Par un jugement n° 1209173 du 12 novembre 2014, le Tribunal administratif de Montreuil a partiellement fait droit aux demandes des consorts I...et de la Caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 7 janvier 2015 et le 4 mai 2015, les consorts I..., représentés par Me Jolibois, avocat, demandent à la Cour :
1° de réformer ce jugement et de porter les sommes dues, à titre provisionnel, par le Centre hospitalier intercommunal Robert Ballanger et la société Axa France Iard solidairement aux sommes suivantes, augmentées des intérêts au taux légal et de la capitalisation de ces intérêts :
- 13 834 337 euros à verser à M. E...et Mme F...I..., agissant en qualité de représentants légaux de leur fille AmelI... ;
- 265 401 euros à verser à M. E...I...pour son compte propre ;
- 100 000 euros à verser à Mme F...I...pour son compte propre ;
- 80 000 euros à verser à M. E...et Mme F...I..., agissant en qualité de représentants légaux de leur fils AnisI... ;
- 80 000 euros à verser respectivement à M. B...I..., Mme D...I...et M. C... I.leur charge compte tenu du taux de perte de chance retenu
2° de réserver, dans l'attente de la consolidation de l'état de Mlle A...I..., l'indemnisation des frais futurs d'aménagement du logement et du véhicule, de son préjudice professionnel, de son déficit fonctionnel permanent ainsi que le remboursement des honoraires de leurs médecins-conseil ;
3° de mettre à la charge du Centre hospitalier intercommunal Robert Ballanger et de la société Axa France Iard solidairement le versement de la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
Sur la responsabilité :
- plusieurs manquements ont été commis par le Centre hospitalier intercommunal Robert Ballanger lors de l'accouchement, à savoir, l'injection d'ocytocique malgré l'absence d'indication, l'absence d'enregistrement des contractions utérines à partir de 13h10 jusqu'à l'extraction de l'enfant, le défaut de surveillance humaine de l'accouchement, l'absence d'analyse et de réaction appropriées aux symptômes compatibles avec une rupture utérine observés à 15h20, la violation des préconisations de la maternité de pratiquer une césarienne en cas de travail d'une durée supérieure à 5 heures ;
- la souffrance foetale dont a souffert Mlle A...I..., à l'origine de ses séquelles, aurait pu être évitée si les manquements n'avaient pas été commis ; ceux-ci engagent donc l'entière responsabilité de l'hôpital, la perte de chance ne pouvant être retenue ;
- si la Cour devait retenir une perte de chance, le taux devrait être fixé à 99,99 % en se fondant sur le risque de rupture utérine chez une femme multipare de 40 ans sans utérus cicatriciel ;
Sur l'évaluation des préjudices :
S'agissant des préjudices de Mlle A...I... :
- les dépenses de santé future comprennent l'achat de fauteuils roulants, de corsets-coques, d'un lit médicalisé, matelas, sur-matelas et d'un soulève-malade électrique d'un montant total de 21 000 euros ;
- l'assistance d'une tierce personne est nécessaire 24 heures par jour ; le coût horaire doit être fixé à 20 euros sur une durée de 412 jours par an ; l'indemnisation est justifiée à compter de la naissance compte tenu du lourd handicap de l'enfant ; la prestation de compensation du handicap et l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé, qui n'ont pas un caractère indemnitaire et ne peuvent donner lieu à recours subrogatoire, ne peuvent être déduites des frais d'assistance par tierce personne ; ce poste de préjudice doit être indemnisé à hauteur de 2 175 3602 euros jusqu'au 11 septembre 2014 et 10 228 542 euros en capital ou 49 435 euros de rente trimestrielle pour le futur ;
- le préjudice scolaire, correspondant à l'impossibilité de suivre une scolarité classique, doit être évalué à 450 000 euros ;
- le déficit fonctionnel temporaire doit être évalué à 95% et doit être indemnisé à hauteur de 165 000 euros du 11 septembre 2003 au 11 septembre 2014 et à 105 000 euros jusqu'au 29 août 2021 ;
- une provision de 60 000 euros doit être versée à valoir sur l'indemnisation définitive des souffrances endurées ;
- le préjudice d'agrément doit être évalué à hauteur de 100 000 euros ;
- le préjudice esthétique doit être évalué à hauteur de 30 000 euros ;
- le préjudice sexuel et d'établissement doit être évalué à hauteur de 450 000 euros ;
S'agissant des préjudices des proches de Mlle A...I... :
- M. E...I...a été contraint de démissionner pour s'occuper de la victime et a subi un préjudice financier de 75 956 euros du 1er août 2008 au 31 août 2014 ; le préjudice professionnel futur s'élève à 89 445 euros ;
- une indemnité de 100 000 euros doit être versée, à titre provisionnel, à chacun des parents de la victime en réparation de leur préjudice moral ;
- une indemnité de 80 000 euros doit être versée, à titre provisionnel à chacun des frères et soeurs de la victime en réparation de leur préjudice moral.
