- leur requête est recevable dès lors que, d'une part, le Conseil d'Etat est compétent pour connaître des décisions litigieuses en ce qu'elles présentent un caractère réglementaire et, d'autre part, ils ont un intérêt à agir direct et certain contre ces décisions ;
- la condition d'urgence est remplie dès lors que les décisions litigieuses, en ce qu'elles refusent la mise en place de mesures temporaires d'urgence, préjudicient de manière suffisamment graves et immédiates à l'intérêt public qui s'attache à la protection sanitaire des bébés ainsi susceptibles de porter des couches contenant des substances chimiques dangereuses ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité des décisions contestées ;
- les décisions litigieuses sont insuffisamment motivées en méconnaissance des dispositions des articles L. 211-1 et suivants du code des relations entre le public et l'administration ;
- elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation en ce que les ministres ont estimé, à tort, que la présence de substances chimiques dans les couches litigieuses ne caractérisait ni un danger grave et immédiat, au sens de l'article L. 521-17 du code de la consommation, ni un danger pour la santé publique ou la sécurité des consommateurs, au sens de l'article L. 521-7 du code de la consommation, susceptibles de permettre la mise en place des mesures temporaires d'urgence sollicitées.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 juin 2019, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête. Il soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie et que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
La requête a été communiquée au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire et à la ministre des solidarités et de la santé qui n'ont pas produit de mémoire.
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M.F..., MmeA..., Mme E...et l'Association pour la sécurité sanitaire des enfants et, d'autre part, le ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire, la ministre des solidarités et de la santé et le ministre de l'économie et des finances ;
Vu le procès-verbal de l'audience publique du 3 juillet 2019 à 10 heures au cours de laquelle ont été entendus :
- les représentants de M. F..., MmeA..., Mme E...et l'Association pour la sécurité sanitaire des enfants ;
- M. F...;
- les représentants du ministre de l'économie et des finances ;
et à l'issue de laquelle le juge des référés a différé la clôture de l'instruction au 9 juillet à 18 heures puis au 10 juillet à 18 heures ;
Vu, enregistrés les 5 et 10 juillet 2019, les nouveaux mémoires présentés par le ministre de l'économie et des finances qui persiste dans ses conclusions de rejet de la requête ;
Vu, enregistré le 8 juillet 2019, le nouveau mémoire présenté par M. F... et autres qui persistent dans les conclusions de leur requête ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la directive 2001/95/CE du Parlement européen et du Conseil du 3 décembre 2001 relative à la sécurité générale des produits ;
- le code de la consommation ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".
2. Aux termes de l'article L. 521-17 du code de la consommation : " En cas de danger grave ou immédiat, le ministre chargé de la consommation et le ou les ministres intéressés peuvent suspendre par arrêté conjoint, pour une durée n'excédant pas un an, la fabrication, l'importation, l'exportation, la mise sur le marché à titre gratuit ou onéreux d'un produit et faire procéder à son retrait en tous lieux où il se trouve ou à sa destruction lorsque celle-ci constitue le seul moyen de faire cesser le danger. Ils ont également la possibilité d'ordonner la diffusion de mises en garde ou de précautions d'emploi ainsi que le rappel en vue d'un échange ou d'une modification ou d'un remboursement total ou partiel. (...) ". Aux termes de l'article L. 521-7 du même code : " S'il est établi que des produits ne sont pas conformes à la réglementation en vigueur ou présentent ou sont susceptibles de présenter un danger pour la santé publique ou la sécurité des consommateurs, l'autorité administrative peut ordonner par arrêté une ou plusieurs des mesures suivantes : la suspension de la mise sur le marché, le retrait, le rappel et la destruction. L'autorité administrative peut également, lorsque les produits présentent ou sont susceptibles de présenter un danger pour la santé publique ou la sécurité des consommateurs, ordonner la diffusion de mise en garde ainsi que le rappel des produits en vue d'un échange, d'une modification ou d'un remboursement total ou partiel. (...). ".
3. Il résulte de l'instruction qu'à la suite de la publication dans le magazine " 60 millions de consommateurs " de résultats de mesures faisant état de la détection de substances dangereuses dans des couches pour bébé, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail ANSES a, sur saisine conjointe de la direction générale de la santé, la direction générale de la concurrence de la consommation et la répression des fraudes et la direction générale de la prévention des risques formulée le 25 janvier 2017, diligenté une expertise collective sur la sécurité des couches de bébé à usage unique. L'analyse menée a porté sur les pathologies provoquées par le port de couches et sur les risques chimiques, en particulier sur l'évaluation quantitative des risques sanitaires liés aux substances détectées ou quantifiées dans ces couches. S'agissant des dermatites, l'analyse relève que les couches jetables ont contribué, ces trente dernières années à la diminution de leur fréquence et de leur sévérité. S'agissant du risque chimique, l'analyse a permis de détecter ou de quantifier plusieurs substances indésirables provenant soit de parfums ajoutés, soit de matières premières soit enfin des procédés de fabrication eux-mêmes. Les comités d'experts spécialisés chargés de mener l'expertise collective ont conclu qu'il n'existait aucune donnée épidémiologique permettant de mettre en évidence une association entre des effets sanitaires et le port de couches mais que l'évaluation quantitative des risques sanitaires réalisée sur la base des essais effectués et des données bibliographique mettait en évidence des dépassements de seuils sanitaires pour plusieurs substances et que, à ce jour, et en l'état actuel des connaissances, il n'était pas possible d'exclure un risque sanitaire lié au port des couches à usage unique. Reprenant les conclusions des experts, l'ANSES a émis, le 23 janvier 2019, un avis recommandant d'éliminer ou de réduire autant que possible la présence de substances indésirables dans les couches pour bébé en appliquant le principe ALARA. Pour parvenir à ce résultat, l'ANSES a recommandé d'agir à court terme en faisant évoluer le cadre réglementaire tant français qu'européen via le règlement REACH et de poursuivre les campagnes de contrôle dans l'ensemble des couches présentes sur le marché afin de s'assurer de la prise en compte des conclusions et des recommandations de son avis par les fabricants et les metteurs sur le marché.
