Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 10 novembre 2015, M.A..., représenté par Me Coche-Mainente, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 28 septembre 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Marne du 21 septembre 2015 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à Me Coche-Mainente en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, ainsi que les entiers dépens.
Il soutient que :
- l'arrêté contesté a été signé par une autorité incompétente ;
- cet arrêté est insuffisamment motivé, en méconnaissance des dispositions de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 ;
- le préfet n'a pas procédé à l'examen de sa situation personnelle ;
- cet arrêté méconnaît les stipulations de l'article 5§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet a commis une erreur d'appréciation en le plaçant en rétention administration car il dispose de garanties de représentation suffisantes ;
- aucune diligence visant à permettre l'exécution de la mesure d'éloignement dont il a fait l'objet n'avait été accomplie à la date de son placement en rétention administrative.
Le préfet de la Marne n'a pas produit de mémoire en défense, en dépit d'une mise en demeure en ce sens.
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 avril 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Fuchs a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M.A..., ressortissant arménien né le 4 août 1992, est entré irrégulièrement en France le 17 juin 2011, en compagnie de son épouse, afin d'y solliciter la reconnaissance de la qualité de réfugié ; que sa demande a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 31 juillet 2012, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 5 août 2013 ; que l'intéressé a alors demandé la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers ; que, par un arrêté du 31 décembre 2014, le préfet de la Marne a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'expiration de ce délai ; que, par arrêté du 21 septembre 2015, le préfet de la Marne a ordonné son placement en rétention administrative ; que M. A...relève appel du jugement du 28 septembre 2015 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nancy, statuant selon la procédure prévue au III de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : (...) 6° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé " ; qu'aux termes de l'article L. 561-2 du même code : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation (...) " ; qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 de ce code, le risque que l'étranger se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, " (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 (...) " ; qu'enfin, aux termes de l'article L. 554-1 du même code : " Un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration doit exercer toute diligence à cet effet " ;
3. Considérant qu'au regard tant de l'objet de la mesure de placement en rétention administrative que des dispositions de l'article L. 554-1 citées ci-dessus, l'administration ne peut placer l'étranger en rétention administrative que dans la mesure où cela est strictement nécessaire à son départ et en vue d'accomplir les diligences visant à permettre une exécution d'office de l'obligation de quitter le territoire français, notamment celles qui doivent permettre la détermination du pays de renvoi ; qu'il appartient au juge administratif, saisi sur le fondement du III de l'article L. 512-1, lorsque le caractère strictement nécessaire du placement en rétention est contesté devant lui, de contrôler que l'administration met en oeuvre de telles diligences ;
4. Considérant que M. A...soutient pour la première fois en appel que l'administration n'a pas accompli les diligences visant à permettre l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français à laquelle il est soumis et que, par suite, son placement en rétention administrative ne présente pas de caractère nécessaire ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les faits qu'il expose seraient entachés d'inexactitude ; que ses affirmations ne sont pas contredites par le préfet de la Marne, qui n'a pas présenté de mémoire en défense en appel malgré la mise en demeure qui lui a été adressée ; qu'il s'ensuit que le requérant est fondé à soutenir que son placement en rétention administrative n'était pas justifié et que l'arrêté en litige doit être annulé ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande ;
Sur les dépens :
6. Considérant qu'aucun dépens n'a été exposé dans la présente instance ; que, par conséquent, les conclusions de M. A...tendant à ce que les dépens soient mis à la charge du préfet de la Marne doivent être rejetées ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
7. Considérant que M. A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros à Me Coche-Mainente, avocate de M. A..., sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, ;
D E C I D E
Article 1er : Le jugement du 28 septembre 2015 du tribunal administratif de Nancy ainsi que l'arrêté du préfet de la Marne du 21 septembre 2015 ordonnant le placement en rétention administrative de M. A...sont annulés.
Article 2 : L'Etat versera à Me Coche-Mainente une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Coche-Mainente renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet de la Marne.
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N° 15NC02266