................................................................................................................leur charge compte tenu du taux de perte de chance retenuleur charge compte tenu du taux de perte de chance retenu
Vu :
- les rapports d'expertise déposés au Tribunal administratif de Montreuil les 12 octobre 2010 et le 31 mars 2014 ;
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code des assurances ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Guibé,
- les conclusions de Mme Orio, rapporteur public,
- et les observations de Me Jolibois, pour M. I... et autres et de Me H...pour le Centre hospitalier intercommunal Robert Ballanger .
1. Considérant que Mme F...I...a donné naissance à son cinquième enfant, prénommée Amel, le 29 août 2003 à la maternité du Centre hospitalier intercommunal Robert Ballanger ; qu'une rupture utérine étant intervenue pendant le travail, l'enfant, extraite par une césarienne réalisée en urgence, a souffert d'une anoxo-ischémie dont elle conserve de lourdes séquelles motrices et cérébrales ; que les consortsI..., agissant en leur nom propre et en leur qualité de représentants légaux de leurs enfants mineurs, relèvent appel du jugement du 12 novembre 2014 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil n'a que partiellement fait droit à leur demande tendant à la condamnation solidaire du Centre hospitalier intercommunal Robert Ballanger et de la société Axa France Iard à les indemniser des préjudices subis ;
Sur la responsabilité du centre hospitalier :
2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme I...a été admise à la maternité du Centre hospitalier intercommunal Robert Ballanger le 28 août 2003 à 23h55 ; qu'après avoir fait l'objet d'une anesthésie péridurale, elle a été placée sous perfusion d'un ocytocique, destiné à accélérer les contractions utérines, le 29 août à 13h ; que les contractions utérines n'ont plus été enregistrées à compter de 13h10 jusqu'à la naissance d'Amel ; que Mme I...a signalé des douleurs abdominales à gauche à 15h20 ; que la sage-femme en charge de l'accouchement a procédé à l'augmentation du débit de la perfusion d'ocytocique à 15h puis 15h20 et injecté une nouvelle dose de péridurale à 15h20 ; qu'un ralentissement brutal du rythme cardiaque de l'enfant est survenu à 16h ; qu'une césarienne a été réalisée en urgence, l'enfant étant extraite à 16h27 ;
3. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort du rapport d'expertise du 12 octobre 2010 que la direction du travail par injection d'ocytocique constituait une pratique obstétricale courante à l'époque des faits et que la fréquence et le débit des doses administrées à Mme I... étaient conformes aux recommandations de la Haute autorité de santé ; que ce rapport exclut tout lien entre l'injection d'ocytocique et la survenue de la rupture utérine, s'agissant d'une parturiente ne présentant pas d'utérus cicatriciel ; que, dans le même sens, le Dr G..., dont l'avis est produit par les requérants, indique que l'administration d'ocytocique, d'un usage alors banalisé en association avec une anesthésie péridurale susceptible de déprimer l'activité utérine, n'était pas inappropriée, nonobstant la circonstance qu'il s'agissait du cinquième accouchement de l'intéressée ; que si le rapport d'expertise du 31 mars 2014 conclut à l'absence de justification d'une telle injection en présence d'un travail rapide et de contractions régulières, il n'établit toutefois aucun lien de causalité directe entre cette injection et la survenue de la rupture utérine ; que, de même, la littérature médicale invoquée par les requérants ne fait état d'une possibilité d'hypertonie utérine avec risque de rupture utérine qu'en cas de surdosage ; que, par suite, aucune faute à l'origine du dommage ne peut être imputée au centre hospitalier à ce titre ;
