3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens de l'instance.
Il soutient que :
- le décret est entaché d'un vice de forme dès lors qu'il n'y est fait mention d'aucune date ;
- le décret a fait une inexacte application de l'article 27-2 du code civil en estimant qu'il a volontairement dissimulé son changement de situation familiale aux autorités ;
- le décret est entaché d'un détournement de procédure, dès lors qu'il ne pouvait se fonder sur une fraude ;
- le décret est entaché d'une erreur d'appréciation en estimant qu'il n'a pas en France le centre de ses intérêts ;
- le décret porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le code justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Stéphanie Vera, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Sophie Roussel, rapporteure publique,
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article 27-2 du code civil : " Les décrets portant acquisition, naturalisation ou réintégration peuvent être rapportés sur avis conforme du Conseil d'Etat dans le délai d'un an à compter de leur publication au Journal officiel si le requérant ne satisfait pas aux conditions légales ; si la décision a été obtenue par mensonge ou fraude, ces décrets peuvent être rapportés dans le délai de deux ans à partir de la découverte de la fraude ".
2. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., ressortissant haïtien, a déposé une demande de naturalisation, le 3 novembre 2016, par laquelle il a indiqué être célibataire et sans enfant et s'est engagé sur l'honneur à signaler tout changement qui viendrait à survenir dans sa situation personnelle et familiale. Au vu de ses déclarations, il a été naturalisé par décret du 8 novembre 2017, publié au Journal Officiel de la République Française du 11 novembre 2017. Toutefois, par courriel reçu le 27 novembre 2017, le préfet du Val d'Oise a informé le ministre chargé des naturalisations de ce que M. B... l'avait informé le 26 novembre 2017, de son mariage à Haïti, le 29 juillet 2017 avec une ressortissante haïtienne résidant à Haïti et, d'autre part de la reconnaissance, le même jour, de leur fille, née le 20 avril 2017 à Haïti. Par décret du 19 novembre 2019, le Premier ministre a rapporté le décret du 8 novembre 2017 de naturalisation de M. B... au motif qu'il avait été pris au vu d'informations mensongères délivrées par l'intéressé quant à sa situation familiale. M. B... demande l'annulation pour excès de pouvoir de ce décret.
3. En premier lieu, le moyen tiré de ce que le décret attaqué ne mentionne pas la date à laquelle il a été pris, manque en fait.
4. En deuxième lieu, l'article 21-16 du code civil dispose que " Nul ne peut être naturalisé s'il n'a en France sa résidence au moment de la signature du décret de naturalisation ". Il résulte de ces dispositions que la demande de naturalisation n'est pas recevable lorsque l'intéressé n'a pas fixé en France de manière durable le centre de ses intérêts. Pour apprécier si cette condition est remplie, l'autorité administrative prend notamment en compte la situation familiale en France de l'intéressé à la date du décret lui accordant la nationalité française. Par suite, ainsi que l'énonce le décret attaqué, la circonstance que M. B... ait dissimulé s'être marié à Haïti était de nature à modifier l'appréciation qui a été portée par l'autorité administrative sur la fixation du centre de ses intérêts.
5. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. B... s'est marié le 29 juillet 2017 avec une ressortissante haïtienne résidant habituellement à Haïti, et a reconnu une enfant née de cette union le 20 avril 2017 à Haïti. Ce mariage et cette naissance, intervenus postérieurement au dépôt de sa demande de naturalisation, ont constitué un changement de sa situation personnelle et familiale qu'il aurait dû porter à la connaissance des services instruisant sa demande de naturalisation. M. B..., qui soutient qu'il en a informé le préfet du Val d'Oise antérieurement à sa naturalisation, ne fait état d'aucun élément établissant la réalité de cette démarche. Si le requérant soutient encore qu'il ne disposait pas des actes de naissance et de mariage avant le mois de juillet 2018, date à laquelle ils auraient été dressés par l'officier d'état-civil près de la commune de Léogâne à Haïti, il ressort des pièces du dossier que cette naissance et cette union ont fait l'objet d'actes manuscrits de naissance et d'inscription de mariage religieux, délivrés par un officier de l'état-civil à Léogâne (Haïti), et pouvaient valablement être produits auprès de l'administration chargée d'instruire sa demande de naturalisation. En outre, il ressort des extraits des actes de mariage et de naissance produits par l'intéressé que ceux-ci ont été dressés respectivement les 2 août 2017 et 4 mai 2017 par l'officier d'état-civil de Léogâne, soit antérieurement au décret lui accordant la nationalité française. L'intéressé, qui maîtrise la langue française, ainsi qu'il ressort du compte-rendu d'assimilation du 3 novembre 2016, ne pouvait se méprendre ni sur la teneur des indications devant être portées à la connaissance de l'administration chargée d'instruire sa demande, ni sur la portée de la déclaration sur l'honneur qu'il a signée. Dans ces circonstances, il doit être regardé comme ayant volontairement dissimulé le changement de sa situation familiale. Dès lors, en rapportant sa naturalisation, le ministre de l'intérieur n'a pas fait une inexacte application de l'article 27-2 du code civil. Par suite, le détournement de procédure allégué par le requérant n'est pas établi.
6. En dernier lieu, si un décret qui rapporte un décret ayant conféré la nationalité française est, par lui-même, dépourvu d'effet sur la présence sur le territoire français de celui qu'il vise, comme sur ses liens avec les membres de sa famille, et n'affecte pas, dès lors, le droit au respect de sa vie familiale, il affecte néanmoins un élément constitutif de l'identité de la personne concernée et est ainsi susceptible de porter atteinte au droit au respect de sa vie privée. En l'espèce, toutefois, eu égard à la date à laquelle il est intervenu, aux motifs qui le fondent et à la situation de M. B..., le décret attaqué ne peut être regardé comme ayant porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée.
7. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 19 novembre 2019 par lequel le Premier ministre a rapporté le décret du 8 novembre 2017. Ses conclusions, à fins d'injonction, ainsi que celles présentées au titre de l'article L-761-1 du code de justice administrative, ne peuvent en conséquence qu'être rejetées.
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.