Résumé de la décision
La Cour administrative de cassation a annulé un arrêt de la cour administrative d’appel de Versailles du 2 octobre 2014, qui avait rejeté la demande d'indemnisation pour dommages subis par la société Covea Risks suite à l’incendie d’un garage à Villiers-le-Bel. Cet incendie était survenu le 26 novembre 2007 lors de troubles qui faisaient suite à un accident impliquant des policiers et deux adolescents. La Cour a décidé que l'incendie relevait de la responsabilité de l’État au titre des dispositions de l'article L. 2216-3 du Code général des collectivités territoriales. En conséquence, elle a renvoyé l'affaire à la cour administrative d’appel et ordonné le versement d'une somme de 3 000 euros à la société Covea Risks pour couvrir ses frais.
Arguments pertinents
1. Qualification juridique erronée : La Cour a identifié une erreur dans la qualification juridique de l'incendie par la cour administrative d'appel, qui avait conclu que l'incendie n'était pas le fait d'un "attroupement" ou d'un "rassemblement", malgré des indications claires à cet égard. La décision souligne que l'incendie a été provoqué par des personnes qui avaient précédemment participé à un rassemblement en réaction à l'accident tragique.
2. Responsabilité de l'État : La décision s’appuie sur l’article L. 2216-3 du Code général des collectivités territoriales, qui impose à l'État une responsabilité pour les dommages causés par des attroupements. Ainsi, des éléments comme l'organisation des auteurs des dégradations (communication via les réseaux et utilisation d'objets dangereux) justifient la qualification de l’événement comme un attroupement selon cette législation.
3. Considérations sur la causalité : La Cour précise que l'attaque de autres établissements, tels qu'un restaurant, bien que survenant dans des moments similaires de tension, n'affectait pas la nature de l'action répréhensible qui a conduit à l'incendie du garage, ce qui a conduit à une interprétation erronée des faits par la cour d'appel.
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Citation pertinente :
- « L'Etat est civilement responsable des dégâts et dommages résultant des crimes et délits commis, à force ouverte ou par violence, par des attroupements ou rassemblements armés ou non armés, soit contre les personnes, soit contre les biens » (Code général des collectivités territoriales - Article L. 2216-3).Interprétations et citations légales
La décision met en lumière plusieurs dimensions cruciales du droit administratif et de la responsabilité de l'État face aux troubles civils. L'application de l'article L. 2216-3 repose sur la définition d'un "attroupement" :
1. Nature de l'attroupement : L'interprétation de ce terme est au cœur du débat. La cour a pris en compte qu'il ne suffisait pas que les événements soient violents ; le lien entre le départ d’une agitation populaire en réponse à un événement tragique et les actes de vandalisme doit être établi.
2. Responsabilité de l'État : L'État n'est pas seulement responsable des actes commis par ses agents, mais également de ceux qui se produisent dans le cadre de troubles provoqués par des citoyens, lorsque ceux-ci s’inscrivent dans un contexte plus large (comme la colère collective suite à un incident).
Cette décision illustre donc l'application de la loi dans un contexte où la responsabilité de l'État peut être mise en cause par l’action de groupes d'individus, dans la mesure où cette action a un lien direct avec la revendication ou la réaction face à un événement marquant. La cour souligne l'importance de la conclusion tirée par la cour inférieure et a agi pour corriger ce qu'elle a jugé être un manquement à l'interprétation adéquate de la loi.