4. Considérant, en deuxième lieu, que les requérants invoquent un défaut de surveillance humaine de l'accouchement ; que si Mme I...a indiqué que ses appels passés après 15h n'ont pas reçu de réponse diligente d'un personnel médical, ces affirmations ne sont pas corroborées par les pièces du dossier, le partogramme faisant état de la présence de la sage-femme en salle d'accouchement à 15h puis à 15h20 ; que la seule absence d'indications manuscrites portées sur ce document entre 13h10 et 14h, entre 14h et 14h50 puis entre 15h25 et 15h55 ne permet pas d'établir un manquement dans la surveillance de l'accouchement ;
5. Considérant, en troisième lieu, que Mme I...a fait valoir, dans le cadre de la seconde expertise ordonnée par le tribunal que les douleurs abdominales à gauche ressenties à 15h20 s'étaient accompagnées de vomissements bilieux et de mouvements importants inhabituels du foetus ; que l'expert a conclu que ces symptômes, compatibles avec une rupture utérine, auraient dû conduire la sage-femme à appeler sans délai l'obstétricien de garde ; que, toutefois, ce signalement n'est pas confirmé par les pièces du dossier, le partogramme et le cardiotocogramme faisant seulement état du signalement de douleurs dont il n'est pas noté de caractère inhabituel, soulagées par l'injection d'une nouvelle dose de péridurale à 15h20 ; qu'il ressort du premier rapport d'expertise que le signalement de douleurs importantes ne constituait pas, à lui seul, un motif d'extraction urgente avant la survenue de la souffrance foetale ; qu'il n'est par ailleurs pas contesté que la sage-femme a immédiatement appelé l'obstétricien de garde lors du ralentissement du rythme cardiaque de l'enfant à 16h ; qu'aucun manquement ne peut donc être imputé au centre hospitalier à raison de la réaction du personnel aux symptômes présentés par Mme I... ;
6. Considérant, en cinquième lieu, qu'il ressort du rapport d'expertise du 12 octobre 2010 que la réalisation systématique d'une césarienne en cas de travail d'une durée supérieure à cinq heures serait contraire aux bonnes pratiques médicales ; qu'aucun manquement ne peut être imputé au centre hospitalier à ce titre ;
7. Considérant, en revanche, qu'il ressort des deux rapports d'expertise que l'injection d'ocytocique chez une multipare doit être accompagnée d'une surveillance rigoureuse du travail ; qu'aux termes des recommandations du Collège national des gynécologues obstétriciens de novembre 1995, l'enregistrement des contractions utérines doit faire partie de la surveillance du travail, au même titre que celle du rythme cardiaque foetal ; qu'en l'espèce, les contractions utérines n'ont plus été enregistrées à compter de 13h10 jusqu'à la naissance d'Amel ; que cette carence est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier ; qu'elle n'est toutefois pas la cause directe de la survenue de la rupture utérine, ni partant, du dommage corporel subi par Amel, compte tenu du caractère habituellement brutal des ruptures utérines, qui ne sont pas nécessairement précédées d'anomalies des contractions utérines ainsi qu'il ressort des rapports d'expertise et de la littérature médicale versée au dossier par les parties ;
8. Considérant que, dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou du traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter que ce dommage soit advenu ; que la réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue ; que, s'il n'est pas certain, en l'espèce, que le dommage ne serait pas advenu en l'absence du défaut d'enregistrement des contractions utérines, il n'est pas davantage établi que le bon fonctionnement des capteurs n'aurait pas pu permettre de déceler des anomalies des contractions utérines avant l'apparition des signes de souffrance foetale et de décider une extraction de l'enfant avant que les lésions ne soient irréversiblement acquises dans leur totalité ; que, dans ces conditions, l'absence d'enregistrement des contractions utérines a fait perdre à Amel une chance d'éviter tout ou partie des séquelles dont elle est restée atteinte ; qu'eu égard au caractère habituellement brutal des ruptures utérines et à la circonstance que des anomalies des contractions utérines ne précèdent pas nécessairement les anomalies du rythme cardio-foetal, les premiers juges ont justement évalué l'ampleur de cette perte de chance en la fixant à 30 % et en mettant à la charge du Centre hospitalier intercommunal Robert Ballanger la réparation de cette fraction du dommage corporel ;
