelle créée par la société GENFIT et/ou Sanofi-Aventis et ses sociétés affiliées dans le cadre et au cours du Programme de Recherche, à l'exception de celle relative à la Technologie Genfit ", c'est-à-dire à celle créée dans le cadre de ce même programme, qui comprend ou vise des méthodes ou des technologies. L'avenant signé le 5 mars 2009 ne modifie pas l'équilibre du contrat de recherche, ni les rôles respectifs des sociétés. Le contrat de recherche, conclu le
9 mars 2011 par les sociétés, s'il indique que " les Parties exécuteront et mettront en oeuvre le Programme de Recherche conformément aux dispositions du présent contrat ", repose également sur le même équilibre, la société Sanofi-Aventis finançant une partie des équivalents Temps Plein alloués par la société GENFIT, octroyant à celle-ci des paiements d'étape ainsi que des redevances annuelles proportionnelles à la vente de tout produit, bénéficiant, à l'expiration de la Période de Recherche, exclusivement des droits d'utilisation des résultats aux fins de développement, fabrication et commercialisation de produits, et devenant " propriétaire de tout résultat concernant le produit (...) ", alors que la société GENFIT est seule " propriétaire de tout résultat concernant toute découverte biologique, toutes nouvelles méthodes et technologies biologiques (...) ".
12. Il résulte, d'autre part, de l'instruction que le contrat-cadre du 1er mars 2004 conclu avec la société Servier repose sur la même économie en prévoyant, dans son préambule, que " GENFIT et Servier ont choisi de sélectionner des domaines de recherche pour lesquels GENFIT dispose des compétences scientifiques et techniques nécessaires et dont les résultats seraient susceptibles d'intéresser Servier, dans la perspective de soutenir et de développer de nouveaux produits ". L'article 2.2 stipule que " GENFIT et Servier souhaitent voir établir les principes de collaboration de recherche suivants : / A. Les Programmes de recherche confiés par Servier à GENFIT sont mis en oeuvre sur la base de la mise à disposition par GENFIT de ses meilleures ressources intellectuelles et matérielles, et sont menés en interaction étroite avec les équipes scientifiques et les Directions générale et scientifique de Servier : / (...) / D. Servier s'engage au financement en " research fee " minimum de 4 " Equivalents Temps Plein ", correspondant en 2004 à la somme minimale de 1 million quarante mille euros ; / (...) ". L'article 4.3 prévoit un financement par la société Servier en " research fees " et l'article 8 le versement d'" upfront payments " ainsi que de " milestones payments " en cas de succès dans la conduite du Programme de recherche. Il résulte également des stipulations de l'article 7 que " Servier est propriétaire des résultats issus du Programme, brevetables ou non brevetables, en particulier les cibles biologiques et les molécules (...), à l'exception de ceux concernant exclusivement de nouvelles méthodes et/ou de nouvelles technologies qui appartiennent à GENFIT. (...) ". Les avenants, conclus les 5 janvier et 28 octobre 2009 et 30 décembre 2010, ne modifient pas l'équilibre du contrat-cadre, ni les rôles respectifs des sociétés. Le contrat de recherche conclu le 5 janvier 2009 en application du contrat-cadre, qui a pour objet de " définir les modalités spécifiques du Programme de Recherche à mener par GENFIT à la demande de Servier ", prévoit également un financement en " research fee " ainsi que l'application des articles 7 et 8 du contrat-cadre.
13. Il résulte ainsi de ces stipulations que, par les conventions susvisées, les sociétés Sanofi-Aventis et Servier ont externalisé la réalisation d'opérations de recherche précisément définies, dont elles entendaient bénéficier des résultats et en ont confié l'exécution à la société GENFIT, en contrepartie du versement de sommes contractuellement déterminées. Dès lors, ces sociétés doivent être regardées comme ayant " confié " à la société GENFIT la réalisation d'opérations de recherche au sens et pour l'application de l'article 244 quater B susmentionné et ceci, alors même que les conventions auraient prévu une collaboration relativement poussée avec le prestataire, ce dernier prenant notamment à sa charge une part des efforts et des risques et pouvant bénéficier d'une fraction des résultats et des droits nés de ces opérations, et alors même que cette collaboration ne pourrait être qualifiée de relation de sous-traitance. Par suite, c'est à bon droit que l'administration fiscale a porté en déduction de la base du crédit d'impôt pour les dépenses de recherche les sommes correspondant aux sommes facturées aux sociétés
Sanofi-Aventis et Servier en application des contrats susmentionnés au titre des exercices clos en 2010, 2011 et 2012 et dont elle n'a ainsi pas personnellement supporté le coût final.
