Il soutient que :
- l'appel est recevable dès lors que l'absence de notification des ordonnances attaquées au ministre de l'intérieur a empêché le délai d'appel de courir ;
- les ordonnances sont entachées d'une première erreur de droit et d'une dénaturation de l'objet de la demande, dès lors que le juge des référés du tribunal administratif de Lille, d'une part, s'est estimé, à tort, saisi de conclusions aux fins de suspension d'une décision fixant le pays de destination édictée dans le cadre d'une obligation de quitter le territoire français et, d'autre part, a appliqué le régime de recevabilité applicable lorsqu'une personne dans l'obligation de quitter le territoire français exerce l'un des référés prévus par le livre V du code de justice administrative ;
- les ordonnances sont entachées d'une deuxième erreur de droit, dès lors que le juge des référés du tribunal administratif de Lille a estimé à tort, en méconnaissance des dispositions des articles L. 512-3 et L. 513-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que le recours formé par M. A...avait un caractère suspensif ;
- les ordonnances sont entachées d'une troisième erreur de droit et d'une dénaturation des pièces du dossier, en ce que, d'une part, le juge des référés n'a pas reconnu l'effet suspensif attaché à l'appel du parquet général contre le jugement du tribunal correctionnel de Boulogne-sur-Mer relevant M. A...de son interdiction judiciaire du territoire et, d'autre part, a opéré une confusion entre le droit au recours effectif et le droit au recours suspensif ;
- aucune atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale n'est caractérisée, dès lors que l'arrêté du 11 mai 2019 du préfet du Pas-de-Calais ne méconnaît pas le droit de M. A...de mener une vie privée et familiale normale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 juin 2019, M. A... conclut au rejet de la requête, à l'admission à titre provisoire de M. A...au bénéfice de l'aide juridictionnelle et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement à la SCP Anne Sevaux et Paul Mathonnet de la somme de 3 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du10 juillet 1991. Il soutient que les moyens soulevés par le ministre de l'intérieur ne sont pas fondés.
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, le ministre de l'intérieur et, d'autre part, M. A...;
Vu le procès-verbal de l'audience publique du 1er juillet 2019 à 11 heures au cours de laquelle ont été entendus :
- les représentantes du ministre de l'intérieur ;
- Me Mathonnet, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M.A... ;
- la représentante de M.A... ;
et à l'issue de laquelle le juge des référés a prolongé l'instruction jusqu'au 2 juillet à 18 heures, puis jusqu'au 4 juillet à 18 heures ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 2 juillet 2019, par lequel le ministre de l'intérieur maintient ses conclusions et ses moyens ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 4 juillet 2019, par lequel M. A...maintient ses conclusions et ses moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code pénal ;
- le code de procédure pénale ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ". Aux termes de l'article L. 521-4 du même code : " Saisi par toute personne intéressée, le juge des référés peut, à tout moment, au vu d'un élément nouveau, modifier les mesures qu'il avait ordonnées ou y mettre fin ".
2. Il ressort des pièces du dossier que M.A..., ressortissant égyptien, a été condamné à une peine de quatre ans d'emprisonnement pour aide à l'entrée, à la circulation ou au séjour irréguliers d'un étranger en France en bande organisée ainsi qu'à une peine complémentaire d'interdiction définitive du territoire par un jugement du 12 septembre 2017 du tribunal correctionnel de Boulogne-sur-Mer, jugement devenu définitif à la suite de l'intervention d'une ordonnance de la présidente de la cour d'appel de Douai constatant le désistement de son appel. Saisi par M. A...d'une demande de relèvement de cette peine d'interdiction judiciaire du territoire français, le tribunal correctionnel de Boulogne-sur-Mer a, par un jugement du 2 mai 2019, fait droit à cette requête. Toutefois, le 7 mai 2019, le parquet a fait appel de ce jugement. Le préfet du Pas-de-Calais a notifié à M.A..., le 11 mai 2019, lors de sa levée d'écrou, un arrêté prévoyant sa reconduite à destination de l'Egypte et le plaçant en rétention pour une durée de 48 heures. Le préfet a ensuite procédé à l'exécution immédiate de cette décision en faisant conduire M. A...à l'aéroport de Roissy Charles de Gaulle, d'où il a embarqué, le 11 mai à 16 heures, dans un vol avec escorte policière à destination du Caire. Parallèlement, le conseil de M. A... avait saisi le même jour, à 14h32, le juge des référés du tribunal administratif de Lille, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative afin que celui-ci ordonne toutes mesures utiles permettant de mettre un terme à l'exécution de la mesure d'éloignement et d'organiser dans les meilleurs délais le retour de l'intéressé en France. Par une ordonnance n° 1903976 du 14 mai 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Lille a fait droit à sa demande et a enjoint au préfet du Pas-de-Calais d'organiser, aux frais de l'Etat et dans un délai maximal de dix jours, le retour de M. A...en France. Le 20 mai 2019, le préfet du Pas-de-Calais a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Lille, statuant sur le fondement de l'article L. 521-4 du code de justice administrative, de modifier les mesures prescrites par son ordonnance du 14 mai 2019. Par une ordonnance n° 1904217 du 21 mai 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Le ministre de l'intérieur fait appel de ces ordonnances.