Sur l'évaluation des préjudices :
En ce qui concerne les préjudices subis par l'enfant AmelI... :
9. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'état de santé d'Amel I...n'est pas consolidé ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier la réparation des préjudices dont les consorts I...réclament l'indemnisation immédiate, subis par la victime entre le 29 août 2003 et le 29 août 2021, date à laquelle elle atteindra l'âge de dix-huit ans, et où il y aura lieu de procéder à une nouvelle évaluation du dommage ;
Sur les préjudices à caractère patrimonial
Quant aux dépenses de santé :
10. Considérant que la CPAM de la Seine-Saint-Denis justifie avoir exposé des frais au profit de la victime à hauteur de 389 451,11 euros au 29 janvier 2015 ; qu'il y a lieu de lui accorder une somme égale à 30 % de ce montant, soit 116 835,33 euros ;
11. Considérant que si les requérants demandent la prise en charge de l'achat de fauteuils roulants, de corsets-coques, d'un lit médicalisé, d'un matelas, d'un sur-matelas et d'un soulève-malade électrique, ils n'établissent pas garder ces dépenses à leur charge alors que la CPAM de la Seine-Saint-Denis a exposé des débours à ce titre ; que la demande des requérants doit donc être écartée ;
Quant aux frais d'assistance par une tierce personne :
12. Considérant, d'une part, que le principe de la réparation intégrale du préjudice impose que les frais liés à l'assistance à domicile de la victime par une tierce personne, alors même qu'elle serait assurée par un membre de sa famille, soient évalués à une somme qui ne saurait être inférieure au montant du salaire minimum augmenté des charges sociales, appliqué à une durée journalière ;
13. Considérant, d'autre part, qu'en vertu des principes qui régissent l'indemnisation par une personne publique des victimes d'un dommage dont elle doit répondre, il y a lieu de déduire d'une rente allouée à la victime du dommage dont un établissement public hospitalier est responsable, au titre de l'assistance par tierce personne, les prestations versées par ailleurs à cette victime et ayant le même objet ; qu'il en va ainsi tant pour les sommes déjà versées que pour les frais futurs ; que cette déduction n'a toutefois pas lieu d'être lorsqu'une disposition particulière permet à l'organisme qui a versé la prestation d'en réclamer le remboursement si le bénéficiaire revient à meilleure fortune ; que l'élément de la prestation de compensation du handicap mentionné au 1° de l'article L. 245-3 du code de l'action sociale et des familles, correspondant aux charges liées à un besoin d'aides humaines, a le même objet que l'indemnité allouée à la victime au titre de l'assistance par tierce personne et ne peut faire l'objet d'un remboursement en cas de retour à meilleure fortune ; que tel est également le cas du complément de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé, versé en application des dispositions de l'article L. 541-1 du code de la sécurité sociale, qui a pour objet de couvrir, notamment, les frais d'assistance par tierce personne ;
14. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'état de santé d'Amel I...nécessite l'assistance constante d'une tierce personne ; qu'elle a été constamment prise en charge au domicile familial depuis sa sortie de la maternité le 11 septembre 2003 ; que, compte tenu de l'importance du handicap de l'enfant, les besoins en assistance par tierce personne au cours des premières années de vie excédaient sensiblement ceux d'un nourrisson ou d'un enfant en bas âge ; que, par ailleurs, depuis le 4 septembre 2007, Amel est placée dans une institution spécialisée cinq jours par semaine au cours des périodes