Procédure devant la cour :
I. Par une requête enregistrée le 19 mai 2015 sous le n° 15NC0961, le préfet des Vosges demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1501273, 1501274 du 12 mai 2015 du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) de rejeter les demandes de M. et MmeC... ;
Le préfet des Vosges soutient que :
- M. et Mme C...ont reçu le 9 janvier 2015 les informations prévues par l'article 18 du règlement du Conseil du 11 décembre 2000.
En ce qui concerne les décisions prononçant la remise aux autorités hongroises :
- les arrêtés ont été signés par une autorité compétente ;
- les arrêtés sont motivés en fait et en droit ;
- M. et Mme C...ont été informés de leurs droits ;
- la situation administrative de M. et Mme C...ne relève pas des dérogations prévues par les articles 17.1 ou 17.2 du règlement CE n° 604/2013.
En ce qui concerne les décisions portant assignation à résidence :
- les arrêtés ont été signés par une autorité compétente ;
- les arrêtés sont suffisamment motivés en fait et en droit ;
- le préfet a pris en considération la situation personnelle de M. et MmeC... ;
- M. et Mme C...ont pu apporter toutes observations utiles ;
- la convocation qui leur a été notifiée était suffisamment précise.
Par un mémoire en défense enregistré le 1er octobre 2015, M.C..., représenté par MeD..., conclut :
- au rejet de la requête ;
- à l'annulation des arrêtés entrepris ;
- à ce qu'il soit enjoint au préfet des Vosges à titre principal, de l'autoriser à déposer une demande d'asile et de lui délivrer en conséquence une autorisation provisoire de séjour jusqu'à la notification de la décision du directeur de l'Ofpra et à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir ;
-.à ce qu'une somme de 1 800 euros TTC soit mise à la charge de l'Etat et versée à MeD..., conseil du requérant en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- Il n'a pas reçu une information conforme à l'article 18 du règlement " Eurodac " avant la prise des empreintes digitales.
En ce qui concerne l'arrêté du 30 avril 2015 portant remise aux autorités hongroises :
- l'arrêté est signé par une autorité incompétente ;
- l'arrêté n'est pas suffisamment motivé ;
- l'arrêté ne respecte pas les dispositions de l'article 531-1 et 2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il n'a pas bénéficié des garanties prévues par l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ;
- l'arrêté méconnait les dispositions des articles 4 et 5 du règlement n° 604/2013 ;
- le préfet a entaché sa décision d'une erreur de droit en estimant ne pas pouvoir faire application d'une des clauses discrétionnaires ;
- le préfet n'a pas tenu compte de la situation du requérant dans le pays de renvoi et a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.
En ce qui concerne l'arrêté du 30 avril 2015 portant assignation à résidence :
- l'arrêté est signé par une autorité incompétente ;
- l'arrêté méconnait l'article 41 de la charte des droits fondamentaux et les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ;
- l'arrêté n'est pas suffisamment motivé ;
- l'arrêté est entaché d'erreurs de droit ;
- l'arrêté est entaché d'erreur d'appréciation.
II. Par une requête enregistrée le 19 mai 2015 sous le n° 15NC00962, le préfet des Vosges demande à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement n° 1501273, 1501274 en date du 12 mai 2015 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé les arrêtés du 30 avril 2015.
Le préfet des Vosges soutient que :
- le moyen d'annulation retenu contre les arrêtés de remise aux autorités hongroises et d'assignation à résidence n'est pas fondé ;
- les autres moyens des intéressés n'étaient pas susceptibles de conduire aux annulations demandées.
Par un mémoire en défense enregistrés le 1er octobre 2015, M. et MmeC..., représentés par MeD..., concluent :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à ce qu'une somme de 1 800 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que les moyens soulevés dans la requête en annulation par le préfet des Vosges ne sont pas fondés et que les conclusions tendant au sursis à exécution du jugement contesté ne peuvent dès lors qu'être rejetées.
