Il soutient que :
- la demande formée devant le juge des référés en application de l'article L. 521-2 du code de justice administrative est irrecevable dès lors qu'aucun changement dans les circonstances de fait ou de droit n'est intervenu depuis le jugement du 18 décembre 2018 du tribunal administratif de Strasbourg rejetant le recours formé par le requérant contre la décision de transfert ;
- la réception le 2 janvier 2019, par le requérant, de documents relatifs au rejet de sa demande d'asile en Allemagne ne saurait constituer un changement dans les circonstances de fait ;
- un arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 4 janvier 2019 annulant une décision de transfert vers l'Allemagne au motif que le requérant y était exposé à un risque de renvoi vers l'Afghanistan ne saurait constituer un changement dans les circonstances de droit ;
- le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg a commis une erreur de droit et une erreur d'appréciation en jugeant que le préfet du Haut-Rhin, en procédant à l'exécution de l'arrêté de transfert, porterait une atteinte grave et manifestement illégale à l'exercice du droit d'asile de M.A... ;
- le préfet a pu légalement décidé de ne pas faire usage du pouvoir discrétionnaire prévu à l'article 17 du règlement UE n° 604/2013 dès lors que, compte tenu du principe de confiance mutuelle, les autorités françaises n'ont pas de raison de douter du fait que les autorités allemandes ont examiné la demande d'asile des intéressés ainsi que les potentiels risques encourus en Afghanistan au regard de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 février 2019, M. A...conclut au rejet de la requête du ministère de l'intérieur. Il soutient que sa requête de première instance était recevable, que la condition d'urgence était remplie et qu'il existait une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Après avoir convoqué à une audience publique d'une part, le ministre de l'intérieur et, d'autre part, M. A...;
Vu le procès-verbal de l'audience publique du 27 février 2019 à 10 heures au cours de laquelle ont été entendus :
- les représentantes du ministre de l'intérieur ;
- Me Krivine, avocat au Conseil et à la Cour de cassation, avocat de M. A... ;
- la représentante de M.A... ;
et à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ".
2. Le droit constitutionnel d'asile, qui a le caractère d'une liberté fondamentale, a pour corollaire le droit de solliciter le statut de réfugié. S'il implique que l'étranger qui sollicite la reconnaissance de la qualité de réfugié soit, en principe, autorisé à demeurer sur le territoire jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande, ce droit s'exerce dans les conditions définies par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. L'article L. 742-3 de ce code prévoit que l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat qui est responsable de cet examen en application des dispositions du règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013. Ce transfert peut avoir lieu pendant une période de six mois à compter de l'acceptation de la demande de prise en charge, susceptible d'être portée à dix-huit mois dans les conditions prévues à l'article 29 de ce règlement.
3. Il résulte de l'instruction que M.A..., ressortissant afghan, est entré en France le 7 septembre 2018, selon ses déclarations, et a sollicité la reconnaissance du statut de réfugié. La comparaison du relevé décadactylaire de ses empreintes avec le fichier " Eurodac " a révélé que ses empreintes avaient été relevées par les autorités allemandes le 10 avril 2016. Une demande de prise en charge de M. A... a été adressée aux autorités allemandes le 20 septembre 2018 par le préfet du Haut-Rhin. Elle a été acceptée le 25 septembre 2018, date à laquelle a commencé à courir le délai de six mois dont disposaient les autorités françaises, en application de l'article 29 du règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, pour procéder au transfert de M. A...vers l'Allemagne. Par un arrêté du 16 novembre 2018, le préfet du Haut-Rhin a décidé du transfert de M. A...vers l'Allemagne. Par un arrêté du 5 décembre 2018, le préfet du Haut-Rhin a assigné à résidence M. A...dans le département du Haut-Rhin pour une durée de 45 jours. Par un jugement du 18 décembre 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande de M. A...tendant à l'annulation des arrêtés du 16 novembre et 5 décembre 2018. Par un nouvel arrêté du 16 janvier 2019, notifiée le 22 janvier suivant, le préfet du Haut-Rhin a renouvelé l'assignation à résidence de M. A...pour une durée de 45 jours. En vue de l'exécution de l'arrêté de transfert du 16 novembre 2018, il l'a convoqué à se présenter à un vol à destination de Munich depuis l'aéroport de Bâle-Mulhouse le 7 février 2019. M. A...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'ordonner la suspension de l'exécution de la décision du 16 novembre 2018 par laquelle le préfet du Haut-Rhin a autorisé son transfert aux autorités allemandes et de prononcer toute mesure nécessaire, notamment d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin d'enregistrer sa demande d'asile en France et de lui délivrer une attestation de demande d'asile ou, à défaut, de réexaminer sa situation. Par une ordonnance du 6 février 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg a, d'une part, suspendu l'exécution de la décision de transfert du 16 novembre 2018 et, d'autre part, enjoint au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer une attestation de demande d'asile. Le ministre de l'intérieur relève appel de cette ordonnance.
