Par une requête enregistrée le 15 février 2016, MmeD..., représentée par Me C... F..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 22 décembre 2015 du tribunal administratif de Rouen ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ces décisions ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Eure de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sous astreinte de 100 euros par jour de retard, dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, à titre subsidiaire de réexaminer sa situation dans le même délai et les mêmes conditions ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision de refus de titre de séjour méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cette décision méconnaît également les dispositions de l'article L. 312-2 de ce code ;
- elle contrevient aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision l'obligeant à quitter le territoire français n'est pas motivée ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier ;
- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision fixant le pays de destination méconnait les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 mars 2016, le préfet de l'Eure conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme D...ne sont pas fondés.
Mme D...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 janvier 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Sur la légalité de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour :
1. Considérant que par un avis du 15 avril 2015, le médecin de l'agence régionale de santé de Haute-Normandie a indiqué que l'état de santé de MmeD..., ressortissante albanaise, nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'il existe un traitement approprié dans son pays d'origine pour sa prise en charge médicale et que son état de santé lui permettait de voyager sans risque vers son pays d'origine ; que, si Mme D...soutient qu'elle ne pourrait effectivement avoir accès à un traitement dans son pays d'origine, en raison des coupures électriques qui perturberaient le fonctionnement de l'appareil nécessaire au traitement de l'arythmie paroxystique dont elle souffre, cette circonstance est dépourvue d'effet sur la légalité de la décision attaquée, dès lors qu'en vertu des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 précitées, dans leur version en vigueur à la date de la décision contestée, seule l'absence d'un traitement approprié dans son pays d'origine peut faire obstacle à la décision de refus de titre de séjour ; qu'enfin, aucun élément du dossier n'est de nature à remettre en cause l'appréciation du médecin de l'agence régionale de santé quant à l'absence de risque pour la requérante de voyager vers son pays d'origine ; que, par suite, le préfet de l'Eure n'a pas méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en refusant de délivrer le titre de séjour ;
2. Considérant que le préfet n'est tenu de saisir la commission départementale du titre de séjour prévue par l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que du cas des personnes pouvant prétendre à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11 du même code ; que dès lors qu'il résulte de ce qui précède que Mme D...n'était pas dans une telle situation, le préfet n'a pas entaché de vice de procédure l'arrêté contesté en ne consultant pas cette commission ;
3. Considérant que MmeD..., entrée en France irrégulièrement le 23 décembre 2012 ; que ses demandes d'asile ont été rejetées le 24 juin 2014 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et le 9 mars 2015 par la Cour nationale du droit d'asile ; que son compagnon de nationalité albanaise, M. A...B..., avec lequel elle a donné naissance en France à une fille le 25 juin 2014, est également en situation irrégulière ; que rien n'empêche la cellule familiale de se reconstituer en Albanie, pays où la requérante a vécu jusqu'à l'âge de dix-sept ans et où elle n'établit pas être isolée ; que, dans ces conditions, eu égard à la durée et aux conditions du séjour de MmeD..., l'arrêté du 29 avril 2015 du préfet de l'Eure n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et ne méconnaît ainsi pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il n'est pas davantage entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée ;
Sur la décision faisant obligation de quitter le territoire français :
4. Considérant qu'en vertu de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la motivation de la décision faisant obligation de quitter le territoire se confond avec celle de la décision relative au séjour en cas de refus de délivrance d'un titre de séjour ; que celle-ci comporte les éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement ; que par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision faisant obligation de quitter le territoire doit être écarté ;
5. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Eure n'ait pas procédé à un examen complet de la situation de MmeD... ;
6. Considérant qu'ainsi qu'il est dit au point 1, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'état de santé de Mme D...nécessite une prise en charge médicale ; que par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;
7. Considérant qu'ainsi qu'il est dit au point 3, la décision contestée ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elle n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée ;
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
8. Considérant qu'il y a lieu, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme D...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E...D..., au ministre de l'intérieur. et à Me C...F....
Copie en sera adressée pour information au préfet de l'Eure.
Délibéré après l'audience publique du 7 juillet 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,
- M. Olivier Nizet, président-assesseur,
- M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller.
Lu en audience publique le 22 juillet 2016.
Le rapporteur,
Signé : J.-J. GAUTHÉLe président de chambre,
Signé : P.-L. ALBERTINILe greffier,
Signé : I. GENOT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier,
Isabelle Genot
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N°16DA00311
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