Par un jugement n° 1500634 du 27 avril 2015, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses conclusions dirigées contre l'arrêté n° 1 du 22 janvier 2015 par lequel le préfet du Haut-Rhin a procédé au retrait de son titre de séjour.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête enregistrée le 4 mars 2015 sous le n° 15NC00463, M.C..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1500409 du 30 janvier 2015 du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 22 janvier 2015 l'obligeant à quitter le territoire français sans délai ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à Me B...d'une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. C...soutient que :
- sa requête de première instance n'était pas tardive, eu égard aux conditions dans lesquelles la décision l'obligeant à quitter le territoire français lui a été notifiée ;
- les dispositions du II de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues ;
- les dispositions des articles 27 et 28 de la directive 2004/38/CE ont été mal transposées en droit interne ;
- il ne pouvait faire l'objet d'une mesure d'éloignement sur le fondement de l'article L. 511-1-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il fait partie des étrangers protégés par l'article 28 de la directive ;
- le préfet n'a pas examiné sa situation au regard de la directive ;
- il ne représente pas une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société française ;
- l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet a commis une erreur d'appréciation en refusant de lui octroyer un délai de départ volontaire de trente jours.
Par un mémoire en défense enregistré le 16 septembre 2015, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.
II. Par une requête enregistrée le 15 mai 2015 sous le n° 15NC00936, M.C..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1500634 du 27 avril 2015 du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 22 janvier 2015 portant retrait de son titre de séjour ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à Me B...d'une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. C...soutient que :
- la décision est insuffisamment motivée ;
- le préfet du Haut-Rhin n'a pas examiné sa situation au regard des dispositions de la directive 2004/38/CE ;
- les dispositions des articles 27 et 28 de la directive 2004/38/CE ont été mal transposées en droit interne ;
- il ne représente pas une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société française ;
- l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 23 septembre 2015, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la directive n° 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Steinmetz-Schies, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Favret, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes n° 15NC00463 et 15NC00936 présentées par M. C...concernent la situation d'une même personne et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.
2. M.C..., ressortissant kosovar, né le 5 janvier 1974, a épousé en 1994 une ressortissante allemande et est entré en France en 2003. Il a bénéficié, entre 2003 et 2015, de titres de séjour successifs en sa qualité de conjoint d'une ressortissante communautaire, le dernier titre délivré étant valable du 16 mai 2013 au 15 mai 2018. Le 3 octobre 2014, il a été condamné à une peine privative de liberté de dix-huit mois pour transport, détention, acquisition, offre, emploi et cession de stupéfiants et a été incarcéré à.... Par deux arrêtés du 22 janvier 2015, le préfet du Haut-Rhin a retiré le titre de séjour de l'intéressé et a pris à son encontre une décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire. Par un arrêté du 26 janvier 2015, le préfet du Haut-Rhin a placé M. C... en rétention dans un local non pénitentiaire pour une durée de cinq jours. M. C...relève appel des jugements en date des 30 janvier et 27 avril 2015 du tribunal administratif de Strasbourg en tant qu'ils ont rejeté ses conclusions dirigées contre les arrêtés du 22 janvier 2015 portant retrait de son titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français sans délai.
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande de 1ère instance ;
Sur la légalité de l'arrêté du 22 janvier 2015 portant retrait du titre de séjour :
En ce qui concerne la motivation de l'arrêté contesté :
3. En premier lieu, contrairement à ce que soutient M.C..., l'arrêté du 22 janvier 2015, lui retirant son titre de séjour, pris au visa des articles L. 121-4 et L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, rappelle notamment les faits qui ont permis au préfet de considérer sa présence comme constituant une menace pour l'ordre public, ainsi que certains éléments concernant sa vie privée et familiale.
4. En deuxième lieu, dès lors que les dispositions de la directive communautaire 2004/38/CE ont été transposées en droit interne par la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011, le préfet n'avait pas à fonder son arrêté sur les dispositions de cette directive.
