Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 22 décembre 2017, Mme B...C..., représentée par Me E...D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler ces décisions ;
3°) d'enjoindre, sous astreinte de 75 euros par jour de retard, à la préfète de Loire-Atlantique de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que le centre de ses intérêts privés et familiaux se situe en France ainsi que l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant dès lors que la cellule familiale ne peut s'organiser qu'en France et que l'ainé de ses enfants n'a pas été scolarisé dans son pays d'origine.
Par un mémoire, enregistré le 22 janvier 2018, la préfète de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête en s'en remettant à ses écritures de première instance.
Mme C...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 22 novembre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990, notamment son article 3 paragraphe 1 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Malingue,
- et les observations de Me E...D..., représentant MmeC....
Considérant ce qui suit :
1. MmeC..., ressortissante algérienne née le 3 janvier 1988, relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 avril 2017 par lequel la préfète de la Loire-Atlantique lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. Le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant stipule que : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.
3. Il ressort des pièces du dossier que MmeC..., qui s'est mariée le 15 juillet 2010 avec M.A..., ressortissant algérien résidant sur le territoire français, est entrée irrégulièrement en France, le 21 janvier 2015, selon ses déclarations, avec son fils né le 1er mai 2011. Elle a donné naissance à deux autres enfants nés de sa relation avec M. A...les 4 février 2015 et 2 janvier 2016. Elle est divorcée de ce dernier depuis un jugement du tribunal de grande instance de Nantes du 26 mai 2016, lequel homologue la convention du 26 mai 2016 qui prévoit un exercice conjoint de l'autorité parentale sur les trois enfants mineurs, une résidence alternée des enfants à compter de l'âge de deux ans et, avant cet âge, un droit de visite du père trois fois par semaine et le dimanche des semaines paires. Si elle soutient qu'elle a repris la vie commune avec son ex-époux en mars 2017, les pièces produites ne permettent toutefois pas d'en justifier la réalité avant juillet 2017, soit postérieurement à l'arrêté contesté. Il ressort, par ailleurs, des pièces du dossier que M. A...était titulaire d'un certificat de résidence valable pour la période du 5 juin 2015 au 4 juin 2016 qui lui a été délivré pour raisons de santé à la suite de la décision rendue par le tribunal administratif de Nantes le 18 mai 2015. Alors que la préfète de la Loire-Atlantique s'est abstenue de répondre à la mesure d'instruction diligentée par la cour sur la question de savoir si le titre de séjour de M. A...avait été renouvelé, Mme C...fait valoir, sans être contredite, que son ex-époux disposait d'un certificat de résidence pour raisons de santé. Dans ces conditions, leur père ayant vocation à rester en France, l'obligation qui était faite à Mme C...de quitter le territoire français avait nécessairement pour effet de priver les trois enfants mineurs de la requérante de la présence de leur père, pour le cas où les enfants accompagneraient leur mère dans son pays d'origine, ou de leur mère, dans le cas où ils resteraient en France auprès de leur père. Par suite, la requérante est fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990, qu'elle doit donc être annulée ainsi que, par voie de conséquence, la décision fixant le pays de destination.
4. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, Mme C...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
5. Le présent arrêt implique seulement que la situation de Mme C...soit réexaminée. Il y a donc lieu d'enjoindre à la préfète de la Loire-Atlantique de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette mesure d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
6. Mme C...ayant été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros à Me E...D...dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
DECIDE :
Article 1er : L'arrêté du 24 avril 2017 de la préfète de la Loire-Atlantique et le jugement du 4 juillet 2017 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint à la préfète de la Loire-Atlantique de réexaminer la situation de Mme C...dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me E...D...la somme de 1 500 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...C...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée, pour information, à la préfète de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 19 avril 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. Geffray, président-assesseur,
- Mme Malingue, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 17 mai 2018.
Le rapporteur,
F. MalingueLe président,
F. Bataille
Le greffier,
C. Croiger
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°17NT03918
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