14. Il résulte de tout ce qui précède que, contrairement à ce que soutient le MINISTRE DE L'ACTION ET DES COMPTE PUBLICS, il y a lieu, d'inclure les sommes correspondant aux dotations aux amortissements afférentes aux logiciels End Note14_licence utilisateurs, End Note14_licence réseaux, d'une part, et Système Gestion Documentaire, d'autre part, dans les bases de calcul du crédit d'impôt pour les dépenses de recherche prévu à l'article 244 quater B du code général des impôts, au titre des exercices clos respectivement en 2011, et en 2011 et 2012 et d'inclure également les sommes correspondant aux dotations aux amortissements afférentes aux commutateurs, switchs, onduleurs et imprimantes, liés aux ordinateurs et équipements informatiques que le service a estimés rattachés aux opérations de recherche, à hauteur de 67,55 %, dans les bases de calcul de ce même crédit au titre de l'exercice clos en 2011 et donc de rejeter l'appel du ministre sur ces deux points. En revanche, ainsi que le soutient le ministre, il y a lieu d'exclure des bases de calcul de ce même crédit pour les années 2010, 2011 et 2012, les sommes reçues des sociétés Servier et Sanofi-Aventis au titre des activités de recherche confiées, dont le tribunal administratif avait prononcé la réintégration dans les bases de calcul du crédit et de faire droit à l'appel du ministre sur ces deux points. Il y a lieu, par voie de conséquence de prononcer la restitution au profit de la société GENFIT des sommes correspondant au crédit d'impôt sur les dépenses de recherche qu'elle a précédemment remboursées à la suite de l'avis de mise en recouvrement du 16 janvier 2017 dans la limite de ce qui précède et des sommes portées sur cet avis de mise en recouvrement et de réformer le jugement attaqué en ce qu'il a de contraire. Par voie de conséquence, il y a lieu, de rejeter le surplus des conclusions de la société GENFIT aux fins de remboursement de ses crédits d'impôts pour les dépenses de recherche. Enfin, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme dont la société GENFIT sollicite le versement au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur la demande d'exécution enregistrée sous le n° 19VE00407 :
15. Aux termes de l'article L. 911-4 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander au tribunal administratif ou à la cour administrative d'appel qui a rendu la décision d'en assurer l'exécution. Toutefois, en cas d'inexécution d'un jugement frappé d'appel, la demande d'exécution est adressée à la juridiction d'appel. Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte ".
16. La société GENFIT est en droit de prétendre à l'exécution du jugement du Tribunal administratif de Montreuil du 5 avril 2018 tel que corrigé par le présent arrêt. Il y a lieu, par voie de conséquence, d'enjoindre au MINISTRE DE L'ACTION ET DES COMPTES PUBLICS de restituer à la société GENFIT, dans un délai de trois mois, les impositions qu'elles a reversées à la suite de l'émission de l'avis de mise en recouvrement du 16 janvier 2017 et dans les limites fixées au point 14. ci-dessus.
DÉCIDE :
Article 1er : Les sommes correspondant aux dotations aux amortissements afférentes aux logiciels End Note14_licence utilisateurs, End Note14_licence réseaux, d'une part, et Système Gestion Documentaire, d'autre part, sont réintégrées dans les bases de calcul du crédit d'impôt recherche prévu à l'article 244 quater B du code général des impôts, au titre des exercices clos respectivement en 2011, et en 2011 et 2012.
Article 2 : Les sommes correspondant aux dotations aux amortissements afférentes aux commutateurs, switchs, onduleurs et imprimantes, liés aux ordinateurs et équipements informatiques que le service a estimés rattachés aux opérations de recherche, sont réintégrées, à hauteur de 67,55 %, dans les bases de calcul du crédit d'impôt pour dépenses de recherche prévu à l'article 244 quater B du code général des impôts, au titre de l'exercice clos en 2011.
Article 3 : Les sommes reçues des sociétés Servier et Sanofi-Aventis au titre des activités de recherche confiées, dont le tribunal administratif avait prononcé la réintégration dans les bases de calcul du crédit d'impôt recherche prévu à l'article 244 quater B du code général des impôts, au titre des exercices clos en 2010, 2011 et 2012, sont exclues de ces bases.
Article 4 : Il est accordé à la société GENFIT la restitution des montants de crédit d'impôt recherche en tenant compte des modifications à la hausse et à la baisse des bases du calcul du crédit d'impôt recherche des exercices clos en 2011 et 2012 mentionnées aux articles 1er, 2 et 3 ci-dessus, et dont le remboursement avait été remis en cause par le service et ayant donné lieu à un avis de mise en recouvrement du 16 janvier 2017, ceci dans les limites des sommes portées sur cet avis de mise en recouvrement.
Article 5 : Le jugement n° 1745724 du Tribunal administratif de Montreuil en date du 5 avril 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 6 : Il est enjoint au MINISTRE DE L'ACTION ET DES COMPTES PUBLICS de procéder à la restitution des impositions mentionnées à l'article 4 ci-dessus dans un délai de trois mois.
Article 7 : Le surplus des conclusions de la requête du MINISTRE DE L'ACTION ET DES COMPTES PUBLICS et de celles de la société GENFIT, enregistrées sous le n° 18VE02261, ainsi que le surplus des conclusions présentées par la société GENFIT et enregistrées sous le n° 19VE00407, sont rejetés.
2
Nos 18VE02261...