M. et Mme C...ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par des décisions du 24 septembre 2015.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la charte des droits fondamentaux ;
- le règlement (UE) n° 118/2014 de la commission du 30 janvier 2014 ;
- le règlement (CE) n° 604/2013 du Parlement et du conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement (CE) n° 2725/2000 du Conseil du 11 décembre 2000 concernant la création du système " Eurodac " pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace de la convention de Dublin ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Steinmetz-Schies, premier conseiller,
- et les observations de MeD..., pour M. et MmeC....
Considérant ce qui suit :
1. M. et MmeC..., de nationalité kosovare, sont entrés irrégulièrement en France le 25 décembre 2014. Le relevé de leurs empreintes digitales a permis de constater qu'elles avaient déjà été relevées le 21 novembre 2014 par les autorités hongroises. Le préfet des Vosges a dès lors saisi les autorités de ce pays afin de déterminer l'Etat responsable de l'examen de leurs demandes d'asile. Le 16 février 2015, les autorités hongroises ont fait connaître leur accord de reprise en charge. Par arrêtés du 30 avril 2015, le préfet des Vosges a d'une part, prononcé leur remise aux autorités hongroises et d'autre part, décidé de leur assignation à résidence. Le préfet de la Moselle relève appel du jugement du 12 mai 2015 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé les arrêtés du 30 avril 2015.
Sur la requête n° 15NC00961 :
2. Le tribunal administratif de Strasbourg a annulé les arrêtés du 30 avril 2015 par lesquels le préfet des Vosges a ordonné la remise aux autorités hongroises de M. et Mme C... et les a assignés à résidence au motif que M. et Mme C...n'ont pas reçu, préalablement au relevé de leurs empreintes digitales, les informations prévues par l'article 18 du règlement du Conseil du 11 décembre 2000, en méconnaissance des dispositions de l'article 10 de la directive du 1er décembre 2005.
3. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 18 du règlement n° 2725/2000 du Conseil du 11 décembre 2000 susvisé : " 1. Toute personne visée par le présent règlement est informée par l'État membre d'origine: / a) de l'identité du responsable du traitement et de son représentant, le cas échéant; / b) de la raison pour laquelle les données vont être traitées par Eurodac; / c) des destinataires des données; / d) dans le cas des personnes visées à l'article 4 ou à l'article 8, de l'obligation d'accepter que ses empreintes digitales soient relevées; / e) de l'existence d'un droit d'accès aux données la concernant et d'un droit de rectification de ces données./ Dans le cas de personnes visées à l'article 4 ou à l'article 8, les informations visées au premier alinéa sont fournies au moment où les empreintes digitales sont relevées.". Aux termes du paragraphe 1 de l'article 10 de la directive du 1er décembre 2005 susvisée : " En ce qui concerne les procédures prévues au chapitre III, les Etats membres veillent à ce que tous les demandeurs d'asile bénéficient des garanties suivantes : / a) ils sont informés, dans une langue dont il est raisonnable de supposer qu'ils la comprennent, de la procédure à suivre et de leurs droits et obligations au cours de la procédure ainsi que des conséquences que pourrait avoir le non-respect de leurs obligations ou le refus de coopérer avec les autorités. Ils sont informés du calendrier, ainsi que des moyens dont ils disposent pour remplir leur obligation de présenter les éléments visés à l'article 4 de la directive 2004/83/CE. Ces informations leur sont communiquées à temps pour leur permettre d'exercer les droits garantis par la présente directive et de se conformer aux obligations décrites à l'article 11 ; (...) ".
4. Il ressort des arrêtés portant assignation à résidence, pris le même jour, ainsi que des pièces versées au dossier que M. et Mme C...ont été informés, le 9 janvier 2015, de la demande du préfet auprès des autorités hongroises afin de déterminer le pays responsable de leur demande d'asile et qu'ils ont fait l'objet le 13 mars 2015 d'arrêtés préfectoraux leur refusant l'admission au séjour en qualité de demandeurs d'asile. Ils ont reçu communication des formulaires rédigés en langue albanaise et bosniaque, les informant de la mise en oeuvre de la procédure et de leurs droits et obligations. Ils ont lu et signé lesdits formulaires. Par suite, les arrêtés contestés n'ont pas été pris à l'issue d'une procédure irrégulière. Le préfet des Vosges est donc fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a retenu ce moyen pour prononcer l'annulation des arrêtés contestés.
5. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. et Mme C... tant devant le tribunal que devant la cour en appel.
Sur la légalité des arrêtés du 30 avril 2015 prononçant la remise de M. et Mme C... aux autorités hongroises :
6. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que les arrêtés du 30 avril 2015 en litige ont été signés par M. Eric Requet, secrétaire général de la préfecture des Vosges, qui bénéficiait d'une délégation de signature du préfet des Vosges en date du 9 mars 2015, régulièrement publiée le même jour au recueil des actes administratifs du département, à l'effet de " signer tous arrêtés, décisions (...) relevant des attributions de l'État dans le département des Vosges " à l'exception de certains actes au nombre desquels ne figurent pas les arrêtés de remise d'un demandeur d'asile à l'Etat membre compétent pour instruire la demande. Il suit de là que le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué manque en fait et doit être écarté.
7. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutiennent M. et MmeC..., les arrêtés du 30 avril 2015 par lesquels le préfet des Vosges a prononcé leur remise aux autorités hongroises, prises au visa de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de la convention de Genève du 28 juillet 1951, du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, du règlement UE n° 118/2014 de la commission du 30 janvier 2014, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, rappellent notamment les conditions d'entrée des requérants, leur situation juridique, familiale et personnelle et sont ainsi suffisamment motivés en fait et en droit. La motivation des arrêtés qui n'est pas stéréotypée, démontre que le préfet a procédé à un examen particulier de leur situation personnelle. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation des arrêtés contestés manque en fait et doit être écarté.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi nº 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix (...). Les dispositions de l'alinéa précédent ne sont pas applicables : - (...) 3º Aux décisions pour lesquelles des dispositions législatives ont instauré une procédure contradictoire particulière ". Aux termes de l'article L. 531-1 du code d'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de remise aux autorités d'un autre Etat membre " peut être exécutée d'office par l'administration après que l'intéressé a été mis en mesure de présenter des observations et d'avertir ou faire avertir son consulat, un conseil ou toute personne de son choix ".
9. Il ressort des dispositions du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation de quitter le territoire français, laquelle est susceptible de donner lieu à une mesure de remise aux autorités compétentes. M. et Mme C...ont été mis en mesure de savoir qu'une mesure de remise aux autorités compétentes était susceptible d'être prise à leur encontre et ainsi mis à même d'exposer les raisons pour lesquelles ils auraient pu ne pas être remis, dès lors qu'ils ont été informés de la mise en oeuvre de cette procédure par le formulaire complet rédigé en langue albanaise et bosniaque qui leur a été remis le 9 janvier 2015, formulaire qu'ils ont lu, compris et signé. Le moyen tiré du non respect de la procédure contradictoire prévue par les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 et de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.
10. En quatrième lieu, aux termes aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé relatif au droit à l'information : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un État membre peut mener à la désignation de cet État membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; /e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5.FR 29.6.2013 Journal officiel de l'Union européenne L 180/37/3. (...)". Aux termes de l'article 20 de ce règlement : " (...) 2. Une demande de protection internationale est réputée introduite à partir du moment où un formulaire présenté par le demandeur (...) est parvenu aux autorités compétentes de l'Etat membre concerné (...). "
11. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement du 26 juin 2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement, et, en tous cas, avant la décision par laquelle l'autorité administrative décide de refuser l'admission provisoire au séjour de l'intéressé au motif que la France n'est pas responsable de l'instruction de sa demande d'asile, une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend. Cette information doit comprendre l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. Eu égard à la nature de ces informations, la remise par l'autorité administrative de la brochure prévue par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie.
12. Les requérants font valoir qu'ils n'ont pas reçu, dès le début de la procédure, l'ensemble des informations prévues par les dispositions précitées.
