2°) de rejeter la protestation de M. D... ;
3°) de mettre à la charge de M. D... une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code électoral ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Sébastien Ferrari, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de M. B... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il résulte de l'instruction qu'à l'issue des opérations électorales qui se sont déroulées le 15 mars 2020 dans la commune de Magnanville (Yvelines) en vue de la désignation des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, la liste conduite par M. B..., maire sortant, a recueilli 923 voix, soit 50,96 % des suffrages exprimés, et obtenu 22 élus tandis que la liste conduite par M. E... a recueilli 888 voix, soit 49,03 % des suffrages exprimés, et 7 élus. M. B... relève appel du jugement du 21 septembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Versailles, sur la protestation de M. D..., a annulé ces opérations électorales.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 52-1 du code électoral : " (...) A compter du premier jour du sixième mois précédant le mois au cours duquel il doit être procédé à des élections générales, aucune campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d'une collectivité ne peut être organisée sur le territoire des collectivités intéressées par le scrutin. Sans préjudice des dispositions du présent chapitre, cette interdiction ne s'applique pas à la présentation, par un candidat ou pour son compte, dans le cadre de l'organisation de sa campagne, du bilan de la gestion des mandats qu'il détient ou qu'il a détenus. Les dépenses afférentes sont soumises aux dispositions relatives au financement et au plafonnement des dépenses électorales contenues au chapitre V bis du présent titre ". Aux termes de l'article L. 52-8 de ce code : " (...) Les personnes morales, à l'exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d'un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués. Les personnes morales, à l'exception des partis et groupements politiques ainsi que des établissements de crédit ou sociétés de financement ayant leur siège social dans un Etat membre de l'Union européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen, ne peuvent ni consentir des prêts à un candidat, ni lui apporter leur garantie pour l'obtention de prêts (...) "
3. Il résulte de l'instruction qu'une vidéo présentant un projet de construction d'un ensemble immobilier comprenant des logements et des commerces, destiné à remplacer un entrepôt à l'abandon dans le quartier des Brosses de Magnanville, a été publiée sur la chaîne Youtube de la commune le 2 janvier 2020. Cette vidéo, intitulée " entrée de ville ", d'une durée de 2 minutes et 10 secondes, qui faisait suite à des communications antérieures de la commune sur le même sujet et à des réunions publiques de présentation intervenues en mai 2019, présentait ce projet de réaménagement sous forme d'images de synthèse, de manière neutre et informative. Si elle faisait apparaître très brièvement, au début et à la fin, les logos des partenaires privés et institutionnels du projet, au nombre desquels la commune de Magnanville, elle ne comportait pas de commentaires ou de texte de présentation, ni aucune référence à M. B... ou aux thèmes de sa campagne. Dans ces conditions cette vidéo ne saurait être regardée comme procédant d'une campagne de promotion publicitaire d'une réalisation de la collectivité au sens des dispositions précitées de l'article L. 52-1 du code électoral. Sa réalisation par les promoteurs immobiliers à l'initiative du projet, au demeurant à la demande de la communauté urbaine du Grand Paris Seine et Oise et non de la commune de Magnanville, et sa diffusion ne sauraient davantage être regardées comme traduisant l'existence d'un don d'une personne morale à la campagne électorale de M. B... prohibé par l'article L. 52-8 du même code.
4. Par suite, M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Versailles s'est fondé, pour annuler les opérations électorales en litige, sur ce que la diffusion de cette vidéo sur la chaîne Youtube de la commune constituait une méconnaissance de ces deux dispositions.
5. Il appartient toutefois au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres griefs soulevés par le protestataire devant le tribunal.
Sur les griefs relatifs à la campagne électorale :
6. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la vidéo présentée par le maire de la commune de Magnanville lors la cérémonie des voeux en janvier 2020, qui présente les moments marquants de l'année écoulée en faisant se succéder des photographies accompagnées d'un fond musical sur des thèmes strictement liés à la vie de la commune, ne peut être regardée, contrairement à ce qui est soutenu, comme une campagne de promotion des réalisations ou de la gestion de la commune au sens des dispositions de l'article L. 52-1 du code électoral. Ne saurait davantage être regardée comme telle la diffusion sur la chaîne Youtube de la commune de vidéos relatant des événements communaux ou la cérémonie des voeux, sans lien direct avec les thèmes de la campagne, alors même que le rythme de ces diffusions se serait accentué entre fin décembre et mi-janvier 2020. Il en va de même En troisième lieu, du bulletin municipal de février 2020, eu égard à son contenu, qui se limite à de brefs articles à caractère neutre et factuel consacrés à l'espace " Julien Lauprêtre " inauguré en septembre 2019, à la mise en place de la vidéo-surveillance initiée en 2017, à l'inauguration et l'ouverture de la médiathèque, au traitement des déchets par la communauté urbaine, au conseil municipal des enfants et à divers événements sportifs, récréatifs ou commémoratifs.
