Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 5 février 2018, la SARL AUTO ECOLE DE LA MAIRIE, représentée par Me B..., avocate, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de prononcer la décharge, en droits et pénalités, sollicitée ;
3° de mettre à la charge de l'État la somme de 2 040 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les irrégularités figurant sur la base de données issue de son logiciel de gestion ne traduisent pas de " graves irrégularités " dans sa comptabilité au sens de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales et que, par suite, la charge de la preuve de l'exagération des bases d'imposition ne reposant pas sur elle, les premiers juges ont commis une erreur de droit ;
- s'agissant de la méthode de rattachement des produits, le service a méconnu le 2 bis de l'article 38 du code général des impôts dans la mesure où les produits perçus en contrepartie des prestations d'auto-école doivent être rattachés à l'exercice au cours duquel intervient leur achèvement et non en fonction des encaissements, et les premiers juges ont commis plusieurs erreurs de droit et entaché leur jugement de contradiction ;
- s'agissant de la méthode de reconstitution des recettes à l'achèvement qu'elle propose, les premiers juges ont commis une erreur manifeste d'appréciation en l'estimant entachée d'incohérences, aléatoire et donc non probante ;
- le chiffre d'affaires, tel que reconstitué par le service, est exagéré au regard de ses conditions d'exploitation ;
- s'agissant des majorations mises à sa charge, elles ne sont pas justifiées, dès lors qu'en début d'activité, elle a pu légitimement commettre des erreurs dans l'utilisation de son logiciel de gestion, en l'absence d'accompagnement de son expert-comptable pour une tenue de sa comptabilité en liaison avec son logiciel de gestion et les premiers juges ont commis une erreur manifeste d'appréciation.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- et les conclusions de M. Huon, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL AUTO ECOLE DE LA MAIRIE a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er avril 2009 au 31 décembre 2011, à l'issue de laquelle des compléments d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée lui ont été assignés. Le service ayant rejeté la comptabilité de l'entreprise, a reconstitué son chiffre d'affaires. Par un jugement du 5 décembre 2017 dont elle fait appel, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande en décharge des compléments d'impôt sur les sociétés qui lui ont été assignés au titre des années 2010 à 2012, ainsi que des pénalités appliquées à ces compléments ainsi qu'aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Si la SARL AUTO ECOLE DE LA MAIRIE soutient que les premiers juges ont inversé la charge de la preuve et que le jugement attaqué est entaché d'erreurs de droit, de contradictions ainsi que d'erreurs manifestes d'appréciation, ces moyens, qui se rattachent tous au bien-fondé du raisonnement suivi par les premiers juges, sont sans incidence sur la régularité du jugement attaqué.
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne le rejet de la comptabilité et la charge de la preuve :
3. L'article L. 192 du livre des procédures fiscales dispose que : " Lorsque l'une des commissions ou le comité mentionnés à l'article L. 59 ou le comité prévu à l'article L. 64 est saisi d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission ou le comité. /Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission ou du comité. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge. (...) ".
4. Il résulte de l'instruction qu'à l'occasion des opérations de contrôle, le service a relevé des irrégularités dans la tenue de la comptabilité, la SARL AUTO ECOLE DE LA MAIRIE globalisant mensuellement sous forme de tableau ses recettes en distinguant selon les modalités de paiement et ces tableaux servant à l'inscription en comptabilité des recettes alors que son livre-journal doit comprendre tous les mouvements, enregistrés de manière chronologique, au jour le jour et opération par opération. Il a également estimé que l'ensemble de la comptabilité présentée était non sincère et non probante en retenant l'absence de pièces justificatives des recettes journalières imposables autres qu'un logiciel de gestion faisant apparaître journellement les encaissements réalisés en espèces ou en chèques et dont le traitement informatique a révélé une importante discordance entre les recettes inscrites en comptabilité à partir des feuilles de recettes et celles figurant sur ce logiciel due essentiellement à une minoration des recettes encaissées en espèces. Il a également constaté, à cet égard, une absence de suivi des paiements, notamment de doubles des factures de nature à attester de la réalité des paiements dans les dossiers " papier " des candidats, ainsi qu'une confirmation, par le logiciel de gestion, de la minoration de recettes constatée, celui-ci retraçant l'intégralité des candidats inscrits à l'auto-école, le forfait souscrit, les acomptes versés, les prestations afférentes ainsi que les modalités de paiement. Dans ces conditions, eu égard à l'ensemble de ces éléments constatés sur la période contrôlée, de nature à priver de son caractère sincère et probant l'ensemble de la comptabilité présentée, l'administration fiscale doit être regardée comme rapportant la preuve, qui lui incombe, de l'existence de graves irrégularités entachant la comptabilité de la SARL AUTO ECOLE DE LA MAIRIE justifiant qu'il soit procédé à la reconstitution de son chiffre d'affaires au cours de la période vérifiée. La SOCIETE AUTO ECOLE DE LA MAIRIE ne saurait remettre en cause l'administration de cette preuve et le rejet de sa comptabilité en se bornant à faire valoir qu'elle n'a pas correctement utilisé son logiciel de gestion en créditant des comptes d'élèves en l'absence pourtant de règlement, que la comptabilisation des heures de conduite est erronée et qu'il s'agit d'un simple outil pédagogique et de gestion de planning, alors qu'ainsi qu'il vient d'être rappelé le service a justement relevé l'absence de pièces justificatives des recettes journalières imposables autres que ce logiciel et qu'au surplus, la société ne justifie pas, par les seules pièces qu'elle produit, de la réalité de ses allégations.