13. Il ressort toutefois des pièces du dossier que les requérants ont été, d'une part informés le 9 janvier 2015, préalablement à leurs demandes du 13 janvier 2015, que le préfet allait saisir les autorités hongroises afin de déterminer l'Etat responsable de leurs demandes d'asile, d'autre part, qu'ils se sont vu remettre à la préfecture, le 9 janvier 2015, une brochure de 14 pages et un guide de 41 pages les informant de la procédure, documents rédigés en langue albanaise et bosniaque, qu'ils ont lus, compris et signés. Il suit de là que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir qu'ils n'ont pas été suffisamment informés de la procédure menée à leur encontre.
14. En cinquième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604-2013 du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. (...) / 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile, et en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'Etat membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. (...) / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'Etat membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'Etat membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé.".
15. M. et Mme C...soutiennent qu'il n'y a pas eu de véritable entretien dès lors que le formulaire n'est pas complètement rempli et ne comporte pas la mention de l'heure de l'entretien, du respect de la confidentialité, de la qualité de la personne qui a mené l'entretien à défaut de mention de l'identité de l'agent. Enfin, ils font valoir que l'interprète, qui est intervenu par voie téléphonique, n'est pas inscrit sur une des listes agréées par le procureur de la République ou l'administration.
16. Il ressort des pièces du dossier que M. et Mme C...ont été convoqués le 13 mars 2015 à 9 h 00 à la préfecture, qu'ils ont été assistés par un interprète dont aucun élément ne permet d'établir qu'il ne figurait pas sur la liste des interprètes agréés, et qu'ils pouvaient faire valoir, dans un délai de dix jours, leurs observations quant à la mise en oeuvre d'une possible remise aux autorités hongroises, d'un placement en rétention ou d'une assignation à résidence. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'ils aient formulé des observations particulières ni qu'ils aient été privés d'une garantie. Le moyen sera par suite écarté.
17. En sixième lieu, aux termes de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) / 2. L'État membre dans lequel une demande de protection internationale est présentée et qui procède à la détermination de l'État membre responsable, ou l'État membre responsable, peut à tout moment, avant qu'une première décision soit prise sur le fond, demander à un autre État membre de prendre un demandeur en charge pour rapprocher tout parent pour des raisons humanitaires fondées, notamment, sur des motifs familiaux ou culturels, même si cet autre État membre n'est pas responsable au titre des critères définis aux articles 8 à 11 et 16. Les personnes concernées doivent exprimer leur consentement par écrit ".
18. Les requérants n'établissent, ni même n'allèguent, avoir porté à la connaissance du préfet, avant l'édiction des arrêtés litigieux, des éléments relatifs à leur situation personnelle de nature à justifier la mise en oeuvre, à titre dérogatoire, des stipulations précitées. Si les requérants soutiennent, en se fondant sur les rapports du comité Helsinki Hongrois, du réseau européen ECRE et du HCR que les autorités hongroises n'assureront pas le respect du droit d'asile, les éléments produits ne suffisent pas à établir que la réadmission d'un demandeur d'asile vers la Hongrie est, par elle-même, constitutive d'une atteinte grave au droit d'asile. Par suite, le préfet des Vosges n'a pas méconnu l'article 17 précité du règlement (UE) 604/2013 du 26 juin 2013 en s'abstenant de faire usage de son pouvoir discrétionnaire pour conserver l'examen de la demande d'asile déposée par M. et Mme C....
19. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C...ne sont pas fondés à demander l'annulation des arrêtés du 30 avril 2015 prononçant leur remise aux autorités hongroises.
Sur la légalité des arrêtés du 30 avril 2015 portant assignation à résidence de M. et MmeC... :
20. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que les arrêtés du 30 avril 2015 en litige ont été signés par M. A...E..., chef du service des titres, qui bénéficiait d'une délégation de signature du préfet des Vosges en date du 9 mars 2015, régulièrement publiée le même jour au recueil des actes administratifs du département, à l'effet de " signer les arrêtés portant maintien sous surveillance des étrangers en instance de départ (...), reconduite à la frontière (...) ". Il suit de là que le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué manque en fait et doit être écarté.