5. Il résulte de ce qui précède que l'arrêté contesté est suffisamment motivé en fait et en droit et les premiers juges ont suffisamment motivé leur jugement sur ce point.
En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de la directive 2004/38/CE :
6. M. D...ne peut pas utilement invoquer les dispositions de l'article 27 de la directive 2004/38/CE, qui avaient été transposées en droit français à la date de la décision en litige, comme il a été dit plus haut.
En ce qui concerne le moyen tiré de l'absence de menace à l'ordre public :
7. M. C...soutient qu'il ne constitue pas une menace pour l'ordre public et que les dispositions de l'article L. 121-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile s'écartent de la définition contenue dans la directive.
8. Aux termes de l'article 27 de la directive n° 2004/CE/38 : " 1. Sous réserve des dispositions du présent chapitre, les États membres peuvent restreindre la liberté de circulation et de séjour d'un citoyen de l'Union ou d'un membre de sa famille, quelle que soit sa nationalité, pour des raisons d'ordre public, de sécurité publique ou de santé publique. Ces raisons ne peuvent être invoquées à des fins économiques. / Les mesures d'ordre public ou de sécurité publique doivent respecter le principe de proportionnalité et être fondées exclusivement sur le comportement personnel de l'individu concerné. L'existence de condamnations pénales antérieures ne peut à elle seule motiver de telles mesures. / Le comportement de la personne concernée doit représenter une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société. Des justifications non directement liées au cas individuel concerné ou tenant à des raisons de prévention générale ne peuvent être retenues. ". Aux termes de l'article L. 121-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Tout citoyen de l'Union européenne, tout ressortissant d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse ou les membres de sa famille qui ne peuvent justifier d'un droit au séjour en application de l'article L. 121-1 ou de l'article L. 121-3 ou dont la présence constitue une menace à l'ordre public peut faire l'objet, selon le cas, d'une décision de refus de séjour, d'un refus de délivrance ou de renouvellement d'une carte de séjour ou d'un retrait de celle-ci ainsi que d'une mesure d'éloignement prévue au livre V. ".
9. En premier lieu, les dispositions de l'article L. 121-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, issues de l'article 23 de la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration, prises pour assurer entre autres la transposition de l'article 27 de la directive n° 2004/38/CE précitée, ont la même portée et le même contenu que la directive dès lors que la " menace à l'ordre public " doit être interprétée comme " une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société ". Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante transposition de la directive doit être écarté.
10. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. C...a notamment été condamné par jugement du tribunal correctionnel de Mulhouse du 8 avril 2010 à trois ans d'emprisonnement pour arrestation, enlèvement, séquestration ou détention arbitraire, participation à association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un délit puni de dix ans, contrebande de marchandises prohibées, transport, détention et offre non autorisés de stupéfiants et, par jugement du même tribunal du 3 octobre 2014, à dix-huit mois d'emprisonnement pour participation à association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un délit puni de dix ans, transport, détention et offre non autorisés de stupéfiants en récidive. Eu égard à la gravité des faits et à l'état de récidive, le comportement de M. C...doit être regardé comme représentant une menace réelle, actuelle et suffisamment grave, affectant un intérêt fondamental de la société et, par suite, une " menace à l'ordre public " au sens des dispositions de l'article L. 121-4 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet de Meurthe-et-Moselle était ainsi fondé à retirer, pour ce motif, le titre de séjour dont bénéficiait M.C....