5. En outre, il résulte de l'instruction que les rectifications contestées, qui ont été notifiées dans le cadre de la procédure contradictoire de l'article L. 55 du livre des procédures fiscales, ont été établies sur des bases conformes à l'avis émis par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires dans sa séance du 25 juin 2013.
6. Il suit de là que la charge de la preuve de l'exagération des bases d'imposition incombe à la SARL AUTO ECOLE DE LA MAIRIE en application des dispositions précitées de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales. A cette fin, elle peut, soit critiquer la méthode de reconstitution des recettes à laquelle le service a recouru, en vue de démonter en quoi elle aboutit à des résultats exagérés, soit soumettre à l'appréciation du juge de l'impôt une nouvelle méthode de reconstitution aboutissant à des résultats plus satisfaisants.
En ce qui concerne la méthode de reconstitution de la comptabilité :
7. Il résulte de l'instruction que le service a procédé à la reconstitution du chiffre d'affaires de la SARL AUTO ECOLE DE LA MAIRIE à partir des sommes enregistrées au crédit de la table " comptes " du fichier de base de données de son logiciel de gestion, ces sommes correspondant aux paiements enregistrés des prestations facturées aux candidats.
8. Pour critiquer la méthode de reconstitution employée, la SARL AUTO ECOLE DE LA MAIRIE fait valoir que les recettes encaissées auraient dû être rattachées non pas à l'exercice au cours desquels les acomptes ont été perçus mais à l'exercice au cours duquel la formation pour l'obtention du permis de conduire a été achevée, conformément au 2 bis de l'article 38 du code général des impôts selon lequel " (...) les produits correspondant à des créances sur la clientèle ou à des versements reçus à l'avance en paiement du prix sont rattachés à l'exercice au cours duquel intervient la livraison des biens pour les ventes ou opérations assimilées et l'achèvement des prestations pour les fournitures de services. / (...) ".
9. Toutefois, il résulte de l'instruction qu'alors même qu'une formation pour l'obtention du permis de conduire pouvait donner lieu à une tarification au " forfait ", le service a constaté, au cours des opérations de contrôle, que les paiements des élèves se faisaient au fur et à mesure de la réalisation des prestations et que seules les prestations effectivement consommées ont été retenues. Il résulte notamment de la réponse aux observations du contribuable que le fichier " comptes " susmentionné comprend le détail de toutes les prestations facturées dans la colonne débit, que ces prestations sont cohérentes avec le parcours des candidats et qu'en contrepartie, la société a enregistré les paiements, identifiés par n° d'acompte et de solde, au fur et à mesure de la consommation des prestations facturées. Il résulte également de l'annexe n° 4 à cette réponse qu'une stricte concordance entre les montants facturés et ceux encaissés résulte des données issues des fichiers de gestion. Si la SARL AUTO ECOLE DE LA MAIRIE indique, à titre d'exemple, qu'un forfait de conduite peut être encaissé avant l'exécution des heures de conduite, elle n'apporte aucun élément probant permettant de remettre en cause les constatations opérées par le vérificateur et d'établir que des sommes retenues par ce dernier ne correspondraient à des prestations exécutées. Elle ne justifie pas davantage de l'" erreur de paramétrage " du logiciel dont elle fait état. Ainsi, dès lors que les conditions d'exploitation de l'entreprise permettaient d'identifier des phases et donc des échéances successives correspondant à des prestations individualisables et effectivement exécutées, le service n'a pas méconnu les règles de rattachement des produits aux exercices, telles qu'elles résultent des dispositions précitées, les produits étant comptabilisés au fur et à mesure de leur exécution et donc de leur achèvement au sens des dispositions précitées du 2 bis de l'article 38 du code général des impôts.