21. En deuxième lieu, les arrêtés litigieux, après avoir cités les article L. 561-2, R. 561-2 et R. 561-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mentionnent précisément les éléments de fait qui en constituent le fondement, notamment la circonstance que M. et Mme C...ont fait l'objet d'arrêtés du 13 mars 2015 leur refusant l'admission au séjour en qualité de demandeur d'asile, qu'ils sont en situation irrégulière sur le territoire national et qu'ils ont fait l'objet le 30 avril 2015 d'arrêtés portant remise aux autorités hongroises, responsables de l'instruction de leur demande d'asile. Compte tenu de ces précisions et alors même que le préfet n'a pas expressément fait référence à l' hypothèse de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans laquelle se trouvent les requérants, ils ne sont pas fondés à soutenir que les arrêtés pris à leur encontre étaient insuffisamment motivés.
22. En troisième lieu, aux termes de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / 2. Ce droit comporte notamment : / le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ". Le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour. Il n'implique toutefois pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français ou sur la décision le plaçant en rétention dans l'attente de l'exécution de la mesure d'éloignement, dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement.
23. Il ressort des pièces du dossier, que préalablement aux décisions litigieuses, M. et Mme C...ont été reçus à la préfecture le 9 janvier 2015, ont été entendus, et se sont vu notifier le 13 mars 2015 des arrêtés leur refusant l'admission au séjour en qualité de demandeur d'asile, ainsi que deux arrêtés de remise aux autorités hongroises le 30 avril 2015. Dans ces conditions, les requérants, qui ont ainsi pu être entendus, ne sont pas fondés à soutenir qu'ils n'ont pas été mis en mesure de présenter leurs observations préalablement aux décisions litigieuses en méconnaissance des exigences de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
24. En quatrième lieu, aux termes de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi nº 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix (...) / Les dispositions de l'alinéa précédent ne sont pas applicables : (...) / 3º Aux décisions pour lesquelles des dispositions législatives ont instauré une procédure contradictoire particulière ".
25. Il ressort des dispositions du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation de quitter le territoire français, laquelle est susceptible de donner lieu à une mesure de rétention de l'étranger. Il s'ensuit que le moyen tiré du non respect de la procédure contradictoire prévue par les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ne peut qu'être écarté.
26. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation. (...) ".
27. Il ressort des arrêtés contestés que le préfet a considéré que si le risque de fuite est justifié par l'absence de garanties suffisantes de représentation, il a estimé, en raison de la présence en France des deux époux, qu'une mesure d'assignation à résidence apparaissait comme une mesure appropriée et proportionnée dans l'attente de l'organisation de leur départ. M. et MmeC..., qui n'apportent aucun élément propre à établir qu'il n'y aurait pas risque de fuite, ne sont pas fondés à soutenir que par ses arrêtés prononçant leur assignation à résidence, le préfet des Vosges a entaché ses décisions d'une erreur manifeste d'appréciation ou méconnu les dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
28. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C...ne sont pas fondés à demander l'annulation des arrêtés du 30 avril 2015. Leurs conclusions d'injonction et celles tendant à ce qu'une somme représentative des frais de procédure soit, en application des dispositions des articles 75-I et 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, ne peuvent, par voie de conséquence, qu'être rejetées.
Sur la requête n° 15NC00962 :
29. Dès lors que le présent arrêt statue sur la requête du préfet des Vosges à fin d'annulation du jugement du 12 mai 2015 du tribunal administratif de Nancy, les conclusions à fin de sursis à exécution de ce jugement sont devenues sans objet. Il n'y a donc pas lieu d'y statuer.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du 12 mai 2015 du tribunal administratif de Nancy est annulé.
Article 2 : Les demandes de M. et Mme C...tendant à l'annulation des arrêtés portant remise aux autorités hongroises et assignation à résidence présentées devant le tribunal administratif de Nancy sont rejetées.
Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 15NC00962 tendant au sursis à l'exécution du jugement du 12 mai 2015 du tribunal administratif de Nancy.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...C..., à Mme F...C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Vosges.
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N° 15NC00961-15NC00962