Par une ordonnance n° 1600367 du 4 juillet 2016, le juge des référés du tribunal administratif d'Amiens a condamné l'Etat à verser à M. B...une somme provisionnelle de 128 555,92 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 18 juillet 2012.
Procédure devant la cour :
Par un recours enregistré le 27 juillet 2016, le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt demande à la cour de réformer l'ordonnance de référé du tribunal administratif d'Amiens en limitant le montant de l'indemnité à une somme de 117 142,96 euros.
Il soutient que :
- l'ordonnance est insuffisamment motivée et, par suite, irrégulière ;
- en vertu de l'article R. 351-36 du code de la sécurité sociale, seules les caisses de retraite sont habilitées à calculer le montant de pension de retraite d'un assuré ;
- l'Etat ne conteste pas le principe de sa responsabilité mais ne peut être condamné à payer des sommes injustifiées alors qu'il existe une procédure de transaction pour rétablir les vétérinaires dans leurs droits sur des bases justes et validées ;
- M. B...n'est fondé à demander une provision correspondant à l'indemnisation des arriérés de cotisations du régime général et du régime complémentaire que dans la limite de 98 347,22 euros ;
- s'agissant du montant correspondant au différentiel de pensions échues pour le régime général, l'indemnité pour minoration de pensions échues s'élève à 8 808,90 euros, soit un différentiel de 293,63 euros sur trente mois, du 1er janvier 2014, date de liquidation de sa retraite salariée, au 1er juillet 2016, date de l'ordonnance attaquée ;
- s'agissant du montant pour le différentiel de pensions échues pour le régime complémentaire, le montant du préjudice s'élève à 9 986,34 euros ;
- le juge des référés a commis une erreur de droit en retenant comme point de départ de la période de réparation du préjudice né de l'absence de pension de retraite complémentaire, la date de liquidation de la retraite salariée de M.B..., soit le 1er janvier 2014 ; qu'il ne pouvait liquider sa retraite complémentaire à taux plein à 65 ans que le 1er mai 2015.
Par un mémoire en défense enregistré le 13 janvier 2017, M. A...B..., représenté par la SCP Richard, conclut au rejet du recours, à la condamnation de l'Etat à lui verser une provision de 136 548,81 euros, sauf à parfaire, au regard d'une éventuelle modification à intervenir du taux de rachat des cotisations sociales, assorties de l'intérêt au taux légal à compter du 18 juillet 2012, et à la mise à la charge de l'Etat de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu :
- le code rural et de la pêche maritime.
- le code de la sécurité sociale.
- loi n° 89-412 du 22 juin 1989.
- le code de justice administrative.
1. Considérant que M.B..., vétérinaire d'exercice libéral, a été titulaire d'un mandat sanitaire à compter de 1978, au titre duquel il a réalisé des actes de prophylaxie collective rémunérés par l'Etat dans les départements de la Somme et du Pas-de-Calais ; que M. B... a demandé à l'administration, par lettre du 16 juillet 2012, la régularisation de sa situation en raison de l'absence d'affiliation à la Caisse de retraite et de la santé au travail (CARSAT) et à l'Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'Etat et des collectivités publiques (IRCANTEC) lors de son activité exercée au titre de son mandat sanitaire ; que par une lettre du 5 mars 2013, le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, qui a reconnu le principe de la responsabilité de l'Etat, lui a communiqué une proposition d'assiette pour calculer les arriérés de cotisations et les indemnités pour minoration de pensions ; que M. B... a saisi le juge des référés du tribunal administratif d'Amiens d'une demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une provision à valoir sur la réparation du préjudice subi d'un montant de 136 548,81 euros ; que le ministre relève appel de l'ordonnance par laquelle le juge des référés du tribunal administratif d'Amiens a accordé une somme provisionnelle de 128 555,92 euros ; que par l'appel incident, M. B...demande qu'il soit fait droit à ses prétentions de première instance ;
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
2. Considérant que, contrairement à ce que soutient le ministre, le juge des référés du tribunal administratif d'Amiens a indiqué précisément les motifs sur lesquels il s'est fondé pour estimer que l'existence de l'obligation invoquée par M. B...pouvait être regardée comme non sérieusement contestable ; que, dès lors, l'ordonnance attaquée est suffisamment motivée ;