En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
11. Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
12. M.C..., ressortissant kosovar, fait valoir qu'il a quitté son pays d'origine depuis plus de vingt ans, qu'il a épousé une ressortissante allemande le 4 mars 1994, avec laquelle il vit, à Geiswasser (68600), depuis 2003 et qu'il bénéficie d'une promesse d'embauche en qualité d'aide tailleur de pierre. Toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'il a passé plus de trois ans en détention depuis son entrée en France. Compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, eu égard à la nature et la gravité des faits pour lesquels il a été condamnés, leur actualité, leur répétition et l'état de récidive dans lequel il se trouvait, la décision contestée n'a pas porté au droit de M. C...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le préfet du Haut-Rhin n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur la légalité de l'arrêté du 22 janvier 2015 l'obligeant à quitter le territoire français :
13. En premier lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 9, M. D...ne peut pas utilement invoquer les dispositions de l'article 28 de la directive 2004/38/CE, qui avaient été suffisamment transposées en droit français à la date de la décision en litige.
14. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'une part : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, ou un membre de sa famille à quitter le territoire français lorsqu'elle constate : 1° Qu'il ne justifie plus d'aucun droit au séjour tel que prévu par les articles L.121-1, L. 121-3 ou L. 121-4-1 ; / 2° Ou que son séjour est constitutif d'un abus de droit. Constitue un abus de droit le fait de renouveler des séjours de moins de trois mois dans le but de se maintenir sur le territoire alors que les conditions requises pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois ne sont pas remplies. Constitue également un abus de droit le séjour en France dans le but essentiel de bénéficier du système d'assistance sociale ; / 3° Ou que, pendant la période de trois mois à compter de son entrée en France, son comportement personnel constitue une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société française. / L'autorité administrative compétente tient compte de l'ensemble des circonstances relatives à sa situation, notamment la durée du séjour de l'intéressé en France, son âge, son état de santé, sa situation familiale et économique, son intégration sociale et culturelle en France, et de l'intensité de ses liens avec son pays d'origine. / L'étranger dispose, pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, d'un délai qui, sauf urgence, ne peut être inférieur à trente jours à compter de sa notification. A titre exceptionnel, l'autorité administrative peut accorder un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. / L'obligation de quitter le territoire français fixe le pays à destination duquel il est renvoyé en cas d'exécution d'office. / Les articles L. 512-1 à L. 512-4 sont applicables aux mesures prises en application du présent article. ". D'autre part, aux termes de l'article L. 122-1 du CESEDA : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant visé à l'article L. 121-1 qui a résidé de manière légale et ininterrompue en France pendant les cinq années précédentes acquiert un droit au séjour permanent sur l'ensemble du territoire français. / Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le membre de sa famille mentionné à l'article L. 121-3 acquiert également un droit au séjour permanent sur l'ensemble du territoire français à condition qu'il ait résidé en France de manière légale et ininterrompue avec le ressortissant visé à l'article L. 121-1 pendant les cinq années précédentes. Une carte de séjour d'une durée de validité de dix ans renouvelable de plein droit lui est délivrée. ".
15. Ainsi qu'il l'a été dit au point 10, le comportement de M. C...constitue une menace pour l'ordre public. Par suite, le préfet du Haut-Rhin n'a pas commis d'erreur de droit en procédant à son éloignement.
16. En troisième lieu, aux termes de l'article 9 du Traité sur l'Union européenne : " Est citoyen de l'Union toute personne ayant la nationalité d'un Etat membre ". M.C..., ressortissant du Kosovo, Etat non membre de l'Union européenne, n'est pas citoyen de l'Union européenne. Par suite, le préfet du Haut-Rhin n'avait pas à établir que l'éloignement de M. C...se justifiait par des motifs graves de sécurité publique.
17. En quatrième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 12.
Sur la légalité de la décision refusant de lui octroyer un délai de départ volontaire :
18. M. C...reprend en appel, sans apporter d'élément nouveau, le moyen tiré de ce que le préfet a commis une erreur d'appréciation en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
19. Il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des arrêtés des 22 janvier 2015 par lesquels le préfet du Haut-Rhin a procédé au retrait de son titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai. Ses conclusions tendant à ce qu'une somme représentative des frais de procédure soit, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, ne peuvent, par voie de conséquence, qu'être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : Les requêtes présentées par M. C...sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.
''
''
''
''
2
N° 15NC00463-15NC00936