Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 3 février 2017, M. B..., représenté par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 1er décembre 2016 du tribunal administratif de Bastia ;
2°) d'ordonner une nouvelle expertise ;
3°) de condamner le centre hospitalier de Bastia à lui verser la somme de 197 937,80 euros ;
4°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Bastia la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les dépens.
Il soutient que :
- l'expertise ordonnée par le juge des référés est irrégulière ;
- le centre hospitalier de Bastia a commis une faute médicale de nature à engager sa responsabilité ;
- la perte de chance résultant du défaut d'information doit être évaluée à un taux supérieur à 50 % ;
- les préjudices dont il demande l'indemnisation sont établis.
Par des observations, enregistrées le 28 avril 2017, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté par Me de la Grange, demande à la cour :
1°) à titre principal, de rejeter la requête présentée par M.B... ;
2°) à titre subsidiaire, de réduire le montant de l'indemnisation de M.B....
Il soutient que les moyens soulevés par M. B...ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 mars 2018, le centre hospitalier de Bastia, représenté par MeD..., demande à la cour de rejeter la requête présentée par M.B....
Il soutient que les moyens soulevés par M. B...ne sont pas fondés.
La requête a été communiquée à la caisse de mutualité sociale agricole de Corse, qui n'a pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la cour a désigné Mme Jorda-Lecroq, présidente-assesseure de la 2ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Merenne,
- et les conclusions de M. Argoud, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. B...fait appel du jugement du 1er décembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Bastia a condamné le centre hospitalier de Bastia à lui verser la somme de 21 400 euros en réparation des préjudices ayant résulté d'une intervention chirurgicale pratiquée le 15 mars 2010.
2. L'article R. 621-1 du code de justice administrative prévoit que la juridiction peut, soit d'office, soit sur la demande des parties ou de l'une d'elles, ordonner avant dire droit qu'il soit procédé à une expertise sur les points déterminés par la juridiction.
3. Le rapport de l'expert nommé par le juge des référés du tribunal administratif de Bastia, s'il a été daté du 20 octobre 2011 par son auteur, n'a été déposé au greffe du tribunal que le 5 mars 2013. En premier lieu, l'expert n'a pas donné suite aux demandes de M. B...et de son conseil tendant à ce que leur soient adressées les pièces médicales que lui avait transmis le centre hospitalier de Bastia, alors que le respect du caractère contradictoire de l'expertise impliquait que les parties fussent mises à même de discuter devant l'expert les éléments de cette nature, compte tenu de l'influence qu'ils pouvaient avoir sur la réponse aux questions qui lui étaient posées. En deuxième lieu, l'expert, en ne se prononçant ni sur le préjudice esthétique, ni sur l'incidence professionnelle du dommage, n'a pas complètement répondu à sa mission. En troisième lieu, le rapport d'expertise ne consigne pas les observations faites par les parties au cours des opérations, contrairement à ce que prévoit l'article R. 621-7 du code de justice administrative.
4. Ce rapport, même pris en tant qu'élément d'information, ne permet pas à la cour de statuer sur la requête de M. B...en toute connaissance de cause. Il y a lieu en conséquence d'ordonner avant dire droit une nouvelle expertise, qui aura lieu dans les conditions précisées ci-après.
D É C I D E :
Article 1er : Il sera, avant de statuer sur la requête de M.B..., procédé par un expert désigné par la présidente de la cour administrative d'appel, à une expertise.
L'expert aura pour mission :
a.- Sur les fautes médicales alléguées :
- de dire si l'intervention chirurgicale pratiquée le 15 mars 2010 était indiquée, en détaillant de façon motivée l'ensemble des éléments médicaux justifiant ou non de pratiquer une telle opération, notamment de préférence à une arthrodèse multi-étagée ;
- de dire si l'intervention chirurgicale pratiquée le 15 mars 2010 a été à l'origine d'une lésion, notamment lors de la mise en place de la cage " stricker ", et, dans l'affirmative, de préciser si cette lésion a pour origine une erreur commise par l'équipe médicale ;
- d'indiquer si l'intervention chirurgicale pratiquée le 15 mars 2010 a été à l'origine des séquelles ultérieures du patient, compte tenu de la reprise chirurgicale pratiquée en urgence le 16 mars 2010 ;
b.- Sur le défaut d'information allégué :
- indépendamment de l'absence au dossier médical d'un formulaire signé par la victime, d'indiquer si le patient a bénéficié de consultations individuelles préalablement à l'intervention chirurgicale pratiquée le 15 mars 2010 portant sur l'opération envisagée ;
- de retracer, compte tenu des éléments figurant au dossier médical et de ceux recueillis au cours des opérations d'expertise, les informations fournies au patient concernant tant l'intervention du 15 mars 2010 que celle du 16 mars 2010, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'elles comportaient ainsi que les autres solutions possibles ;
- de donner à la cour l'ensemble des informations nécessaires, notamment issues de la littérature médicale, sur les risques connus de ces actes qui présentaient soit une fréquence statistique significative, soit un caractère grave, ainsi que sur les conséquences prévisibles en cas de refus ;
c.- Sur l'indemnisation par la solidarité nationale :
- de dire si l'état du patient trouve son origine dans un aléa thérapeutique, en détaillant de façon motivée l'ensemble des éléments médicaux justifiant cette réponse ;
- d'évaluer avec précision le déficit fonctionnel permanent de la victime résultant des interventions chirurgicales pratiquées les 15 et 16 mars 2010, indépendamment de son état antérieur ;
d.- Sur les préjudices :
- de déterminer, d'une part, la date de consolidation des blessures et, d'autre part, la durée et le taux de déficit fonctionnel temporaire, le taux du déficit fonctionnel permanent, l'assistance par une tierce personne, le préjudice esthétique, les souffrances endurées, le préjudice d'agrément, le préjudice sexuel et l'incidence professionnelle du dommage ;
- de préciser avec soin, pour chaque poste de préjudice, en présentant le cas échéant des propositions alternatives, s'ils trouvent leur origine dans l'état de santé antérieur du patient, dans l'évolution normale de celui-ci, dans la commission d'une faute médicale ou dans la survenance d'un aléa thérapeutique ;
- d'indiquer si l'état de santé de la victime lui permettait avant l'opération une pratique régulière du vélo et de la course à pied ;
- de préciser la nature et l'importance des troubles sexuels dont fait état M. B...et d'indiquer s'ils trouvent leur origine dans les interventions chirurgicales pratiquées les 15 et 16 mars 2010.
Article 2 : L'expert accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. Il prêtera serment par écrit devant le greffier en chef de la cour. L'expert déposera son rapport au greffe de la cour en deux exemplaires et en notifiera copie aux parties dans le délai fixé par la présidente de la cour dans sa décision le désignant.
Article 3 : Les frais d'expertise sont réservés pour y être statué en fin d'instance.
Article 4 : Tous droits et moyens des parties, sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt, sont réservés jusqu'en fin d'instance.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., à la caisse de mutualité sociale agricole de Corse, au centre hospitalier de Bastia et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.
Délibéré après l'audience du 20 décembre 2018, où siégeaient :
- Mme Jorda-Lecroq, présidente-assesseure, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- MmeE..., première conseillère,
- M. Merenne, premier conseiller.
Lu en audience publique le 17 janvier 2019.
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N° 17MA00505
kp