Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 4 février 2016, le préfet de l'Eure demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen du 6 janvier 2016 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A...devant ce tribunal.
Il soutient que :
- le premier juge a retenu à tort que la décision plaçant M. A...en rétention administrative n'avait pas été précédée d'un examen suffisant de sa situation personnelle et qu'elle avait été prise en méconnaissance de l'article L. 562-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions ne pouvaient d'ailleurs trouver application ;
- les autres moyens soulevés par M. A...devant le tribunal administratif de Rouen ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : / (...) / 5° Fait l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière pris moins de trois années auparavant en application de l'article L. 533-1 ; / (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 561-2 de ce code : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation. / (...) " et qu'aux termes de l'article L. 562-1, alors en vigueur, du même code : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, lorsque l'étranger est père ou mère d'un enfant mineur résidant en France dont il contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation dans les conditions prévues à l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans et lorsque cet étranger ne peut pas être assigné à résidence en application de l'article L. 561-2 du présent code, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence avec surveillance électronique, après accord de l'étranger. / (...) " ;
2. Considérant que, si M. A...a fait état devant le premier juge, sans être contredit, qu'il était le père de deux enfants mineurs présents en France et à l'éducation et à l'entretien desquels il contribuait, le préfet de l'Eure fait valoir, au soutien de sa requête, que l'épouse de l'intéressé, mère de ces enfants, est elle-même en situation irrégulière de séjour sur le territoire français et qu'elle a fait l'objet, le 19 octobre 2015, d'une obligation de quitter le territoire français assortie d'une interdiction de retour sur ce territoire durant deux années ; que M. A...n'a fait état, dans ces conditions, d'aucune circonstance particulière qui ferait obstacle à ce qu'il puisse poursuivre, en compagnie de son épouse, qui est une compatriote, et de leurs enfants, leur vie familiale dans leur pays d'origine, ni n'a soutenu que ses enfants, nés en France en 2010 et 2011, ne pourraient y poursuivre leur scolarité en école maternelle ; que, dans ces conditions, le préfet de l'Eure a pu, sans méconnaître les dispositions précitées de l'article L. 562-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, refuser d'assigner M. A... à résidence avec surveillance électronique ; qu'enfin, les seuls faits que l'arrêté en litige, plaçant l'intéressé en rétention administrative, ne vise pas ces dispositions et ne fait pas mention, dans ses motifs, de la présence sur le territoire français des deux enfants de M. A... ne suffisent pas à établir que le préfet de l'Eure se serait pas livré à un examen suffisamment attentif de la situation de l'intéressé avant de décider de le placer en rétention administrative ; que, dès lors, par les éléments d'information nouveaux dont il se prévaut en appel, le préfet de l'Eure est fondé à soutenir que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a retenu à tort ces motifs pour annuler son arrêté du 3 janvier 2016 plaçant M. A...en rétention administrative ;
3. Considérant qu'il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A...devant le tribunal administratif de Rouen ;
4. Considérant qu'il résulte de l'examen des motifs de l'arrêté contesté du 3 janvier 2016 que ceux-ci énoncent notamment, après citation des dispositions précitées du 5° de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que M. A... a fait l'objet, le 13 juillet 2015, d'un arrêté de reconduite à la frontière à laquelle il n'a pas déféré et qu'il ne présente pas de garanties suffisantes de représentation ; qu'ainsi rédigés, ces motifs comportent l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles se fonde la décision plaçant M. A...en rétention administrative ; que, par suite et alors même que ces motifs ne détaillent pas l'ensemble des éléments caractérisant la situation particulière de l'intéressé et de sa famille, la décision de placement en rétention administrative en litige est suffisamment motivée au regard de l'exigence posée par l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 ;
5. Considérant qu'il est constant que M.A..., qui avait fait successivement état auprès de l'administration de plusieurs adresses différentes, était dépourvu de passeport en cours de validité, s'était maintenu irrégulièrement sur le territoire français en dépit de deux mesures d'éloignement et s'était, en dernier lieu, soustrait à l'exécution de l'arrêté de reconduite à la frontière du 13 juillet 2015 en refusant d'embarquer dans le vol qui avait été affrété, ne présentait pas, à la date à laquelle l'arrêté contesté a été pris, des garanties de représentation effectives au sens des dispositions précitées de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dès lors, pour ce motif et pour ceux énoncés au point 2, le moyen tiré de ce que, pour décider de placer l'intéressé en rétention administrative et non de le placer en résidence, le préfet de l'Eure aurait commis une erreur d'appréciation doit être écarté ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de l'Eure est fondé à demander l'annulation du jugement du 6 janvier 2016, par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 3 janvier 2016 ; qu'il suit de là que la demande présentée par M. A...devant ce tribunal doit être rejetée ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 6 janvier 2016 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Rouen est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B... A....
Copie en sera adressée, pour information, au préfet de l'Eure.
Délibéré après l'audience publique du 7 juillet 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,
- M. Olivier Nizet, président-assesseur,
- M. Jean-François Papin, premier conseiller.
Lu en audience publique le 22 juillet 2016.
Le rapporteur,
Signé : J.-F. PAPINLe président de chambre,
Signé : P.-L. ALBERTINI
Le greffier,
Signé : I. GENOT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
Isabelle Genot
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N°16DA00247