10. Pour critiquer la méthode de reconstitution employée, la SARL AUTO ECOLE DE LA MAIRIE fait également valoir que, compte tenu de ses conditions d'exploitation, la méthode employée par le service aboutit à un chiffre d'affaires moyen par salarié deux à trois fois supérieur à celui de ses concurrents alors qu'elle avait seulement trois ans d'existence. Toutefois, la faiblesse de l'effectif salarié officiellement déclaré n'est pas de nature à remettre en cause les constatations opérées par le service à partir des propres données de l'entreprise issues de son logiciel de gestion, alors qu'au surplus, il n'est pas contesté que la société disposait depuis le 1er décembre 2010 de trois véhicules affectés à la conduite, qu'elle a employé officiellement trois moniteurs à temps plein en 2011, que ces éléments sont cohérents avec le nombre d'heures de conduites retenu par le service et que les données de comparaison avancées par l'appelante ont été sélectionnées par cette dernière et s'avèrent excessivement générales.
11. Il résulte de ce qui précède que la SARL AUTO ECOLE DE LA MAIRIE ne démontre ni en quoi la méthode de reconstitution des recettes à laquelle le service a recouru devrait être regardée comme radicalement viciée dans son principe, ni en quoi elle aurait été excessivement sommaire.
En ce qui concerne la méthode alternative de reconstitution proposée :
12. La SARL AUTO ECOLE DE LA MAIRIE propose, devant le juge d'appel, une méthode alternative, différente de celle proposée devant les premiers juges, consistant, à partir des mêmes données issues de son logiciel de gestion, à rattacher les paiements des élèves réalisés au cours des exercices clos en 2010 et 2011 à ceux au cours desquels leur formation en vue d'obtenir le permis de conduire s'est achevée. Toutefois, ainsi qu'il a été rappelé au point 9., dès lors que ne sont pas en cause des prestations indissociables s'analysant comme une prestation unique, mais plusieurs prestations distinctes donnant lieu à facturations distinctes, une telle méthode est contraire aux règles de rattachement des produits aux exercices, telles qu'elles résultent des dispositions précitées du 2 bis de l'article 38 du code général des impôts.
13. Il suit de là que la SARL AUTO ECOLE DE LA MAIRIE, à laquelle la charge de la preuve incombe, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, n'est pas fondée à soutenir que les rectifications proposées par l'administration fiscale, en conséquence de la reconstitution de son chiffre d'affaires, seraient exagérées.
Sur les majorations :
14. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".
15. En l'espèce, pour assortir les redressements à l'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée de pénalités sur le fondement du a) de l'article 1729 du code général des impôts, le service a relevé l'importance et la répétition des omissions de déclaration de la SARL AUTO ECOLE DE LA MAIRIE, lesquelles trouvent, pour l'essentiel, leur origine dans des pratiques comptables irrégulières graves et répétées. Il a également relevé le fait que son gérant ne pouvait ignorer ces minorations de recettes dès lors que les paiements réels effectués par les candidats figuraient dans son fichier de gestion et qu'il a volontairement minoré les encaissements en espèces portés sur les feuilles de caisse remises à son comptable. Dès lors, l'administration établit, comme il lui incombe, le manquement délibéré au sens et pour l'application des dispositions du a. de l'article 1729 du code général des impôts précitées et ce, alors même que la SARL AUTO ECOLE DE LA MAIRIE venait, en 2010 et 2011, de débuter son activité. Celle-ci ne saurait d'ailleurs se prévaloir d'erreurs dans l'utilisation de son logiciel de gestion et d'erreurs dans la comptabilisation de ses produits selon la " méthode de l'achèvement " dès lors que, comme cela a été rappelé aux points 4, 9 et 12, elle ne justifie pas d'erreurs d'utilisation et que la méthode de comptabilisation par l'achèvement des prestations évoquée est, en tout état de cause, contraire au 2 bis de l'article 38 du code général des impôts.
16. Il résulte de ce qui précède que la SARL AUTO ECOLE DE LA MAIRIE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Ses conclusions présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent dès lors qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SARL AUTO ECOLE DE LA MAIRIE est rejetée.
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N° 18VE00412