Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 2 février 2016, M.D..., représenté par Me A... C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 15 décembre 2015 du tribunal administratif de Rouen ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ces décisions ;
3°) d'enjoindre au préfet de Seine-Maritime de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sous astreinte de 100 euros par jour de retard, dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, à titre subsidiaire de réexaminer sa situation dans le même délai et les mêmes conditions ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision de refus de titre de séjour méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cette décision méconnaît également les dispositions de l'article L. 312-2 de ce code ;
- elle contrevient aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'absence de saisine du médecin de l'agence régionale de santé ;
- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
Par un mémoire, enregistré le 4 juillet 2016, le préfet de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. D...ne sont pas fondés.
M. D...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 février 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Sur la légalité de la décision refusant le titre de séjour :
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire. (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 de ce code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. (...) L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur l'existence d'un traitement dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) " ; qu'aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 : " (...), le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis précisant : si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; s'il existe dans le pays dont il est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale ; la durée prévisible du traitement. Dans le cas où un traitement approprié existe dans le pays d'origine, il peut, au vu des éléments du dossier du demandeur, indiquer si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers ce pays. (...) " ;
2. Considérant que par un avis du 21 juillet 2014 ne liant pas le préfet, le médecin de l'agence régionale de santé de Haute-Normandie a indiqué que l'état de santé de M.D..., ressortissant arménien, nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; que, si ce médecin a considéré qu'il n'existe pas dans le pays dont il est originaire un traitement approprié pour sa prise en charge médicale, le préfet de la Seine-Maritime, par les pièces qu'il produit et notamment par la note verbale du 24 septembre 2014 du ministère arménien des affaires étrangères à l'ambassade de France en Arménie, relative aux possibilités de traitement par hémodialyse et aux possibilités de transplantation rénale dans ce pays, établit la réalité de la disponibilité du traitement de l'hypertension artérielle et de l'insuffisance rénale dont souffre M.D..., sans qu'à cet égard celui-ci puisse sérieusement soutenir que ce document serait à caractère trop général eu égard à son état de santé ; que dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'erreur manifeste qu'aurait commis le préfet de la Seine-Maritime dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la vie personnelle de M. D...doit être écarté ;
3. Considérant que le préfet n'est tenu de saisir la commission départementale du titre de séjour prévue par l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que du cas des personnes pouvant prétendre à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11 du même code ; que dès lors qu'il résulte de ce qui précède que M. D...n'était pas dans une telle situation, le préfet n'a pas entaché de vice de procédure l'arrêté contesté en ne consultant pas cette commission ;
4. Considérant que M.D..., entré en France le 28 août 2013 en compagnie de sa femme et de leur fils né en juin 2012, n'y dispose d'aucune attache familiale ; qu'il a fait l'objet le 10 février 2014 d'un arrêté du préfet de la Seine-Maritime lui refusant le séjour après le rejet de ses demandes d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, le 26 décembre 2013 et la Cour nationale du droit d'asile, le 8 janvier 2014 ; que son épouse est également en situation irrégulière en France ; que rien n'empêche la cellule familiale de se reconstituer en Arménie, pays où le requérant a vécu jusqu'à l'âge de trente ans et où il n'établit pas être isolé ; que dans ces conditions, eu égard à la durée et aux conditions du séjour de M. D..., l'arrêté du 24 avril 2015 du préfet de la Seine-Maritime n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et ne méconnaît ainsi pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il n'est pas davantage entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé ;
Sur la décision faisant obligation de quitter le territoire français :
5. Considérant que les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'article R. 313-22 de ce code et de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 ont pour objet de permettre au préfet, auquel il incombe de prendre en considération les modalités d'exécution d'une éventuelle mesure d'éloignement dès le stade de l'examen de la demande de titre de séjour présentée sur le fondement des dispositions rappelées ci-dessus du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de disposer d'une information complète sur l'état de santé d'un étranger malade, y compris sur sa capacité à voyager sans risque à destination de son pays d'origine ; que l'absence de l'indication prévue à l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 quant à la possibilité pour un étranger malade de voyager sans risque vers son pays d'origine ne met pas l'autorité préfectorale à même de se prononcer de manière éclairée sur la situation de cet étranger ; que, par suite, sauf s'il ressort des autres éléments du dossier que l'état de santé de l'étranger malade ne suscite pas d'interrogation sur sa capacité à supporter le voyage vers son pays d'origine, l'omission de l'indication en cause entache d'irrégularité la procédure suivie et partant affecte la légalité de l'arrêté pris à sa suite ;
6. Considérant que s'il est constant que M. D...souffre d'hypertension et d'une insuffisance rénale nécessitant trois séances de dialyse par semaine et qu'il est en attente d'une transplantation rénale ; que, toutefois, si le médecin de l'agence régionale de santé ne s'est pas prononcé sur la possibilité pour lui de voyager sans risque vers l'Arménie, c'est seulement en raison de son appréciation sur l'absence de traitement approprié dans ce pays ; que M.D..., en se bornant à invoquer " des règles de prudence" pour soutenir que son état de santé ne lui permettrait pas de voyager, ne produit aucune pièce médicale de nature à établir l'impossibilité pour lui de voyager vers l'Arménie,
7. Considérant qu'ainsi qu'il vient d'être dit au point 2 et 6, M. D...n'établit pas l'impossibilité de retour vers l'Arménie ni l'impossibilité d'y recevoir des soins ; que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;
8. Considérant qu'ainsi qu'il vient d'être dit au point 4, la décision contestée ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elle n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...D..., au ministre de l'intérieur et à Me A...C....
Copie en sera adressée à la préfète de la Seine-Maritime.
Délibéré après l'audience publique du 7 juillet 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,
- M. Olivier Nizet, président-assesseur,
- M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller.
Lu en audience publique le 22 juillet 2016.
Le rapporteur,
Signé : J.-J. GAUTHÉLe président de chambre,
Signé : P.-L. ALBERTINILe greffier,
Signé : I. GENOT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier,
Isabelle Genot
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N°16DA00222
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