4. Il résulte des dispositions de l'article L. 742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lesquelles renvoient, pour partie, à celles de l'article L. 512-1 du même code, que le législateur a entendu organiser une procédure spéciale applicable au cas où un étranger fait l'objet d'une décision de transfert vers un autre Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile. Le II de l'article L. 742-4 prévoit que l'étranger peut, lorsqu'il a fait l'objet d'une mesure de transfert et d'une mesure d'assignation à résidence notifiées simultanément, demander dans le délai de quarante-huit heures suivant leur notification l'annulation de ces décisions au président du tribunal administratif. L'article L. 742-5 du même code dispose que la décision de transfert ne peut faire l'objet d'une exécution d'office, avant l'expiration du délai de recours ou avant que le tribunal ait statué, s'il a été saisi. Il en résulte qu'il appartient à l'étranger qui entend contester une mesure de transfert vers un Etat membre de l'Union européenne, accompagnée d'une assignation à résidence, de saisir le juge administratif sur le fondement des dispositions du II de l'article L. 742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile d'une demande tendant à leur annulation, assortie le cas échéant de conclusions à fin d'injonction, et que cette procédure particulière est exclusive de celles prévues par le livre V du code de justice administrative. Il n'en va autrement que dans le cas où les modalités selon lesquelles il serait procédé à l'exécution de la décision de transfert emporteraient des effets qui, en raison de changements dans les circonstances de droit ou de fait survenus depuis l'intervention de cette décision et après que le juge, saisi sur le fondement du II de l'article L. 742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a statué ou que le délai prévu pour le saisir a expiré, excèderaient ceux qui s'attachent normalement à l'exécution d'une telle décision.
5. Pour écarter la fin de non-recevoir opposée par le préfet du Haut-Rhin à la requête de M.A..., le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg a jugé qu'étaient constitutifs d'un changement dans les circonstances de droit ou de fait survenus depuis l'intervention du jugement du 18 décembre 2018, d'une part, les éléments relatifs au rejet de la demande d'asile de M.A..., au recours afférent et au refus de délivrance d'un titre de séjour par les autorités allemandes contenus dans un courrier du 2 janvier 2019 en provenance d'Allemagne et, d'autre part, l'arrêt du 4 janvier 2019 de la cour administrative d'appel de Nantes. Toutefois, les éléments relatifs aux procédures administratives et juridictionnelles menées en Allemagne ne pouvaient, en tout état de cause, être regardés comme constitutifs d'un changement dans les circonstances de droit et de fait postérieurement au jugement du 18 décembre 2018 dès lors que leur teneur était connue de M.A..., qui en avait fait état dans ses écritures devant le tribunal administratif de Strasbourg à l'appui de son recours contre la décision de transfert, produisant notamment une lettre de l'administration allemande du 6 juillet 2018. De même, l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes relatif à une autre personne ne saurait être constitutif d'un changement dans les circonstances de droit depuis l'intervention du jugement du 18 décembre 2018.
6. Il résulte de ce qui précède que les conclusions de M. A...présentées sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice étaient irrecevables. L'ordonnance par laquelle le juge des référés y a fait droit doit, par suite, être annulée.
7. Il y a lieu, pour le juge des référés du Conseil d'Etat, d'évoquer et de statuer sur les conclusions présentées par M. A...sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative.
8. M. A...ne peut être regardé comme faisant état de changements dans les circonstances de droit ou de fait survenus depuis l'intervention du jugement du 18 décembre 2018 ayant rejeté son recours contre la décision de transfert prise à son encontre. Par suite, sa demande présentée sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative doit être rejetée comme irrecevable.
O R D O N N E :
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Article 1er : Les articles 2, 3 et 4 de l'ordonnance du 6 février 2019 du juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg sont annulés.
Article 2 : Les conclusions présentées par M. A...sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée au ministre de l'intérieur et à M. C... D...A....