7. En deuxième lieu, il ne résulte pas de l'instruction que l'inauguration de la médiathèque de la commune le 29 février 2020, alors que la réception des travaux est intervenue le 21 février 2020 et qu'il n'apparaît pas, contrairement à ce qui est allégué, que la communication municipale au sujet de cet équipement aurait revêtu un caractère exagérément flatteur, incomplet ou mensonger, serait constitutive d'une manoeuvre de nature à altérer la sincérité du scrutin.
8. En troisième lieu, les seules circonstances que M. B... a publié sur sa page Facebook personnelle, le 22 décembre 2019, une photo des travaux de la médiathèque prise depuis un drone accompagnée de l'annonce de la fin prochaine des travaux, et que la liste " Magnanville, une passion commune ", qu'il conduisait, a publié sur sa propre page, le 2 février 2020, une photo montrant deux membres de l'équipe municipale à l'occasion d'une remise de médailles organisée par un club sportif local ne sauraient être regardées comme susceptible de créer, dans l'esprit des électeurs, une confusion entre l'action de la commune et la propagande électorale des candidats de nature à altérer la sincérité du scrutin.
9. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 48-2 du code électoral : " Il est interdit à tout candidat de porter à la connaissance du public un élément nouveau de polémique électorale à un moment tel que ses adversaires n'aient pas la possibilité d'y répondre utilement avant la fin de la campagne électorale ".
10 Si le maire sortant, par un communiqué du 13 mars 2020 comportant sa photographie ceint de son écharpe tricolore, a exposé les mesures prises par la commune pour faire face à la crise sanitaire, notamment la fermeture des établissements d'enseignement et des clubs sportifs, et a précisé les mesures sanitaires prises en vue d'assurer le bon déroulement du scrutin, ces annonces, qui faisaient suites à celles du président de la République intervenues la veille, ne sauraient être regardées des éléments nouveaux de polémique électorale.
11. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que le tract de la liste " Magnanville, une passion commune " distribué dans les boîtes aux lettres le 13 mars 2020 au soir se bornait à répliquer à un article de presse et à un tract distribué la veille par la liste adverse et ne comportait aucun élément nouveau de polémique électorale auquel la liste " Collectif Magnanville, le choix pour l'avenir " n'aurait pas eu la possibilité de répondre utilement. Les allégations de M. D... selon lesquelles un panneau d'affichage relatif à un projet d'aménagement de la place Mendès France aurait été installé tardivement ne sont, quant à elles, pas assorties des précisions permettant d'apprécier le bien-fondé du grief correspondant.
12. En cinquième lieu, si M. D... allègue que M. B... serait resté de nombreuses minutes devant l'entrée des bureaux de vote pour discuter avec les électeurs, il ne résulte pas de l'instruction que celui-ci aurait exercé des pressions sur les électeurs à cette occasion. Il ne résulte pas davantage de l'instruction, en tout état de cause, qu'il aurait incité les résidents de la maison de retraite à venir voter en dépit des risques liés à la situation sanitaire.
Sur les griefs relatifs au déroulement des opérations de vote :
13. En premier lieu, la seule circonstance que M. B..., qui présidait le bureau de vote de la mairie, aurait vidé les poubelles des isoloirs ne saurait par elle-même révéler l'existence d'une atteinte au caractère secret du scrutin garanti par l'article L. 59 du code électoral.
14. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction qu'en dépit d'un refus initial, l'ensemble des scrutateurs désignés par la liste " Collectif Magnanville, le choix pour l'avenir " ont été inscrits en cette qualité, conformément aux dispositions de l'article R. 65 du code électoral.
15. Enfin, si la porte du bureau de vote n° 3 de l'école des Tilleuls ne s'ouvrait que de l'intérieur pour des motifs liés à la sécurité des établissements scolaires, il résulte de l'instruction que cette porte est demeurée ouverte afin de permettre l'entrée des personnes souhaitant assister au dépouillement. Le grief tiré de ce que le dépouillement n'aurait pas eu lieu sous les yeux des électeurs, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 63 du code électoral, ne peut qu'être écarté.
16. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est fondé à demander l'annulation du jugement qu'il attaque et le rejet de la protestation de M. D....
17. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M. B... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par celui-ci sur le même fondement.
D E C I D E :
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Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement du 21 septembre 2020 du tribunal administratif de Versailles sont annulés.
Article 2 : Les opérations électorales qui se sont déroulées le 15 mars 2020 dans la commune de Magnanville sont validées.
Article 3 : Les conclusions de MM. B... et D... présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. C... B..., à M. A... D... et au ministre de l'intérieur.