Par une requête enregistrée le 4 janvier 2018, M. A..., représenté par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 9 novembre 2017 du tribunal administratif de Grenoble ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. A... soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé, le tribunal n'ayant pas répondu au moyen tiré de l'indisponibilité de la somme découverte ;
- les sommes découvertes ont été saisies puis confisquées par le jugement du 12 octobre 2011 prononçant sa condamnation ; il n'en a donc jamais eu la disponibilité ; cette somme ne peut dès lors être regardée comme un revenu ;
- l'activité commerciale occulte a été portée à la connaissance de l'administration fiscale avant que celle-ci n'engage l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle ; elle était donc tenue d'engager une vérification de comptabilité, ce qu'elle n'a pas fait, entachant la procédure d'un vice de nature à justifier la décharge.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 mai 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Le ministre expose qu'aucun des moyens soulevés par M. A... n'est fondé.
Par une ordonnance 9 octobre 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 25 octobre 2018.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C..., première conseillère,
- et les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A... relève appel du jugement du 9 novembre 2017, par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contributions sociales mises à sa charge au titre de l'année 2009.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. M. A... soutient que le jugement attaqué est insuffisamment motivé, le tribunal administratif de Grenoble ayant omis de répondre au moyen tiré de l'indisponibilité de la somme découverte au domicile de son beau-frère, M. B..., lors d'une perquisition de la police judiciaire le 2 juillet 2009, qui a été saisie puis confisquée par le jugement du 12 octobre 2011 prononçant sa condamnation pénale. Il ressort, toutefois, des termes du jugement attaqué, qu'après avoir cité les dispositions de l'article 12 du code général des impôts, les premiers juges ont relevé que le requérant n'établissait pas que les espèces en cause, déposées chez son beau-frère, n'auraient pas constitué un revenu à sa disposition au sens de cet article, susceptible de générer un bénéfice imposable entre ses mains par application de la loi fiscale. Le jugement a ensuite écarté comme inopérante au regard du caractère imposable de ces espèces, la circonstance qu'elles ont été saisies par la justice dans le cadre de la perquisition, puis confisquées en exécution du jugement pénal intervenu le 12 octobre 2011. Dans ces conditions, le moyen d'irrégularité du jugement attaqué tiré d'une insuffisance de motivation doit être écarté.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
3. A l'issue de l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle de M. A... au titre des années 2008 et 2009, après que l'administration fiscale eut été informée spontanément par le tribunal de grande instance de Grenoble, le 21 mars 2011, de la mise en examen de M. A... pour infractions à la législation sur les stupéfiants commises en bande organisée, l'administration après lui avoir demandé, sur le fondement de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales, de justifier l'origine des espèces, pour un montant de 230 000 euros, découvertes dans un sac de sport lors d'une perquisition de la police judiciaire au domicile de son beau-frère, a estimé insuffisantes ses allégations selon lesquelles cette somme en espèces provenait d'économies accumulées sur trente ans, et a taxé d'office la somme correspondante à l'impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux au titre de l'année 2009 comme un revenu d'origine indéterminée.
4. Aux termes de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales : " En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements. Elle peut, en outre, lui demander des justifications (...) ". Aux termes de l'article L. 69 du même livre : " Sous réserve des dispositions particulières au mode de détermination des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices agricoles et des bénéfices non commerciaux, sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L. 16. ". Ces dispositions précitées autorisent l'administration à adresser au contribuable des demandes de justifications, à peine de taxation d'office pour absence de réponse, dans tous les cas où elle a réuni des éléments de nature à établir la possibilité d'une insuffisance de déclaration, et où cette insuffisance ne concerne pas les revenus d'une activité professionnelle exercée par le contribuable, imposables dans les catégories des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices non commerciaux ou des bénéfices agricoles.
5. Aux termes de l'article L. 47 C du livre des procédures fiscales : " Lorsque, au cours d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle, sont découvertes des activités occultes ou mises en évidence des conditions d'exercice non déclarées de l'activité d'un contribuable, l'administration n'est pas tenue d'engager une vérification de comptabilité pour régulariser la situation fiscale du contribuable au regard de cette activité. ". Il ne saurait être déduit à contrario de ces dispositions que lorsque la découverte des activités occultes ou la mise en évidence des conditions d'exercice non déclarées de l'activité sont intervenues préalablement à l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle, l'administration serait tenue d'engager une vérification de comptabilité.
