- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code général des impôts, notamment son article 8 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Aurélien Caron, auditeur,
- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat de M. B...et Mme A...;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte de ces dispositions que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.
2. Aux termes de l'article 8 du code général des impôts dans sa rédaction applicable au litige : " Sous réserve des dispositions de l'article 6, les associés des sociétés en nom collectif et les commandités des sociétés en commandite simple sont, lorsque ces sociétés n'ont pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux, personnellement soumis à l'impôt sur le revenu pour la part de bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société. (...) Il en est de même, sous les mêmes conditions : / 1° Des membres des sociétés civiles qui ne revêtent pas, en droit ou en fait, l'une des formes de sociétés visées à l'article 206 1 et qui, sous réserve des exceptions prévues à l'article 239 ter, ne se livrent pas à une exploitation ou à des opérations visées aux articles 34 et 35 ; (...) ". Il résulte de ces dispositions que les bases d'imposition de chaque associé doivent être déterminées par référence à une répartition des résultats sociaux présumée faite conformément au pacte social, sauf dans le cas où un acte ou une convention passé avant la clôture de l'exercice a pour effet de conférer aux associés des droits dans les bénéfices sociaux différents de ceux qui résulteraient de la seule application du pacte social, auquel cas les bases d'imposition des associés doivent correspondre à cette nouvelle répartition des résultats sociaux. Il en découle que les impositions supplémentaires résultant des rehaussements apportés par l'administration fiscale aux bénéfices imposables de la société sont réparties entre les associés au prorata de leurs droits sociaux ainsi déterminés.
3. M. B...et Mme A...ne contestent pas la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article 8 du code général des impôts en ce qu'elles prévoient que les associés des sociétés entrant dans son champ d'application sont personnellement soumis à l'impôt sur le revenu pour la part de bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société, mais seulement en tant qu'elles ont pour effet, ainsi que cela a été indiqué au point 2 ci-dessus, de faire supporter à l'ensemble des associés, à hauteur de leur quotes-parts respectives, les conséquences de la réintégration, au résultat imposable de la société, de dépenses ayant bénéficié seulement à certains associés précisément identifiés.
4. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, la loi " doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ". Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit.
5. M. B...et Mme A...soutiennent que l'application des dispositions analysées au point 2 ci-dessus conduit à une différence de traitement entre les associés de sociétés de personnes et les associés de sociétés de capitaux dont les bénéfices sont soumis à l'impôt sur les sociétés, lesquels ne sont soumis à l'impôt sur le revenu que sur les sommes qui leur ont été distribuées. Toutefois, les associés d'une société relevant de l'article 8 du code général des impôts, entre les mains desquels les bénéfices sociaux sont soumis à l'impôt sur le revenu à hauteur de leurs droits, ne sont pas placés dans la même situation que les associés d'une société relevant de l'article 206 du même code, qui sont soumis à l'impôt sur le revenu à hauteur de sommes qui leur sont distribuées après que les bénéfices sociaux ont été soumis à l'impôt sur les sociétés. La différence de traitement en résultant est en rapport direct avec l'objet du régime d'imposition institué par l'article 8 du code général des impôts. Le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant la loi ne présente donc aucun caractère sérieux.
6. En second lieu, l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 dispose que : " Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ". Cette exigence ne serait pas respectée si l'impôt revêtait un caractère confiscatoire ou faisait peser sur une catégorie de contribuables une charge excessive au regard de leurs facultés contributives. En vertu de l'article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives. En particulier, pour assurer le respect du principe d'égalité, il doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose. Cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques.
7. M. B...et Mme A...ne peuvent utilement soutenir que l'impôt mis à leur charge dans l'hypothèse d'une réintégration au résultat de la société de dépenses personnelles d'un des associés est sans rapport avec leurs facultés contributives, dès lors que l'impôt est assis sur les bénéfices sociaux et non sur les sommes appréhendées par les associés. L'imposition de ces bénéfices entre les mains des associés à hauteur de leurs droits dans la société repose sur un critère objectif et rationnel et n'entraîne pas de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques. Par conséquent, le second grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant les charges publiques ne présente pas un caractère sérieux.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. B...et MmeA..., qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux. Par suite, il n'y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. B...et MmeA....
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B...et MmeA..., au Premier ministre et au ministre de l'action et des comptes publics.