Elles soutiennent que :
- la condition d'urgence est remplie, dès lors que l'ordonnance litigieuse, en portant atteinte au principe d'indépendance des conseils en propriété industrielle, préjudicie de manière grave et immédiate à un intérêt public ainsi qu'aux intérêts de la profession ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité de l'ordonnance contestée ;
- l'ordonnance est intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière, dès lors que la Compagnie nationale des conseils en propriété industrielle n'a pas été préalablement consultée ;
- elle excède le champ de l'habilitation défini par l'article 65 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, qui n'autorisait pas le Gouvernement à prendre des mesures relatives à l'exercice de la profession sous forme de sociétés autres que les sociétés pluri-professionnelles ;
- elle est entachée d'une erreur de droit, en ce qu'elle méconnaît le principe d'indépendance des conseils en propriété industrielle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 juin 2016, le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique conclut au rejet de la requête. Il soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie et qu'aucun des moyens soulevés par les requérants n'est de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de l'ordonnance contestée.
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, la Compagnie nationale des conseils en propriété industrielle et l'Association des conseils en propriété industrielle, d'autre part, le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique ;
Vu le procès-verbal de l'audience publique du 17 juin 2016 à 14 heures 30 au cours de laquelle ont été entendus :
- Me Thomas-Raquin, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la Compagnie nationale des conseils en propriété industrielle et l'Association des conseils en propriété industrielle ;
- les représentants de la Compagnie nationale des conseils en propriété industrielle et de l'Association des conseils en propriété industrielle ;
- les représentants du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique ;
et à l'issue de laquelle le juge des référés a différé la clôture de l'instruction jusqu'au mardi 21 juin 2016 à 17 heures ;
Vu la mesure d'instruction supplémentaire par laquelle le juge des référés a demandé, à l'issue de l'audience, d'une part, au ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, de produire les éléments de l'analyse économique et financière qui ont conduit à l'abrogation du point 2 de l'article L. 422-7 du code de propriété intellectuelle, et, d'autre part, à la Compagnie nationale des conseils en propriété industrielle, de produire des données statistiques sur l'exercice de la profession de conseil en propriété industrielle sous forme de société ;
Vu le mémoire, enregistré le 20 juin 2016, présenté par la Compagnie nationale des conseils en propriété industrielle et l'Association des conseils en propriété industrielle, qui produisent une note sur la répartition des sociétés de conseil en propriété industrielle en fonction de leur forme sociale et du nombre de conseils en propriété industrielle représentés dans leurs structures ;
Vu le mémoire, enregistré le 21 juin 2016, présenté par le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique qui produit, d'une part, le rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance du 31 mars 2016 et,d'autre part, un extrait de l'étude d'impact habilitant le Gouvernement à prendre l'ordonnance contestée ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 ;
- la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 ;
- le code de la propriété intellectuelle ;
- le code de justice administrative ;
1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision " ;
2. Considérant que l'ordonnance n° 2016-394 du 31 mars 2016 relative aux sociétés constituées pour l'exercice en commun de plusieurs professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, prise sur le fondement de l'habilitation donnée au Gouvernement par l'article 65 de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, ouvre aux avocats, aux avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, aux commissaires-priseurs judiciaires, aux huissiers de justice, aux notaires, aux administrateurs judiciaires, aux mandataires judiciaires, aux conseils en propriété industrielle et aux experts-comptables la possibilité d'exercer en commun leurs professions sous la forme de sociétés pluri-professionnelles d'exercice ; que l'ordonnance comporte, outre des dispositions à caractère général complétant la loi du 31 décembre 1990 relative à l'exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire, des dispositions propres à chacune des professions concernées, insérées dans les textes qui les régissent, et qui ont essentiellement pour objet d'y faire figurer la possibilité d'un exercice de l'activité sous la forme d'une société pluri-professionnelle ; qu'en ce qui concerne la profession de conseil en propriété industrielle, cette faculté est désormais mentionnée à l'article L. 422-7-1 du code de la propriété intellectuelle, créé par le 3° de l'article 6 de l'ordonnance ; que l'exercice de la profession de conseil en propriété industrielle sous la forme d'une société autre que pluri-professionnelle demeure régi par l'article L. 422-7 du même code ; que, jusqu'à l'intervention de l'ordonnance du 31 mars 2016, le 2° de l'article L. 422-7 prévoyait qu'en cas d'exercice sous forme de société, plus de la moitié du capital social et des droits de vote devaient être détenus par les conseils en propriété industrielle ; que le 2° de l'article 6 de l'ordonnance abroge le 2° de l'article L. 422-7 ; que la Compagnie nationale des conseils en propriété intellectuelle et l'Association des conseils en propriété industrielle demandent la suspension de l'exécution de l'ordonnance du 31 mars 2016 et, en particulier, du 2° de son article 6 ;
3. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative que le prononcé de la suspension d'un acte administratif est subordonné notamment à une condition d'urgence ; que l'urgence justifie la suspension de l'exécution d'un acte administratif lorsque celui-ci porte atteinte de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre ; qu'il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte contesté sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue ; que l'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire ;
4. Considérant que la Compagnie nationale des conseils en propriété intellectuelle et l'Association des conseils en propriété industrielle soutiennent que l'abrogation des dispositions imposant une participation majoritaire des conseils en propriété industrielle au capital lorsque l'activité est exercée sous la forme d'une société " mono-professionnelle ", dès lors qu'elle permet la constitution de sociétés contrôlées par des personnes extérieures à cette profession, et même à toute profession juridique, est de nature à porter une atteinte grave et immédiate à leur indépendance, et donc tant à l'intérêt public qui s'attache à ce que celle-ci soit garantie qu'à l'intérêt des membres de la profession ; que, cependant, demeurent... ; que n'ont pas davantage été abrogées les dispositions du 3° du même article, aux termes desquelles " l'admission de tout nouvel associé est subordonné à l'agrément préalable, selon le cas, du conseil d'administration, du conseil de surveillance ou du ou des gérants ", et qui excluent ainsi que le capital d'une société existante puisse être majoritairement acquis par des personnes étrangères à la profession sans l'accord de ses organes dirigeants ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que, depuis l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 31 mars 2016, aient été créées des sociétés " mono-professionnelles " à capitaux majoritairement détenus par des personnes n'ayant pas la qualité de conseils en propriété industrielle ; qu'en l'absence de tout élément faisant apparaître un risque réel, à brève échéance, que des sociétés de conseil en propriété industrielle, du seul fait d'une détention majoritaire de leur capital par des non-professionnels, et malgré les garanties prévues par le texte, soient amenées à exercer leur activité dans des conditions susceptibles de compromettre leur indépendance, la condition d'urgence instituée par l'article L. 521-1 du code de justice administrative ne saurait, en tout état de cause, être regardée comme remplie ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition tenant à l'existence d'un moyen propre à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision contestée, que la demande de suspension présentée par la Compagnie nationale des conseils en propriété intellectuelle et par l'Association des conseils en propriété industrielle ne peut qu'être rejetée, ainsi, par voie de conséquence, que leurs conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de la Compagnie nationale des conseils en propriété intellectuelle et de l'Association des conseils en propriété industrielle est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la Compagnie nationale des conseils en propriété industrielle, à l'Association des conseils en propriété industrielle et au ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique.
Copie en sera adressée pour information au Premier ministre.