4. Le jour de la publication de l'avis de l'ANSES, le gouvernement a convoqué les professionnels du secteur afin de leur demander de prendre les mesures correctives permettant d'éliminer les substances préoccupantes identifiées par l'ANSES. A la suite de cette réunion, les professionnels ont, le 8 février 2019, pris publiquement un certain nombre d'engagements concernant les modes de fabrication, en particulier l'élimination des parfums provoquant des allergies et la vérification des matières premières afin qu'elles ne comportent pas des substances prohibées, et l'information des consommateurs sur la composition des produits et ils ont fixé un calendrier pour le respect de leurs engagements. A partir de février 2019, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes a intensifié ses contrôles et a annoncé qu'elle dresserait un premier bilan à six mois. Les pouvoirs publics ont, au mois d'avril 2019, à nouveau saisi l'ANSES d'une demande de fixation des valeurs repères pour permettre l'élaboration d'une réglementation.
5. M. F..., MmeA..., Mme E...et l'Association pour la sécurité sanitaire des enfants ont demandé le 12 février 2019 au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire, à la ministre des solidarité et de la santé et au ministre de l'économie et des finances, à titre principal, d'une part, sur le fondement de l'article L. 521-17 du code de la consommation, de suspendre immédiatement la fabrication, l'importation, l'exportation et la mise sur le marché des couches contenant des substances chimiques dangereuses qui présentent un danger grave et immédiat, d'autre part, d'ordonner la diffusion de mises en garde et de précaution d'emploi par la publication faite de toutes les couches contenant ces types de substances chimiques dangereuses et, enfin, de faire figurer sur tous les emballages de ces couches la nature des substances chimiques dangereuses retrouvées, impliquant la publication des marques et, à titre subsidiaire, sur le fondement de l'article L. 521-7 du code de la consommation, d'enjoindre aux préfets de département de suspendre la mise sur le marché des couches contenant des substances chimiques dangereuses qu'ils estiment susceptibles de présenter un danger pour la santé publique. Par trois décisions implicites, les ministres ont rejeté leur demande. Par la présente requête, les requérants demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de ces décisions et qu'il soit enjoint aux ministres de prendre les mesures d'urgence en cause.
6. Ainsi qu'il a été dit ci-dessus, le rapport d'expertise collective a conclu qu'il n'existait aucune donnée épidémiologique mettant en évidence un risque sanitaire lié au port de couches jetables mais qu'il n'était pas possible d'exclure l'existence d'un tel risque. Compte tenu de la vulnérabilité des bébés et dans le but de limiter le risque à un niveau aussi faible que possible selon le principe ALARA, l'ANSES a assorti son avis de recommandations portant, d'une part, sur l'élaboration d'une réglementation sanitaire spécifique et, d'autre part, sur les modalités de fabrication des couches. En ce qui concerne l'élaboration d'une réglementation sanitaire, celle-ci ne pouvait être réalisée dans un délai compatible avec la présente saisine du juge des référés. En ce qui concerne la modification des modalités de fabrication des couches et l'information des consommateurs, il résulte des pièces du dossier et des précisions apportées à l'audience et après celle-ci par le ministre de l'économie et des finances que les premières mesures nécessaires à la mise en oeuvre des recommandations de l'ANSES, auxquelles s'étaient engagés les professionnels, ont été adoptées, que d'autres doivent progressivement être réalisées selon le calendrier annoncé et que la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes a, comme le recommandait l'avis, intensifié ses campagne de vérifications sur ce secteur.
7. Il résulte de ce qui précède que la condition d'urgence ne peut être, en l'espèce, regardée comme établie. Dès lors, et sans qu'il soit besoin de statuer sur l'existence d'un doute sérieux quant à la légalité des décisions contestées, la requête présentée par M. F... et autres doit être rejetée.
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise sur leur fondement à la charge de l'Etat qui n'a pas la qualité de partie perdante.
O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de M. F..., MmeA..., Mme E...et l'Association pour la sécurité sanitaire des enfants est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B... F..., premier requérant dénommé, pour l'ensemble des requérants, au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire, à la ministre des solidarités et de la santé et au ministre de l'économie et des finances.