Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 23 octobre 2019, M. A..., représenté par Me C..., avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° d'annuler l'arrêté du préfet de l'Essonne du 8 novembre 2018 ;
3° d'enjoindre au préfet, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois sous astreinte de 150 euros par jour de retard et de le mettre en possession dans l'attente d'un récépissé de sa demande ;
4° de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- s'agissant du refus d'admission au séjour :
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, le préfet, en n'examinant pas sa qualification, son expérience et ses diplômes ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, a entaché le refus d'admission au séjour d'insuffisance de motivation et de défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- le préfet a entaché sa décision d'erreur de fait quant à l'activité professionnelle et quant à l'absence de documents pour corroborer les bulletins de paie produits ; le tribunal aurait dû apprécier l'incidence des erreurs de fait commises par le préfet sur le sens de sa décision, qui en l'espèce est réelle ;
- dès lors que depuis son entrée en France, il y est demeuré et a toujours travaillé dans le même secteur d'activité, la décision méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- dès lors qu'il justifie d'un séjour habituel en France depuis 2011, y avoir toujours travaillé comme boulanger, secteur connaissant des difficultés de recrutement dans le Val-de-Marne, et le faire depuis trois ans pour la même entreprise à la date de la décision attaquée, cette dernière est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- s'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- compte tenu notamment de la durée de sa présence en France et de son activité professionnelle, cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- s'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- elle est illégale compte tenu de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français sur laquelle elle se fonde.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant tunisien né le 1er février 1980 à Mareth (Tunisie), a demandé au tribunal administratif de Versailles l'annulation des décisions du 8 novembre 2018 par lesquelles le préfet de l'Essonne a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement du 7 février 2019 dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'annulation de l'arrêté du préfet de l'Essonne :
2. Pour rejeter la demande d'admission au séjour de M. A..., le préfet de l'Essonne s'est notamment fondé sur la double circonstance que l'intéressé ne fournissait pas de documents permettant de corroborer ses bulletins de salaires pour les années 2015 à 2018 et se bornait à produire une promesse d'embauche. Il ressort des pièces du dossier que le requérant dispose de nombreuses pièces qui sont de nature à corroborer ses bulletins de paie, tels que le contrat travail qu'il a conclu le 1er décembre 2012 avec la société Boulangerie du Port située à Choisy-le-Roi, le récépissé en date du 31 octobre 2012 de la déclaration unique d'embauche effectuée par celle-ci auprès de l'Union de recouvrement pour la sécurité sociale et les allocations familiales (URSSAF), une attestation d'emploi destinée à Pôle emploi et un certificat de travail établis le 19 décembre 2013 par la même entreprise, un récépissé en date du 16 juin 2015 de la déclaration unique d'embauche effectuée par la société " La valse des pains " située à Villeneuve-le- Roi auprès de l'URSSAF, un avenant au contrat de travail qu'il a conclu avec cette dernière le 28 avril 2016, une demande d'autorisation de travail pour embaucher un salarié étranger présentée par cette même société en date du 15 octobre 2018, un extrait " Kbis " de cette dernière, à jour au 14 octobre 2018 et une attestation de versement de salaires du 12 octobre 2018 établie par sa gérante. Si la décision du préfet indique que M. A... aurait déclaré au guichet de la préfecture ne pas pouvoir corroborer ses bulletins de salaires par d'autres pièces, le requérant, qui était accompagné de son conseil lors de son rendez-vous en préfecture, conteste la teneur de ses propos. M. A... est par suite fondé à soutenir que le préfet de l'Essonne a entaché son arrêté d'une erreur de fait. Contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, il ne résulte pas de l'instruction que le préfet de l'Essonne aurait porté la même appréciation sur la situation de l'intéressé et pris la même décision s'il n'avait pas commis cette erreur de fait. Par conséquent, la décision refusant l'admission au séjour de M. A... est entachée d'illégalité et doit être annulée.
3. Les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination prises à l'encontre de M. A... doivent nécessairement être également annulées, par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour.
4. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Essonne en date du 8 novembre 2018.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
5. Compte tenu du motif de l'annulation de l'arrêté attaqué, il n'en résulte pas l'obligation, pour le préfet de l'Essonne, de délivrer à M. A... un titre de séjour. Les conclusions présentées à titre principal tendant à ce qu'il soit enjoint à l'autorité administrative de procéder à cette délivrance doivent par conséquent être rejetées. Il y a lieu, en revanche, conformément à l'article L. 911-2 du code de justice administrative, de faire droit aux conclusions présentées à titre subsidiaire et d'enjoindre au préfet de l'Essonne de réexaminer la demande d'admission au séjour présentée par M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, pendant la durée de ce réexamen, un récépissé de demande de titre de séjour. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
6. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me C..., avocat de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me C... de la somme de 1 000 euros.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1808686 du 7 février 2019 du tribunal administratif de Versailles et l'arrêté du préfet de l'Essonne du 8 novembre 2018 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Essonne de réexaminer la demande d'admission au séjour présentée par M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, pendant la durée de ce réexamen, un récépissé de demande de titre de séjour.
Article 3 : L'Etat versera à Me C... une somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me C... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
N° 19VE03498 2