scolaires, de 8h30 à 16h30, ce qui correspond à 16,5% de son temps ; que l'assistance apportée par les membres de sa famille directement liée au dommage corporel subi par Amel doit ainsi être évaluée à 18 heures par jour pour la période comprise entre le 11 septembre 2003 et le 28 août 2005, à 24 heures par jour à pour la période comprise entre le 29 août 2005 et le 3 septembre 2007 et à 20 heures par jour pour la période comprise entre le 4 septembre 2007 et le 31 octobre 2016 ; que les besoins en assistance d'une tierce personne à domicile d'Amel doivent être évalués en appliquant à ces durées, pour chacune des périodes concernées, le montant du salaire minimum augmenté des charges sociales en vigueur ;
15. Considérant qu'il ressort des pièces versées en réponse à la mesure d'instruction ordonnée par la Cour que le montant cumulé du complément de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé versé aux parents d'Amel entre le 1er novembre 2004 et le 30 septembre 2008 et de la prestation de compensation du handicap au titre de l'aide humaine versée à compter du 1er octobre 2008 est inférieur à la fraction des besoins d'assistance à tierce personne d'Amel pour la période passée, tels qu'évalués ci-dessus, qui n'est pas susceptible de faire l'objet d'une réparation par le centre hospitalier compte tenu du taux de perte de chance retenu ; que, par suite, il n'y a pas lieu de déduire ces prestations du montant de l'indemnité mise à la charge du centre hospitalier au titre des frais d'assistance par tierce personne pour la période comprise entre le 29 août 2003 et le 31 octobre 2016 ;
16. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu d'accorder, pour la période comprise entre le 29 août 2003 et le 31 octobre 2016, une indemnité égale à 30% des besoins d'assistance à tierce personne d'Amel, tels qu'évalués au point 14. ci-dessus ; qu'en l'état de l'instruction, il n'est pas possible à la Cour de déterminer la somme exacte à laquelle M. et Mme I... peuvent effectivement prétendre et qu'il y a donc lieu de renvoyer les intéressés devant le centre hospitalier afin que celui-ci procède au calcul de la réparation qui leur est due ;
17. Considérant, par ailleurs, que si le juge n'est pas en mesure de déterminer, lorsqu'il se prononce, si l'enfant handicapé sera placé dans une institution spécialisée ou hébergé au domicile de sa famille, il lui appartient de lui accorder une rente trimestrielle couvrant les frais de son maintien au domicile familial, en précisant le mode de calcul de cette rente, dont le montant doit dépendre du temps passé au domicile familial au cours du trimestre ; qu'il y a lieu d'accorder, à compter du 1er novembre 2016 et jusqu'à la majorité de l'enfant, une rente trimestrielle calculée sur la base d'un taux quotidien dont le montant, compte tenu du taux de perte de chance retenu, sera fixé à 69,624 euros à la date de l'arrêt à intervenir et qui sera revalorisé par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale ; que cette rente sera due au prorata du nombre d'heures passées au domicile familial et déduction faite, s'il y a lieu, de la fraction de la prestation de compensation du handicap versée aux parents de la victime excédant les besoins d'aides humaines demeurant à... ;
Quant au préjudice scolaire
18. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'Amel est scolarisée dans une institution spécialisée cinq jours par semaine et que ses acquisitions scolaires sont très fortement limitées par son handicap ; qu'il y a lieu d'évaluer, à titre provisionnel et dans l'attente de la consolidation de son état de santé, son préjudice scolaire à hauteur de 30 000 euros et d'accorder la somme de 9 000 euros à titre provisionnel, compte tenu du taux de perte de chance retenu ;
Sur les préjudices personnels temporaires
