1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de MmeA....
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 ;
- la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 ;
- le décret n° 2014-1049 du 15 septembre 2014 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Cécile Renault, auditeur,
- les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat de MmeA....
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M.C..., officier dans l'armée de l'air, a été affecté sur le site des expérimentations nucléaires de Mururoa en Polynésie française du 13 juin 1977 au 23 juin 1978, en qualité d'officier de transit. Il est décédé en 2002 d'un cancer du rectum diagnostiqué en 1999. Mme A...a présenté une demande d'indemnisation sur le fondement de la loi du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français, qui a été rejetée par une décision du 8 février 2012 du ministre de la défense, au motif que le risque imputable aux essais nucléaires dans la survenance de la maladie de M. C...pouvait être qualifié de négligeable. Par un jugement du 26 novembre 2015, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande de Mme A...tendant à l'annulation de cette décision. Par un arrêt du 6 mars 2018 contre lequel le ministre des armées se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Nantes a, sur appel de MmeA..., annulé ce jugement ainsi que la décision du ministre de la défense et enjoint au comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires (CIVEN) de réexaminer la demande d'indemnisation de l'intéressé.
2. Aux termes de l'article 1er de la loi du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français : " Toute personne souffrant d'une maladie radio-induite résultant d'une exposition à des rayonnements ionisants dus aux essais nucléaires français et inscrite sur une liste fixée par décret en Conseil d'Etat conformément aux travaux reconnus par la communauté scientifique internationale peut obtenir réparation intégrale de son préjudice dans les conditions prévues par la présente loi. / Si la personne est décédée, la demande de réparation peut être présentée par ses ayants droit ". L'article 2 de cette même loi définit les conditions de temps et de lieu de séjour ou de résidence que le demandeur doit remplir. Le premier alinéa du V de l'article 4 de cette loi, dans sa rédaction issue de la loi du 28 février 2017, dispose que le CIVEN " examine si les conditions de l'indemnisation sont réunies. Lorsqu'elles le sont, l'intéressé bénéficie d'une présomption de causalité (...) ". Enfin, les conditions de pathologie et de lieu ont été précisées par le décret du 15 septembre 2014 visé ci-dessus. Le législateur a ainsi entendu que, dès lors qu'il satisfait aux conditions de temps, de lieu et de pathologie, un demandeur bénéficie de la présomption de causalité entre l'exposition aux rayonnements ionisants dus aux essais nucléaires français et la survenance de sa maladie. Cette présomption ne peut être renversée que si l'administration établit que la pathologie de l'intéressé résulte exclusivement d'une cause étrangère à l'exposition aux rayonnements ionisants dus aux essais nucléaires, en particulier parce qu'il n'a subi aucune exposition à de tels rayonnements. Les modifications de la loi du 5 janvier 2010 introduites par la loi de finances pour 2019 du 28 décembre 2018, postérieurement à la lecture de l'arrêt attaqué, ne peuvent être utilement invoquées par le ministre devant le juge de cassation.
3. En premier lieu, il résulte des dispositions précitées de la loi du 5 janvier 2010, dans sa rédaction issue de la loi du 28 février 2017, éclairées par les travaux préparatoires de cette dernière, que pour établir la certitude d'une absence d'exposition aux rayonnements, l'administration ne peut utilement se fonder sur le fait qu'aucun tir atmosphérique ou souterrain n'aurait été réalisé durant le séjour de la victime, dès lors que celui-ci s'est déroulé durant les périodes mentionnées à l'article 2 de la loi du 5 janvier 2010. Elle ne peut pas davantage se fonder sur le lieu d'affectation de la victime, dès lors qu'il se situe à l'intérieur des zones mentionnées au même article 2, ni sur le délai entre le séjour et le diagnostic de la pathologie, dès lors que cette dernière figure sur la liste annexée au décret pris sur le fondement de l'article 1er de la même loi. Par suite, en jugeant que l'administration ne pouvait se prévaloir de la circonstance que M. C...n'a pas eu accès à la zone où ont été réalisés neuf tirs souterrains confinés au cours de son séjour ni du fait que sa pathologie est apparue plus de vingt ans après son départ de Polynésie française, la cour administrative d'appel de Bordeaux n'a pas commis d'erreur de droit.
4. En deuxième lieu, en jugeant que la circonstance que les résultats de la dosimétrie d'ambiance et de l'examen anthropogammamétrique n'ont rien révélé d'anormal n'est pas suffisante pour établir que M. C...n'a subi aucune exposition aux rayonnements ionisants, la cour administrative d'appel de Bordeaux a suffisamment motivé son arrêt et s'est livrée à une appréciation souveraine des pièces du dossier exempte de dénaturation.
5. En dernier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 2 que la cour administrative d'appel de Bordeaux, après avoir constaté que toute possibilité d'exposition aux rayonnements ionisants résultant des essais nucléaires n'était pas écartée, n'a pas commis d'erreur de droit en imposant à l'administration, pour renverser la présomption de causalité prévue par la loi, d'établir que la pathologie de la victime résulte exclusivement d'une cause étrangère à l'exposition aux rayonnements ionisants dus aux essais nucléaires.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 500 euros à Mme A...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi du ministre des armées est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera à Mme A...une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la ministre des armées et à Mme B...A..., veuveC....
Copie en sera adressée au comité d'indemnisation des victimes d'essais nucléaires.