3. Aux termes de l'article 130-1 du code pénal, auquel renvoie l'article L. 541-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'elle est prévue par la loi, la peine d'interdiction du territoire français peut être prononcée, à titre définitif ou pour une durée de dix ans au plus, à l'encontre de tout étranger coupable d'un crime ou d'un délit./ L'interdiction du territoire entraîne de plein droit la reconduite du condamné à la frontière, le cas échéant, à l'expiration de sa peine d'emprisonnement ou de réclusion./ Lorsque l'interdiction du territoire accompagne une peine privative de liberté sans sursis, son application est suspendue pendant le délai d'exécution de la peine. Elle reprend, pour la durée fixée par la décision de condamnation, à compter du jour où la privation de liberté a pris fin. ".
4. L'article L. 541-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France dispose que " les dispositions du dernier alinéa de l'article L. 214-4, de l'article L. 513-2, du premier alinéa de l'article L. 513-3 et des articles L. 513-5 et L. 561-1 sont applicables à la reconduite à la frontière des étrangers faisant l'objet d'une interdiction du territoire, prévue au deuxième alinéa de l'article 131-30 du code pénal. " Aux termes de l'article L. 513-2 du même code : " l'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; / 2° Ou, en application d'un accord ou arrangement de réadmission communautaire ou bilatéral, à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; / 3° Ou, avec son accord, à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible./ Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. " Aux termes du premier alinéa de l'article L. 513-3 : " la décision fixant le pays de renvoi constitue une décision distincte de la mesure d'éloignement elle-même. ".
5. Il résulte des dispositions mentionnées aux points 3 et 4 qu'aussi longtemps que la personne condamnée n'a pas obtenu de la juridiction qui a prononcé la condamnation pénale le relèvement de la peine d'interdiction du territoire, l'autorité administrative est tenue de pourvoir à son exécution, sous réserve que la décision fixant le pays de renvoi n'expose pas l'intéressé à être éloigné à destination d'un pays dans lequel sa vie ou sa liberté seraient menacées, ou il serait exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Les dispositions de l'article 130-1 du code pénal font également obstacle à ce que le juge des référés enjoigne à l'autorité administrative d'assurer le retour en France de l'étranger qui demeure sous le coup d'une interdiction judiciaire du territoire.
6. Par ailleurs, en vertu du quatrième alinéa de l'article 703 du code de procédure pénale, la décision par laquelle la juridiction de première instance fait droit à une demande de relèvement d'une interdiction résultant de plein droit d'une condamnation pénale ou prononcée dans le jugement de condamnation à titre de peine complémentaire peut faire l'objet d'un appel. Aux termes de l'article 506 du même code : " Pendant les délais d'appel et durant l'instance d'appel, il est sursis à l'exécution du jugement, sous réserve des dispositions des articles 464 (deuxième et troisième alinéas), 464-1, 471, 507, 508 et 708. ".
7. M. A...soutient, il est vrai, que les dispositions de l'article 506 du code de procédure pénale, qui confèrent à l'appel un caractère suspensif en matière délictuelle, ne seraient pas applicables au jugement des demandes présentées en vue d'être relevé d'une interdiction judiciaire du territoire. Il ne se prévaut toutefois d'aucune jurisprudence du juge judiciaire qui irait dans le sens d'une telle interprétation du texte, alors qu'en matière pénale, d'une façon générale, l'exercice des voies de recours a pour effet de sursoir à l'exécution de la décision juridictionnelle rendue.
8. En l'espèce, le juge des référés du tribunal administratif de Lille a estimé que l'exécution d'office de la décision fixant l'Egypte comme pays à destination duquel M. A... devait être reconduit, en exécution de l'interdiction judiciaire du territoire prononcée à son encontre, avait porté au droit de l'intéressé d'exercer un recours effectif contre cette décision une atteinte grave et manifestement illégale. Toutefois, à supposer même qu'une telle illégalité puisse être caractérisée, il ne pouvait, sans entacher son ordonnance d'erreur de droit, en tirer la conséquence qu'il convenait d'enjoindre au préfet d'organiser le retour de M. A...en France, alors que celui-ci était toujours sous le coup d'une interdiction judiciaire du territoire et qu'au demeurant il n'avait jamais prétendu être exposé en Egypte à une menace pour sa vie ou sa liberté ou à un risque de subir des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. C'est donc à tort que le juge des référés du tribunal administratif de Lille s'est fondé sur ce motif pour faire droit aux conclusions de la demande dont il était saisi.
9. Si M. A...soutient également que le préfet a porté une atteinte disproportionnée à son droit de mener une vie privée et familiale normale, en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et méconnu l'intérêt supérieur de ses enfants, garanti par l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, l'atteinte à ces droits découle, en tout état de cause, non de la décision qui se borne à prévoir le renvoi de l'intéressé dans son pays d'origine, mais du prononcé par le juge pénal de la peine d'interdiction du territoire, qui fait obstacle à sa libre circulation sur le territoire de la République française et lui interdit d'y revenir.
10. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Lille a enjoint au préfet du Pas-de-Calais d'organiser, dans le délai maximal de dix jours et aux frais de l'Etat, le retour en France de M.A.... Il y a lieu, par suite, d'annuler les articles 2 et 3 de cette ordonnance et de rejeter les conclusions présentées par M. A...sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, ainsi, par suite, que celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Compte tenu de l'annulation ainsi prononcée, il n'y a, en tout état de cause, pas lieu de statuer sur la requête formée par le ministre de l'intérieur contre l'ordonnance du 21 mai 2019.
O R D O N N E :
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Article 1er : Les articles 2 et 3 de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Lille du 14 mai 2019 sont annulés.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête du ministre de l'intérieur dirigées contre l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Lille du 21 mai 2019.
Article 3 : Les conclusions de M. A...tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée au ministre de l'intérieur et à M. B...A....