19. Considérant que les préjudices personnels temporaires subis par Amel, dont le caractère est certain, peuvent faire l'objet d'une évaluation définitive à la date du présent arrêt ; que le rapport d'expertise du 12 octobre 2010 a évalué à 80% le déficit fonctionnel temporaire subi par Amel, à 6 sur une échelle de 7 les souffrances endurées, à 6 sur une échelle de 7 le préjudice d'agrément et à 5 sur une échelle de 7 le préjudice esthétique temporaire ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'Amel se déplace en fauteuil roulant avec difficulté, qu'elle est dépendante pour l'ensemble des actes de la vie quotidienne et qu'elle ne peut pas s'exprimer oralement ; qu'il sera fait une juste appréciation des troubles de toute nature subis par Amel dans ses conditions d'existence en l'évaluant à hauteur de 320 000 euros pour la période écoulée depuis sa naissance jusqu'à ses 18 ans ; que, la perte de chance de subir le dommage étant fixée à 30%, le préjudice indemnisable s'élève à 96 000 euros ;
En ce qui concerne les préjudices subis par les proches de l'enfant AmelI... :
20. Considérant, en premier lieu, que M. E...I...soutient avoir été contraint de démissionner le 1er août 2008 afin de s'occuper de sa fille Amel ; que, toutefois, en se bornant à produire une lettre manuscrite de démission adressée à son employeur et alors que ne sont versés au dossier ni le contrat de travail de l'intéressé, qui n'avait été embauché dans l'entreprise que le 2 janvier 2008, ni de document émanant de l'employeur permettant d'établir la réception de la lettre de démission et sa prise en compte, les requérants n'établissent pas que le handicap de l'enfant serait la cause de l'absence d'activité professionnelle de son père ; qu'il y a donc lieu de rejeter les conclusions des requérants aux fins d'indemnisation de la perte de revenus alléguée ;
21. Considérant, en second lieu, que le préjudice moral subi par les parents et les frères et soeurs de la victime, dont le caractère est certain, peut faire l'objet d'une évaluation définitive à la date du présent arrêt ; que, compte tenu de la gravité du handicap de l'enfant Amel I...et du bouleversement subi par ses proches dans leurs conditions d'existence, il convient d'évaluer le préjudice subi à ce titre à hauteur de 50 000 euros pour ses parents et 15 000 euros pour chacun de ses frères et soeurs ; qu'il y a lieu, après application du taux de perte de chance retenu, d'accorder à chacun des parents une somme égale à 15 000 euros et d'accorder à chaque frère et soeur une somme égale à 4 500 euros ;
22. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède les consorts I...et la Caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis sont fondés à demander que les indemnités accordées par le tribunal soient portées aux montants indiqués ci-dessus, lesquels n'excèdent pas les conclusions présentées en première instance ;
Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :
23. Considérant que les sommes attribuées aux consorts I...en réparation des préjudices personnels temporaires d'Amel et de leur préjudice propre porteront intérêt au taux légal à compter du 9 décembre 2008, date de réception de leur demande par le Centre hospitalier intercommunal Robert Ballanger ; que les sommes attribuées au titre des frais d'assistance par une tierce personne porteront intérêt à compter du 9 décembre 2008 pour ceux des frais exposés avant cette date et à compter du dernier jour de chaque mois au titre desquels ils sont exposés pour ceux des frais exposés après cette date ;
24. Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée le 4 août 2014, date à laquelle il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
25. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Centre hospitalier Robert Ballanger une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par les consorts I...et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la CPAM de la Seine-Saint-Denis présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : La somme que le Centre hospitalier Robert Ballanger est condamné à verser à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Seine-Saint-Denis est portée à 116 835,33 euros.
