Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code civil ;
- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. François Weil, conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Sophie Roussel, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article 27-2 du code civil : " Les décrets portant acquisition, naturalisation ou réintégration peuvent être rapportés sur avis conforme du Conseil d'Etat dans le délai de deux ans à compter de leur publication au Journal officiel si le requérant ne satisfait pas aux conditions légales ; si la décision a été obtenue par mensonge ou fraude, ces décrets peuvent être rapportés dans le délai de deux ans à partir de la découverte de la fraude ". Selon l'article 59 du décret du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française, applicable en vertu de l'article 62 du même décret en cas de retrait de décret de naturalisation ou de réintégration décidé en application de l'article 27-2 du code civil, lorsque le Gouvernement a l'intention de retirer un tel décret, il notifie, en la forme administrative ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, les motifs de droit et de fait motivant le retrait à l'intéressé, qui dispose d'un délai d'un mois à compter de la notification pour faire parvenir ses observations en défense.
2. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., ressortissant algérien, a déposé une demande de naturalisation le 11 novembre 2013, par laquelle il a indiqué être divorcé. Au vu de ses déclarations, il a été naturalisé par décret du 20 novembre 2015. Toutefois, par bordereau reçu le 14 décembre 2016, le ministre des affaires étrangères et du développement international a informé le ministre chargé des naturalisations que M. A... avait épousé à Sétif en Algérie, le 6 août 2015, une ressortissante algérienne résidant en Algérie. Par décret du 13 décembre 2018, le Premier ministre a rapporté le décret du 20 novembre 2015 prononçant la naturalisation de M. A... au motif qu'il avait été pris au vu d'informations mensongères délivrées par l'intéressé sur sa situation familiale. M. A... demande l'annulation pour excès de pouvoir de ce décret.
3. En premier lieu, il ressort des mentions de l'ampliation du décret attaqué que celui-ci a été signé par le Premier ministre et contresigné par le ministre de l'intérieur. Le moyen tiré de ce que le décret attaqué n'aurait pas été signé par le Premier ministre ne peut qu'être écarté.
4. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que le ministre chargé des naturalisations a notifié à M. A... les motifs justifiant le retrait du décret lui ayant accordé la nationalité française par une lettre datée du 23 mars 2017. Par une lettre, reçue par le ministère de l'intérieur le 30 mars 2017, M. A... a produit ses observations relatives au projet de retrait de son décret de naturalisation. Par suite, le moyen tiré de ce que le décret attaqué serait illégal faute pour l'intéressé d'avoir pu présenter ses observations en défense dans le délai d'un mois prévu par les articles 59 et 62 du décret du 30 décembre 1993 ne peut qu'être écarté. Par ailleurs, aucun texte ni aucun principe n'exige que l'avis du Conseil d'Etat préalable à une telle décision soit communiqué à l'intéressé. Ainsi, le moyen tiré de ce que le décret aurait été pris au terme d'une procédure irrégulière ne peut qu'être écarté.
5. En troisième lieu, le délai de deux ans imparti par l'article 27-2 du code civil pour rapporter le décret de naturalisation de M. A... a commencé de courir à la date à laquelle la réalité de la situation familiale de l'intéressé a été portée à la connaissance du ministre chargé des naturalisations.
6. A cet égard, il ressort des pièces du dossier que les services du ministre chargé des naturalisations n'ont été informés de la réalité de la situation familiale du requérant que le 14 décembre 2016, date à laquelle ils ont reçu les documents relatifs au mariage de l'intéressé transmis par bordereau du ministre des affaires étrangères et du développement international. La circonstance que M. A... ait, antérieurement, demandé la retranscription à l'état civil de son mariage n'est pas de nature à établir que ce mariage aurait été porté à la connaissance des services du ministre chargé des naturalisations à une date antérieure au 14 décembre 2016. En outre, M. A... n'apporte aucun élément au soutien de son allégation selon laquelle il aurait informé la préfecture du Rhône avant cette date. Dans ces conditions, le décret attaqué, qui a été signé le 13 décembre 2018, a été pris avant l'expiration du délai de deux ans prévu par les dispositions de l'article 27-2 du code civil.
7. En quatrième lieu, l'article 21-16 du code civil dispose que : " Nul ne peut être naturalisé s'il n'a en France sa résidence au moment de la signature du décret de naturalisation ". Il résulte de ces dispositions que la demande de naturalisation n'est pas recevable lorsque l'intéressé n'a pas fixé en France de manière durable le centre de ses intérêts. Pour apprécier si cette condition est remplie, l'autorité administrative peut notamment prendre en compte, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la situation familiale en France de l'intéressé à la date du décret lui accordant la nationalité française. Par suite, ainsi que l'énonce le décret attaqué, la circonstance que l'intéressé ait dissimulé s'être marié en Algérie avec une ressortissante algérienne au cours de l'instruction de sa demande de naturalisation était de nature à modifier l'appréciation qui a été portée par l'autorité administrative sur la fixation du centre de ses intérêts.
8. En cinquième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A... s'est marié le 6 août 2015 à Sétif avec une ressortissante algérienne résidant en Algérie. Ce mariage a constitué un changement de sa situation personnelle et familiale que l'intéressé aurait dû porter à la connaissance des services instruisant sa demande de naturalisation, comme il s'y était engagé en déposant sa demande de naturalisation, ce qu'il n'a pas fait avant que lui soit accordée la nationalité française. Si M. A... soutient qu'il était de bonne foi, il ne fait état d'aucune circonstance qui l'aurait mis dans l'impossibilité de faire part de son changement de situation familiale au service chargé de l'instruction de son dossier avant l'intervention du décret lui accordant la nationalité française. L'intéressé, qui maîtrise la langue française, ainsi qu'il ressort du procès-verbal de l'entretien d'assimilation du 16 janvier 2014, ne pouvait se méprendre sur la teneur de l'engagement qu'il avait pris sur l'honneur en déposant sa demande de naturalisation. Dans ces conditions, M. A... doit être regardé comme ayant volontairement dissimulé le changement de sa situation familiale. Par suite, en rapportant sa naturalisation, dans le délai de deux ans à compter de la découverte de la fraude, le Premier ministre n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article 27-2 du code civil.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 13 décembre 2018 par lequel le Premier ministre a rapporté le décret du 20 novembre 2015 qui lui avait accordé la nationalité française. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.