Sur le montant de la créance non sérieusement contestable :
3. Considérant qu'aux termes de l'article R. 541-1 du même code : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie. " ; qu'il résulte de ces dispositions que, pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude ; que dans ce cas, le montant de la provision que peut allouer le juge des référés n'a d'autre limite que celle résultant du caractère non sérieusement contestable de l'obligation dont les parties font état ; que dans l'hypothèse où l'évaluation du montant de la provision résultant de cette obligation est incertaine, le juge des référés ne doit allouer de provision, le cas échéant assortie d'une garantie, que pour la fraction de ce montant qui lui parait revêtir un caractère de certitude suffisant ;
4. Considérant que le préjudice ouvrant droit à réparation au profit de M.B..., qui constitue la créance dont il peut se prévaloir à l'encontre de l'Etat, correspond, d'une part, au montant des cotisations patronales et salariales qu'il aura à acquitter au lieu et place de l'Etat, son employeur, pour la période litigieuse, tant auprès du régime général de retraite que du régime complémentaire et, d'autre part, au montant du différentiel de pensions échues au titre de ces deux régimes de retraite ;
5. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction, en particulier des documents établis par les organismes de retraite général et complémentaire produits aux débats par le ministre et qui seuls peuvent servir de base de calcul à l'indemnité due à M.B... ; que s'agissant des arriérés de cotisations pour le régime général, le montant des cotisations dues à la CARSAT s'élève à 74 917,41 euros ; que s'agissant du différentiel de pensions échues pour le régime général applicable entre la date de la liquidation de la retraite le 1er janvier 2014 et la date de la présente ordonnance, le montant s'élève à la somme de 14 975,13 euros ; qu'il s'ensuit que M.B..., à qui il appartient de demander à la CARSAT une éventuelle revalorisation et actualisation au titre des années postérieures à 2014, ne peut prétendre, s'agissant du régime général, à obtenir une provision que dans la limite de la somme de 89 892,54 euros;
6. Considérant, d'autre part, que s'agissant des arriérés de cotisations pour le régime complémentaire, il ressort des éléments transmis par l'IRCANTEC que le montant des cotisations dues s'élève au total à 23 430,39 euros ; que, contrairement à ce que soutient le ministre, il résulte de l'instruction, et en particulier du document émanant de l'Arrco daté du 25 février 2014, que la retraite complémentaire salariée de M.B..., qui a bénéficié d'une retraite personnelle au titre de l'inaptitude au travail a pris effet dès le 1er janvier 2014 ; que, dès lors, c'est à bon droit que le juge des référés du tribunal administratif d'Amiens a, pour le montant du différentiel de pensions échues au titre du régime complémentaire, pris comme point de départ le 1er janvier 2014 ; qu'entre cette date et la date de la présente ordonnance, la somme s'élève à 36 378,81 euros ; qu'il s'ensuit que M. B... ne peut prétendre, s'agissant du régime complémentaire, à obtenir une provision que dans la limite de la somme de 59 809,10 euros ; qu'il suit de là, en l'état de l'instruction, que la somme totale non contestable à laquelle pourrait prétendre M. B...s'élève à 149 701,64 euros ; que toutefois, à hauteur d'appel, M. B...a limité, dans ses conclusions, sa demande de provision à la somme de 136 548,81 euros ; qu'il y a donc lieu de fixer cette provision à cette dernière somme ;
7. Considérant que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 18 juillet 2012, la date de réception par l'administration de sa demande préalable.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à M.B... ;
ORDONNE :
Article 1er : La somme de 128 555,92 euros que l'Etat a été condamné à verser à M. B... par le juge des référés du tribunal administratif d'Amiens est portée à 136 548,81 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 18 juillet 2012.
Article 2 : L'ordonnance du 4 juillet 2016 du juge des référés du tribunal administratif d'Amiens est réformée en ce qu'elle a de contraire à l'article 1er.
Article 3 : L'Etat versera à M. B...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le recours du ministre est rejeté.
Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée au ministre de l'agriculture et de l'alimentation et à M. A...B....
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N°16DA01378