Article 2 : La somme que le Centre hospitalier Robert Ballanger est condamné à verser à M. E... I...et Mme F...I..., agissant en qualité de représentants légaux d'AmelI..., est fixée à 96 000 euros au titre des préjudices personnels temporaires subis par celle-ci.
Article 3 : M. E... I...et Mme F...I..., agissant en qualité de représentants légaux de leur fille AmelI..., sont renvoyés devant le Centre hospitalier Robert Ballanger pour qu'il soit procédé, conformément aux motifs du présent arrêt et dans un délai de trois mois à compter de sa notification, à la liquidation de l'indemnité qui leur est due au titre des frais d'assistance par une tierce personne exposés jusqu'au 31 octobre 2016.
Article 4 : Le Centre hospitalier Robert Ballanger est condamné à verser à M. E... I...et Mme F...I..., agissant en qualité de représentants légaux de leur fille AmelI..., par trimestre échu à compter du 1er novembre 2016, une rente calculée sur la base d'un taux quotidien de 69,624 euros, revalorisé par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale. Cette rente sera due au prorata du nombre d'heures passées au domicile familial et sous déduction, le cas échéant, de la fraction de la prestation de compensation du handicap versée aux parents de la victime excédant les besoins d'aides humaines demeurant à.leur charge compte tenu du taux de perte de chance retenu
Article 5 : Le Centre hospitalier Robert Ballanger est condamné à verser à titre provisionnel à M. E... I...et Mme F...I..., agissant en qualité de représentants légaux de leur fille AmelI..., une somme de 9 000 euros au titre du préjudice scolaire subi par celle-ci.
Article 6 : Le Centre hospitalier Robert Ballanger est condamné à verser à M. E... I...et Mme F...I..., agissant en leur nom propre, une somme de 15 000 euros chacun.
Article 7 : Le Centre hospitalier Robert Ballanger est condamné à verser à M. E... I...et Mme F...I..., agissant en qualité de représentants légaux de leur fils AnisI..., une somme de 4 500 euros.
Article 8 : Le Centre hospitalier Robert Ballanger est condamné à verser à M. B...I..., à Mme D...I...et à M. C...I...une somme de 4 500 euros chacun.
Article 9 : Les sommes que le Centre hospitalier Robert Ballanger est condamné à verser en exécution des articles 2, 3, 6, 7 et 8 du présent arrêt porteront intérêts au taux légal à compter du 9 septembre 2008, à l'exception des sommes attribuées au titre des frais d'assistance par une tierce personne exposés après cette date, qui porteront intérêt à compter du dernier jour de chaque mois au cours desquels ils ont été exposés. Les intérêts échus seront capitalisés à compter du 4 août 2014, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
Article 10 : Les sommes que le Centre hospitalier Robert Ballanger est condamné à verser en exécution du présent arrêt sont mises à la charge solidairement du Centre hospitalier Robert Ballanger et de la société Axa France Iard, dans la limite pour cette société de la garantie contractuelle prévue par le contrat d'assurance conclu avec le centre hospitalier.
Article 11 : L'indemnisation des préjudices sur lesquels il n'est pas expressément statué dans le présent arrêt est réservée dans l'attente de la consolidation de l'état d'AmelI..., date à laquelle il y aura lieu de procéder à une nouvelle évaluation du dommage.
Article 12 : Le jugement n° 1209173 du 12 novembre 2014 par le Tribunal administratif de Montreuil est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 13 : Le Centre hospitalier intercommunal Robert Ballanger et la société Axa France Iard verseront solidairement aux consorts I...la somme globale de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 14 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
2
N° 15VE00017