Résumé de la décision
La décision analyse un pourvoi en cassation formé par plusieurs sociétés d'assurance contre un arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes, qui avait annulé un jugement du tribunal administratif de Rennes. Celui-ci avait condamné l'État à indemniser les sociétés pour les dommages causés par le blocage d'une plateforme d'approvisionnement du groupe Carrefour par des producteurs de lait en mai 2009. La cour de cassation a confirmé l’arrêt de la cour d’appel, jugeant que l'État n'était pas responsable des dommages, principalement en raison de la qualification des actes des producteurs comme étant prémédités et non en lien direct avec un attroupement au sens de la loi.
Arguments pertinents
1. Qualité des actes comme attroupement : La cour a jugé que le blocage de la plateforme était l'œuvre d’un groupe structuré, exemptant ainsi cet acte de la qualification d'« attroupement » au sens des dispositions législatives applicables. La décision a souligné que « ... un groupe qui s'était constitué et organisé à seule fin de commettre le délit d'entrave à la circulation [...] ne pouvait être regardé comme un attroupement ou un rassemblement au sens des dispositions législatives précitées. »
2. Absence de faute lourde : Concernant l'absence d'intervention des forces de l'ordre, la cour a établi que les sociétés requérantes n'avaient pas prouvé qu'elle constituait une faute lourde engageant la responsabilité de l'État. La cour a ainsi affirmé : « ... en jugeant que les sociétés requérantes n'établissaient pas que l'absence d'intervention des forces de l'ordre [...] constituait une faute lourde de nature à engager la responsabilité de l'État, la cour n'a pas inversé la charge de la preuve. »
3. Évaluation du préjudice : La cour a noté que les sociétés requérantes n'avaient pas établi un préjudice distinct des autres entreprises touchées par la situation, justifiant ainsi l'absence de réparation : « ... les sociétés requérantes ne produisaient devant les juges du fond aucun élément de nature à établir qu'elles auraient subi [...] un préjudice différent de celui qu'ont subi les autres entreprises de la grande distribution. »
Interprétations et citations légales
La décision s'appuie sur plusieurs textes de loi pour justifier son interprétation.
1. Responsabilité de l'État :
- Code général des collectivités territoriales - Article L. 2216-3 : Cet article établit la responsabilité de l'État pour les dommages résultant d’attroupements. La cour a interprété que les actions des producteurs laitiers, bien qu'elles aient causé des troubles, n’entraient pas dans la définition d'« attroupement » dans ce contexte particulier.
2. Charge de la preuve :
- Le principe de la charge de la preuve est crucial dans ce cas. La cour affirme que « les sociétés requérantes n'établissaient pas que l'absence d'intervention des forces de l'ordre [...] constituait une faute lourde ». Ici, la responsabilité incombe à la partie qui doit prouver un fait dommageable, en l’occurrence, la preuve de la faute.
3. Préjudice et rupture d'égalité :
- La référence à un « préjudice anormal et spécial ouvrant droit à réparation » souligne l'exigence d'une preuve substantielle de préjudice spécifique, en vertu du droit des dommages-intérêts, souvent présentée dans des affaires de responsabilité publique.
En conclusion, la cour a jugé que les conditions nécessaires pour établir la responsabilité de l'État n'étaient pas réunies, en s'appuyant sur ses appréciations des faits et des textes législatifs applicables.