Résumé de la décision
La décision concerne un pourvoi en cassation des sociétés Generali IARD, Allianz Global Corporate et Specialty AG, Tokio Marine Kiln Insurance Limited, et Ace European Group Limited contre un arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes. Cet arrêt avait annulé un jugement du tribunal administratif de Rennes qui condamnait l'État à indemniser ces sociétés pour les conséquences d'un blocage d'une plateforme d'approvisionnement de Carrefour par des producteurs de lait en juin 2009. La cour d'appel a estimé que l'État n'était pas responsable en raison de la nature préméditée du délit commis lors du blocage et de l'absence de préjudice anormal.
Arguments pertinents
1. Responsabilité civile de l'État : La cour a appliqué l'article L. 2216-3 du code général des collectivités territoriales, affirmant que l'État n'était pas civilement responsable car le blocage par les producteurs de lait constituait une action organisée et préméditée, excluant la qualification d'"attroupement" ou "rassemblement" au sens de la législation.
> "L'Etat est civilement responsable des dégâts et dommages résultant des crimes et délits commis, à force ouverte ou par violence, par des attroupements ou rassemblements armés ou non armés..."
2. Absence de faute lourde : La cour a jugé que les sociétés requérantes n'avaient pas prouvé l'existence d'une faute lourde en ne procédant pas à l'intervention des forces de l'ordre, rejetant ainsi la responsabilité de l'État.
> "...la cour n'a pas inversé la charge de la preuve... ni, eu égard au risque d'aggravation des troubles à l'ordre public qui aurait pu résulter d'une telle intervention, entaché son arrêt d'une erreur de qualification juridique."
3. Préjudice et rupture d'égalité : Les sociétés n'ont pas établi qu'elles avaient subi un préjudice spécifique et différent de celui des autres entreprises de grande distribution, ce qui a conduit la cour à conclure à l'absence de préjudice anormal et spécial.
> "...l'absence de préjudice anormal et spécial ouvrant droit à réparation au titre d'une rupture d'égalité devant les charges publiques..."
Interprétations et citations légales
La décision fait référence principalement à deux codes :
1. Code général des collectivités territoriales - Article L. 2216-3 : Cet article établit la responsabilité civile de l'État en matière de dommages causés par des attroupements. La cour a affirmé que pour bénéficier des dispositions de cet article, il fallait que les actions des producteurs de lait soient considérées comme un attroupement, ce qui n’était pas le cas ici en raison de la préméditation et de l'organisation des actes délictueux.
2. Code de justice administrative - Article R. 741-7 : Concernant les exigences de forme des arrêts, la cour a confirmé la validité de l'arrêt attaqué en vérifiant ses signatures légales, écartant ainsi un argument de régularité soulevé par les requérantes.
La décision met ainsi en avant une interprétation stricte des termes utilisés dans la législation sur la responsabilité civile de l'État et souligne l'importance de la preuve de préjudice spécifique pour engager la responsabilité de l'État dans le cadre d'une rupture d'égalité devant les charges publiques.