6. Si l'administration fiscale commet un détournement de procédure lorsqu'elle utilise la procédure de demande de justification à peine de taxation d'office pour redresser des revenus dont elle n'ignore, à la date de sa demande, ni la nature ni par suite, le classement catégoriel, l'administration peut utiliser cette procédure, même si elle soupçonne que les ressources sur l'origine desquelles elle interroge l'intéressé proviennent d'un trafic de stupéfiants, dès lors que le contribuable, tout au long de la procédure fiscale engagée à son encontre, persiste à nier que les revenus en cause ont pour origine une activité occulte mais soutient qu'ils constituent le produit d'économies sur des revenus déclarés.
7. M. A... soutient que l'administration fiscale, informée de sa mise en examen pour trafic de stupéfiants, et après consultation des pièces de la procédure judiciaire diligentée à son encontre, en vue de relever d'éventuelles infractions fiscales, ne pouvait engager un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle sans engager préalablement une vérification de comptabilité de son activité illicite de trafic de stupéfiants, les dispositions de l'article L. 47 C du livre des procédures fiscales n'étant selon lui pas applicables en l'espèce. Toutefois, il résulte de l'instruction qu'à la date du contrôle, l'origine de la somme litigieuse n'était pas connue par l'administration fiscale. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle celle-ci a adressé au contribuable une demande de justifications, puis, après mise en demeure, l'a taxé d'office, estimant que la réponse du contribuable, qui soutenait qu'il s'agissait d'économies accumulées sur plusieurs années, n'était pas suffisante. De plus, il n'est ni établi, ni même allégué que les éléments recueillis de tiers dans le cadre de la procédure pénale seraient issus de la comptabilité du contribuable relative à son activité illicite. Ce n'est que postérieurement, lorsque le jugement correctionnel du tribunal de grande instance de Grenoble par lequel le contribuable a été reconnu coupable de trafic de stupéfiants et condamné à six ans d'emprisonnement est intervenu le 12 octobre 2011, que l'origine de la somme a été établie. L'administration fiscale a d'ailleurs, pour ce motif, demandé une substitution de base légale en première instance aux fins de taxer entre les mains de M. A... la somme en espèces dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux. La circonstance que l'administration aurait pu soupçonner que les espèces découvertes au domicile de son beau-frère provenaient de la distribution occulte de recettes dissimulées relevant de son activité illicite de trafic de stupéfiants ne faisait pas obstacle à ce qu'elle demandât à l'intéressé de justifier l'origine de ces sommes, à peine de taxation d'office en cas d'absence de réponse.
8. Le contribuable ne peut utilement soutenir que la procédure serait entachée d'irrégularité au motif que l'administration n'a pas préalablement engagé une vérification de comptabilité de son activité illicite, dont elle n'a eu confirmation de l'existence que postérieurement au contrôle, dès lors que l'imposition a été établie par voie de taxation d'office en application de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
9. Aux termes de l'article 12 du code général des impôts : " L'impôt est dû chaque année à raison des bénéfices ou revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année ".
10. C'est à bon droit que l'administration fiscale a taxé d'office M. A... sur la base des espèces découvertes dont il ne conteste pas qu'elles lui appartenaient, celles-ci ayant été regardées par le juge judiciaire comme des profits provenant de son activité illicite de trafic de stupéfiants, et qui en vertu des dispositions de l'article 12 du code général des impôts sont imposables en tant que bénéfices commerciaux constitutifs de revenus disponibles.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions qu'il présente en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'action et des comptes publics. Copie en sera adressée au Directeur du contrôle fiscal de Rhône-Alpes-Bourgogne.
Délibéré après l'audience du 27 novembre 2018, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Menasseyre, présidente-assesseure,
Mme C..., première conseillère.
Lu en audience publique le 8 janvier 2019.
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N° 18LY00024
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