Elle soutient que :
- sa requête n'est pas tardive et, par suite, recevable, dès lors que l'arrêté contesté ne lui a pas été notifié ;
- elle a intérêt à agir en ce que l'arrêté contesté portant création de la forêt domaniale de la Terre de Cour a modifié les conditions d'exercice de son droit d'usage sur les terrains de la Terre de Cour ;
- la condition d'urgence est remplie dès lors que l'arrêté contesté, en entraînant un transfert de compétence de gestion de la Terre de Cour à l'Office national des forêts, d'une part, l'a dépossédée de l'exercice de ses droits d'usage et, d'autre part, a porté atteinte à ses intérêts financiers en ce que les attributaires des concessions de pâturage vont cesser d'exécuter les obligations mises à leur charge dans le cadre des concessions conclues avec elle ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté contesté ;
- l'arrêté contesté a été prise par une autorité incompétente pour en connaître ;
- il est entaché d'une erreur de droit dès lors qu'il méconnaît le droit d'usage spécial des habitants de la commune de Roquebillière sur la Terre de Cour, confirmé par une décision de justice définitive du 21 juin 1926.
Par un mémoire en défense, enregistré le 31 octobre 2018, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation conclut au rejet de la requête. Il soutient que, d'une part, le Conseil d'Etat n'est pas compétent en premier et dernier ressort pour connaître du litige, d'autre part, l'urgence n'est pas caractérisée et, enfin, les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Par des observations, enregistrées le 31 octobre 2018, l'Office national des forêts conclut à l'irrecevabilité de la requête. Il soutient que la requête est irrecevable car imprécise, que la condition d'urgence n'est pas caractérisée et que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Par des observations, enregistrées le 2 novembre 2018, la commune de Belvédère demande au Conseil d'Etat de faire droit aux conclusions de la requête.
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, la commune de Roquebillière, d'autre part, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation, l'Office national des forêts et les communes de Belvédère, Saint-Martin-Vésubie et Lantosque ;
Vu le procès-verbal de l'audience publique du 6 novembre 2018 à 14 heures 30 au cours de laquelle ont été entendus :
- Me Feschotte-Desbois, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la commune de Roquebillière et la commune de Belvédère ;
- le représentant de la commune de Roquebillière ;
- les représentants du ministre de l'agriculture et de l'administration ;
et à l'issue de laquelle le juge des référés a prolongé l'instruction jusqu'au 8 novembre 2018 à 18 heures ;
Par un mémoire, enregistré le 7 novembre 2018, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation, d'une part, reconnaît que la commune de Roquebillière est titulaire d'un droit d'usage sur la forêt de Terre de Cour, droit qui ne peut être remis en cause par la soumission au régime forestier de cette forêt et, d'autre part, indique que l'Office national des forêts reconnaît partager cette analyse et s'engage à ne pas porter atteinte dans le cadre de sa gestion au droit d'usage détenu par la commune de Roquebillière sur la forêt de la Terre de Cour.
Par un mémoire, enregistré le 8 novembre 2018, la commune de Roquebillière déclare se désister de ses conclusions devant le juge des référés du Conseil d'Etat, mais maintient celles tendant à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le traité de paix conclu en 1947 entre la France et l'Italie ;
- le code forestier ;
- l'arrêté portant création de la forêt domaniale de Terre de Cour (Alpes-Maritimes) sur les terrains du domaine privé de l'Etat du ministre de l'agriculture et de l'alimentation ;
- le code de justice administrative ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".
2. Aux termes de l'article L. 211-1 du code forestier : " I. - Relèvent du régime forestier, constitué des dispositions du présent livre, et sont administrés conformément à celui8ci : / 1° Les bois et forêts qui appartiennent à l'Etat, ou sur lesquels l'Etat a des droits de propriété indivis ; / 2° Les bois et forêts susceptibles d'aménagement, d'exploitation régulière ou de reconstitution qui appartiennent aux collectivités et personnes morales suivantes, ou sur lesquels elles ont des droits de propriété indivis, et auxquels ce régime a été rendu applicable dans les conditions prévues à l'article L. 214-3 : / a) Les régions, la collectivité territoriale de Corse, (...) / II. - Cessent de relever du régime forestier les bois et forêts de l'Etat mis à disposition d'une administration de l'Etat ou d'un établissement public national pour l'exercice de leurs missions. ". Aux termes de l'article L. 241-1 du même code : " Il ne peut être fait dans les bois et forêts de l'Etat aucune concession de droit d'usage de quelque nature et sous quelque prétexte que ce soit " et aux termes de l'article L. 241-2 du même code : " Ne sont admis à exercer un droit d'usage quelconque, dans les bois et forêts de l'Etat, que ceux dont les droits étaient le 31 juillet 1827 reconnus fondés soit par des actes du gouvernement, soit par des jugements ou arrêts définitifs ou reconnus tels par suite d'instances administratives ou judiciaires engagées devant les tribunaux dans le délai de deux ans à dater du 31 juillet 1827 par des usagers en jouissance à ce moment ".
3. La forêt de Terre de cour, sur le territoire de quatre communes des
Alpes-Maritimes dont celle de Roquebillière, est devenue propriété de l'Etat français en 1860 et 1947, en exécution de traités avec l'Italie. Par un arrêté du 9 octobre 2018, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation a déterminé les parcelles cadastrales de cette forêt auxquelles devait, en application des articles L. 211-1 et suivants du code forestier, s'appliquer le régime forestier.
4. En vertu des dispositions de l'article R. 311-1 du code de justice administrative, le Conseil d'Etat est compétent en premier et dernier ressort pour examiner les recours dirigés contre les actes réglementaires des ministres. Or, en raison même de son contenu, qui se borne à rendre applicable un régime juridique sans y ajouter aucune disposition, un arrêté ministériel se bornant à délimiter les parcelles auxquelles s'applique le régime forestier est dépourvu de caractère réglementaire. Le Conseil d'Etat n'est donc pas compétent, ni à ce titre, ni à aucun autre, pour examiner la requête de la commune, contrairement à ce que les mentions sur les voies de recours de l'arrêté indiquaient.
5. Cependant, lors de l'audience qui s'est tenue le 6 novembre, et dans un mémoire du 7 novembre, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation a confirmé que, si la propriété de l'Etat devait entraîner l'application du régime forestier, celui-ci ne pouvait avoir pour effet de porter atteinte aux droits d'usage de la commune sur certaines parcelles concernées, droits reconnus par plusieurs jugements de tribunaux de grande instance confirmés en appel. Le ministre a également indiqué que l'Office national des forêts (ONF), en tant que gestionnaire du régime forestier, devait nécessairement partager cette analyse, et, le cas échéant, revenir sur les actes ou agissements qui pourraient y avoir été contraires, ce que l'ONF a confirmé par un courrier produit par le ministre. En conséquence de ces constatations, la commune de Roquebillière a déclaré se désister des conclusions de sa requête devant le juge des référés du Conseil d'Etat.
6. Rien ne s'oppose à ce qu'il soit donné acte de ce désistement d'instance.
7. La commune a cependant maintenu ses conclusions à fin de versement d'une somme de 4 000 euros par l'Etat au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'y faire droit.
O R D O N N E :
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Article 1er : Il est donné acte du désistement de la commune de Roquebillière.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Roquebillière au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la commune de Roquebillière, au ministre de l'agriculture et de l'alimentation, à l'Office national des forêts et aux communes de Belvédère, Saint-Martin-Vésubie et Lantosque.