- l'extradition a été accordée sans condition portant sur la non-réextradition vers le Kosovo, où il risquerait d'être soumis à des traitements inhumains ou dégradants, en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 15 de la convention européenne d'extradition ;
- l'extradition porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957 ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020.
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Stéphanie Vera, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Sophie Roussel, rapporteure publique,
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. A... ;
Considérant ce qui suit :
1. Par le décret attaqué, le Premier ministre a accordé aux autorités monténégrines l'extradition de M. B... A..., de nationalité kosovare, sur le fondement d'un mandat d'arrêt décerné le 30 avril 2018 par le juge au tribunal de première instance de Kotor, en exécution d'une décision de placement en détention provisoire prise par la formation collégiale de la même juridiction le 26 avril 2018, pour des faits qualifiés d'homicide involontaire par création de danger par le fait " de ne pas fournir les mesures de protection au travail ".
2. En premier lieu, il ressort des mentions de l'ampliation du décret attaqué, certifiée conforme par le secrétaire général du gouvernement, que ce décret a été signé par le Premier ministre et contresigné par le garde des sceaux, ministre de la justice. La circonstance que l'ampliation notifiée à M. A... ne comporte pas ces signatures est sans incidence sur la légalité du décret attaqué.
3. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que la demande d'extradition était accompagnée du mandat d'arrêt du 30 avril 2018 et de la décision de placement en détention provisoire du 26 avril 2018, qui comporte un exposé de la procédure menée au Monténégro ainsi que la qualification des faits reprochés et vise les textes d'incrimination et de répression applicables, lesquels sont fournis, tous ces actes étant traduits en français. Si le requérant fait valoir que l'acte d'accusation du parquet près le tribunal de grande instance de Kotor du 2 février 2018 n'était pas traduit dans son intégralité, cette circonstance n'a pas privé les autorités françaises des éléments nécessaires à l'examen de la demande dont elles étaient saisies. Ainsi, le moyen tiré de ce que le décret attaqué aurait fait droit à une demande d'extradition sans disposer des éléments que l'Etat requérant devait présenter aux autorités françaises en vertu des stipulations de l'article 12 de la convention européenne d'extradition doit être écarté.
4. En troisième lieu, si une extradition ou une demande d'extension de cette dernière présentée en vue de permettre la poursuite d'infractions pénales ne peut être légalement accordée, lorsqu'une condamnation est intervenue à raison de ces infractions, qu'au vu d'une nouvelle demande de l'Etat requérant tendant à l'exécution de la peine et conforme aux stipulations conventionnelles et aux dispositions législatives applicables à la situation résultant de cette condamnation et après examen de cette nouvelle demande par la chambre de l'instruction de la cour d'appel compétente, il ressort des pièces du dossier que les autorités françaises se sont assurées auprès des autorités monténégrines que M. A... n'avait pas été jugé par défaut depuis la transmission de la demande d'extradition pour les faits objet de cette demande et qu'à ce titre, elles ont reçu par deux fois confirmation de ce que le mandat d'arrêt décerné le 30 avril 2018 était toujours valide et de ce qu'aucun jugement de condamnation n'était intervenu en l'absence du requérant. L'intéressé n'est, par suite, pas fondé à soutenir que l'extradition demandée aux fins de poursuites ne pouvait être légalement accordée.
5. En quatrième lieu, M. A... soutient que l'exécution du décret attaqué l'exposerait à des traitements inhumains ou dégradants s'il venait à être renvoyé par les autorités monténégrines au Kosovo, pays dans lequel il craint de subir des mauvais traitements du fait de son appartenance à la minorité bosniaque. Toutefois, il résulte de l'article 15 de la convention européenne d'extradition que l'Etat requérant à qui une personne a été livrée ne peut la livrer à un autre Etat sans le consentement de l'Etat requis. En outre et en tout état de cause, M. A..., dont au demeurant la demande d'asile a été rejetée par la Cour nationale du droit d'asile, n'a apporté aucun élément probant sur les dangers qu'il courrait en cas de retour au Kosovo. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
6. En cinquième et dernier lieu, si une décision d'extradition est susceptible de porter atteinte, au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, au droit au respect de la vie privée et familiale, cette mesure trouve, en principe, sa justification dans la nature même de la procédure d'extradition, qui est de permettre, dans l'intérêt de l'ordre public et sous les conditions fixées par les dispositions qui la régissent, tant le jugement de personnes se trouvant en France qui sont poursuivies à l'étranger pour des crimes ou des délits commis hors de France que l'exécution, par les mêmes personnes, des condamnations pénales prononcées contre elles à l'étranger pour de tels crimes ou délits. La circonstance que l'intéressé réside en France avec son épouse et leurs trois enfants n'est pas de nature à faire obstacle, dans l'intérêt de l'ordre public, à l'exécution de son extradition. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 23 juin 2020 accordant son extradition aux autorités monténégrines.
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et au garde des sceaux, ministre de la justice.